De notre envoyée spéciale à Cannes, Samira DAMI Et de deux pour Ken Loach, qui obtient, pour la seconde fois, après « Le vent se lève », en 2006, une Palme d'or, faisant, ainsi, son entrée dans le club fermé des détenteurs d'une double Palme d'or. La Palme lui a été attribuée, hier, lors de la cérémonie de clôture par le jury de la 69e édition du festival de Cannes, présidé par le réalisateur australien Georges Miller, pour son poignant «I, Daniel Blake» (Moi, Daniel Blake). Pourtant son dernier-né n'a pas fait l'unanimité sur la Croisette, d'aucuns lui reprochant sa facture classique et son style répétitif. Mais le fait est là, on ne peut rester indifférent à ce cinéma social ainsi qu'au thème profond et douloureux agité par le film, soit la cruauté de l'administration et de l'Etat face aux démunis et à tous ceux qui se retrouvent dans la précarité. Sur la scène du grand théâtre Louis-Lumière, après avoir reçu son prix, il a continué à plaider pour « un cinéma de protestation, car, selon lui, un autre monde est possible, et c'est nécessaire ». Le jury, qui a visionné 21 films en compétition, a également octroyé une double récompense au cinéma iranien à travers le prix du scénario et de l'interprétation masculine pour «Le client » d'Asghar Farhadi, tandis que «Toni Erdmann» de l'Allemande Mare Ade, pourtant le favori de la presse internationale et du public, repart bredouille ainsi que, d'ailleurs, le si poétique «Paterson» de l'Américain Jim Jarmusch. Le premier film met en scène une farce hilarante moquant les hautes sphères froides et déshumanisées du consulting et du business, s'en prenant, ainsi, à l'ordre (mondial) établi. Le deuxième opus est une célébration de la vie simple, de l'amour et de la poésie Le grand prix a récompensé « Juste la fin du monde» du Canadien Xavier Dolan, un huis clos familial où on s'entredéchire. Le réalisateur, en pleurs, a traité les journalistes et spectateurs qui ont sifflé et hué son film — ce qu'il n'a pas vraiment compris de « violents », déclarant qu'il préfère « la sagesse à l'indifférence » Le prix de la mise en scène a été attribué ex æquo à « Baccalauréat » du Roumain Cristian Mungiu qui dénonce le système de la corruption qui gangrène la Roumanie et à « Personal Shoper » du Français Olivier Assayas. Si le premier mérite pleinement son prix en raison d'une mise en scène maîtrisée et d'un propos d'un grand intérêt, le second frise l'ennui avec son propos ridicule sur le spiritualisme et la communication avec l'au-delà. Le double prix du cinéma iranien consiste, d'abord, en le prix du scénario qui a été attribué à Asghar Farhadi pour «Le client», le réalisateur ayant déclaré : « Mes films ne sont pas connus pour être joyeux et je suis content d'apporter de la joie à mon peuple». Et dans un clin d'œil au président du jury, il a noté : «Quand on travaillait sur le film pour marquer une pause, un de mes collaborateurs sur le film m'a conseillé de voir un film et c'est justement Mad Max ». Et, ensuite, en le prix de l'interprétation masculine décerné à Shahab Hosseini. Le prix de l'interprétation féminine a été décerné à Jaclyn José pour son rôle dans « Ma' Rosa » du Philippin Brillante Mendoza qui se focalise sur la corruption de la police à Manille. « American Honney » de la réalisatrice anglaise Andrea Arnold qui, avec beaucoup de fraîcheur, se focalise sur la jeunesse américaine laissée pour compte, a raflé le prix du Jury. Enfin, une Palme d'or d'honneur a été dédiée à Jean-Pierre Leaud qui, il y a 57 ans, a triomphé à Cannes avec «Les 400 coups» de François Truffaut. La Caméra d'or, qui récompense les premières œuvres toutes sections confondues, a été attribuée à «Divines» de Houda Benyamina qui met en scène, dans une tragédie poignante, les rêves des jeunes des cités françaises confrontés à la précarité. Le film a été sélectionné dans une des sections parallèles du festival, «la Quinzaine des réalisateurs». La réalisatrice au tempérament très énergique a démontré qu'elle en veut en s'écriant : «Cannes est à nous aussi, les femmes». Tout en remerciant, énergiquement, toute son équipe artistique et technique pour leur soutien, surtout face aux difficultés financières» La Palme d'or du court métrage est revenue, comme attendu, au film « Timecode » de l'Espagnol Gimenez Juanjo que nous avons déjà signalé et qui a illuminé la Croisette grâce à un film d'une grande maîtrise cinématographique : un hymne à l'art de la danse et du cinéma. Nous y reviendrons.