Par notre envoyée spéciale à Cannes Samira DAMI Enfin le film du festival que nous avons tant attendu : «The Day After» (le jour d'après) du Sud-Coréen Hong Sang-soo, un mélodrame déchirant et bouleversant, aux allures et à la forme paradoxalement exquise, a séduit et marqué les esprits à Cannes. Le film s'ouvre sur une scène apparemment des plus banales : un couple, d'âge assez mûr, Bongwan, éditeur réputé et critique littéraire, et sa femme Song, s'apprête à déjeuner. Au cours du repas, sa femme, Song, l'air suspicieux, lui pose la question qui tue : «Dis-moi, tu n'aurais pas trouvé une maîtresse ? ». L'homme nie d'un petit rire nerveux, en baissant la tête, ne regardant plus que son assiette. Nerveux, perdu et ébranlé, Bongwan l'est déjà, car, justement sa maîtresse, Chang Sook, vient de le quitter. L'éditeur a engagé, Areum, une jeune et jolie femme, pour la remplacer. Mais, dès son premier jour de travail, la femme de Bongwan débarque dans le bureau sans prévenir, car elle a trouvé une lettre d'amour enflammé prenant Areum pour sa rivale. La nouvelle employée subit la colère noire et la violente crise de jalousie de Song. Dans la continuité de «Le jour où le cochon est tombé dans le puits», «La vierge mise à nu par ses prétendants», «La femme est l'avenir de l'homme» et la plupart de ses films, «The Day After» met en scène un triangle amoureux, thème récurrent et cher au réalisateur. Autre parti pris prisé par le réalisateur : filmer en noir et blanc numérique. Ce choix, dans «The Day After » sert à amplifier les contrastes entre la variété de sentiments que vivent les personnages : amour, haine, séduction, jalousie, compassion, attirance, aversion, désir, violence, espoir, désespoir, rires, larmes. A travers les péripéties que vit ce triangle amoureux, voire quatuor, le réalisateur nous livre une réflexion sur l'amour et l'infidélité, la perte et le retour, la passivité et la lâcheté, dans un style simple et affiné, façon cinéma minimaliste qui caractérise la plupart de ses films : des décors basiques, un nombre d'acteurs réduits, quatre en tout, des plans séquences fixes, un cadre figé, l'absence de musique, etc. Mais la réduction des moyens d'expression cinématographique sont compensés chez Hong Sang-soo, par le sens ainsi que la beauté des dialogues, entre puissance et légèreté, à la manière du réalisateur français Eric Rohmer. Le drame, construit de manière linéaire, sans unité de lieu ni de temps, coule de source, impulsé par la passivité et la lâcheté de Bongwan qui demeure piégé et désespérément figé dans le cadre sans volonté de franchir la ligne, amarré à ses habitudes et mœurs de bourgeois. Kim Min-hee, dans le rôle d'Areum, celle qui symbolise les possibles espoir et régénération amoureuse, brille par son interprétation à la fois mélancolique et sensuelle et mériterait un prix d'interprétation. Kwon Hae-hyo, dans le rôle de Bongwan, fiévreux et tourmenté, est d'une grande justesse. Hong Sang-soo, qui est pour la quatrième fois en compétition avec «The Day After», remportera-t-il, enfin, la récompense suprême ? La majorité de la critique internationale estime que ce dernier opus du réalisateur ne volerait pas son prix s'il arrivait à rafler la Palme d'Or. Les favoris Ainsi, les films les plus favoris pour remporter la Palme d'Or ne sont pas légion lors de cette 70e édition qui touche à sa fin, car, deux jours seulement nous séparent du palmarès. Seuls quelques opus méritent réellement des récompenses. Mais pour la récompense suprême nos favoris sont jusqu'ici: «The Day After» et «Faute d'amour» du Russe Andrey Zvyagintsev qui fait quasiment l'unanimité de la critique en raison de la puissance aussi bien de son propos que de sa forme. L'auteur-réalisateur y dépeint la nouvelle classe moyenne russe avide, égoïste, frustrée et en décomposition à travers le drame de la disparition d'un enfant. En tout cas, le ballet des films qui ont raté le coche continue dans cette compétition, où il n'y a réellement pas de grands films, citons le très bavard «Radiance » (Vers la lumière) de la Japonaise Naomi Kawase, ou le décevant «The Biguiled» de l'Américaine Sofia Coppola ou encore le lamentable «Good Time» du duo américain Benny Safdie, Josh Safdie, un film d'action hollywoodien qui n'a vraiment rien à faire en compétition. Voilà qui est, pour le moins, étonnant pour un festival de l'envergure de Cannes.