Au parlement, l'opération examen de la loi sur les collectivités locales démarre demain. Dans les régions, ce sont toujours les notables qui gèrent les affaires même s'ils n'appartiennent à aucun parti politique au pouvoir ou dans l'opposition Demain, mardi 13 juin, démarrera officiellement, au palais du Bardo, au niveau de la commission parlementaire de l'organisation de l'administration et des affaires des forces porteuses d'armes, le grand chantier relatif à l'examen de la loi organique 48/2017 relative au Code des collectivités locales. On commencera par l'audition de Riadh Mouakhar, ministre des Collectivités locales et de l'Environnement, en sa qualité de représentant de la partie auteur de l'initiative législative, c'est-à-dire le gouvernement. Puis commencera à partir du mercredi 14 juin le défilé des organisations et associations de la société civile désireuses de faire entendre leur voix sur le contenu de l'initiative gouvernementale et aussi de faire connaître leurs propositions et leurs suggestions. Toutefois, il existe une condition pour que ces organisations puissent s'exprimer devant les membres de la commission parlementaire. Il faut qu'elles aient soumis leurs propositions par écrit à la commission parlementaire avant le 11 juin, conformément au communiqué publié par la commission. Cette dernière déterminera la liste des organisations et associations autorisées à s'exprimer à la lumière des observations qu'elles auraient soumises. D'autre part, les membres de la commission écouteront les avis des représentants de la commission constituante (ANC) qui a formulé le contenu du chapitre de la Constitution relatif aux collectivités locales. Une conférence de presse sera donnée par la commission parlementaire avant qu'elle n'entame l'examen du projet en question. Elle y dévoilera la méthodologie de son action et le calendrier qu'elle observera pour l'examen du projet de loi, sans omettre de signaler que d'autres commissions parlementaires auront à dire leur mot sur le projet de loi en question. Il s'agit principalement de la commission de législation générale et de la commission des finances, de la planification et du développement. Voilà pour les informations officielles révélées par le bureau de la Chambre des députés qui informe également sur les dates arrêtées pour l'examen d'autres projets de loi comme le code des instances constitutionnelles et le projet de loi 71/2015 sur le statut du budget de l'Etat. Le gouvernement appelle, en effet, à l'examen de ce projet de loi que plusieurs spécialistes considèrent comme la constitution économique du pays. Un chantier qui s'annonce long Mais quand on analyse un peu le programme révélé par le bureau de l'ARP, on ne peut s'empêcher de formuler les deux observations suivantes. D'abord, quels sont les critères ou les paramètres sur lesquels va s'appuyer la commission parlementaire pour autoriser une organisation de la société civile quelconque à exprimer ses propositions, d'une part, et faire, d'autre part, la sourde oreille à la demande d'une autre association ? Et au cas où l'une des organisations serait déboutée, bien qu'elle ait obtempéré aux conditions posées et ait soumis ses observations avant la date butoir du 11 juin, à quelle juridiction peut-elle recourir pour s'opposer à la décision de la commission parlementaire et exiger son droit à la parole? En plus clair, va-t-on revivre le feuilleton des recours par-devant le Tribunal administratif pour avoir gain de cause et arracher ce que les associations de la société civile appellent leur droit à la participation à l'action législative comme si elles étaient mandatées par les électeurs ? «Sauf qu'on oublie, précisent les connaisseurs, que le tribunal administratif n'a pas d'emprise sur le Parlement et n'a pas à l'obliger à écouter ceux qu'il refuse d'écouter, séparation des pouvoirs oblige». Il est vrai qu'à l'époque de l'Assemblée nationale constituante (ANC), le tribunal administratif a rendu plusieurs ordonnances que le Dr Mustapha Ben Jaâfar, président de l'ANC, s'est trouvé dans l'obligation d'exécuter. Maintenant, les choses ont changé et Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, est obligé de prendre en considération les avis des groupes parlementaires dont la composition et les chefs changent au gré des humeurs et des calculs politiques. Ensuite, que peut-on attendre des explications ou des éclairages que pourraient produire les constituants qui ont contribué à la rédaction du chapitre relatif aux collectivités locales au sein de la constitution ? «Ne valait-il pas mieux, confie à La Presse l'un des juristes qui ont contribué à la correction du premier draft de la constitution, solliciter le concours des constitutionnalistes qui ont prouvé leur compétence et leur savoir-faire au lieu de constituants qui nous ont légué une constitution que même feu Maurice Duverger et Essanhouri trouveront les pires difficultés à comprendre». Pour ce qui est du temps qu'on mettra au niveau des différentes commissions parlementaires pour écouter tout le monde, examiner le projet de loi, l'adopter en commissions puis le soumettre pour adoption en séance plénière, il est presque acquis que le parlement ne sera pas dans les délais avant les municipales prévues le 17 décembre prochain. D'ailleurs, Nabil Baffoun, le membre du conseil de direction de l'Isie et un peu l'homme fort de l'Instance à la suite de la démission de Chafik Sarsar, n'a pas manqué de préciser dans l'une de ses dernières déclarations que «les municipales auront lieu sur la base du Code des collectivités locales datant de 1975». Dans l'attente de la décentralisation Les propos de Nabil Baffoun sont éloquents et tranchants : la décentralisation, on peut l'attendre encore des années et des années. Et avec les événements qui surviennent dans le pays, plus particulièrement dans les régions de l'intérieur où le tribalisme ressurgit et avec l'approche suivie par le gouvernement pour trouver les solutions qu'on présente comme consensuelles, cette attente sera très longue. «En France, rappellent certains observateurs, on a attendu le 20 mars 1982 pour promulguer la loi Gaston Deferre relative aux régions». En Tunisie, on veut brûler toutes les étapes pour que «la meilleure Constitution du monde» soit appliquée dans ses différents chapitres même si dans les régions intérieures du pays on est toujours convaincu que les crises ne peuvent être résolues qu'avec l'intervention des notables même s'ils appartiennent au régime déchu et qu'ils s'en vantent encore.