Le 3e titre arabe arraché haut la main par l'Espérance ne doit pas la plonger dans l'autosatisfaction. A plus forte raison après les défaillances défensives enregistrées. Alexandrie a été au rendez-vous d'un nouveau triomphe espérantiste: après la Supercoupe africaine en 1995, le championnat arabe 2017. Et toujours le mammouth Faouzi Benzarti à la baguette. Il y a presque un quart de siècle, il venait alors de remporter face au Zamalek la Coupe d'Afrique des clubs champions 1994, l'équivalent de la Ligue des champions d'Afrique. Sur les rives de la Méditerranée, dans la seconde ville égyptienne immortalisée par Youssef Chahine dans son long métrage «Iskandaria, lih ?», ses hommes ont laminé le vainqueur de la coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe, les Congolais de Motema Pembe (3-0). L'enfant de Monastir serait-il gagné par l'effet d'usure ? En tout cas, dimanche dernier, alors que son équipe allait inexorablement vers un triomphe en finale, un score fleuve face aux Irakiens d'Al Fayçali, il fit maladroitement revenir Al Fayçali dans le match. L'EST tenait alors de main de fer une partie qui tournait à l'exhibition. Menant par (2-0), le club de Bab Souika était seul maître à bord et promenait son adversaire aux quatre coins du stade. Les hommes de Nibojsa Jovovic ne parvenaient plus à récupérer le ballon. En un mot, ils paraissaient perdus. Soudain, une première intervention malheureuse de Benzarti, un changement à contretemps. Son milieu de terrain exerçait une domination sans partage. Donc, quelle mouche a piqué l'enfant de Monastir qui sort Chaâlali, la plaque tournante de la ligne médiane, au bénéfice d'un Fakhreddine Ben Youssef, auteur d'une campagne arabe transparente et qui paraît avoir besoin de repos cet été tant il a perdu son jeu à base de percussion sur les ailes. Trois minutes plus tard, Al Fayçali réduisait la marque par Akram Zwei. D'ailleurs, pourquoi pas Maher Besseghaier, étincelant chaque fois qu'il fut aligné au lieu de Ben Youssef si tant est que le staff technique voulait par ce changement booster un peu plus le secteur offensif ? La partie changeait en tout cas de visage, l'EST n'existait plus devant les vagues déferlantes des Bleus. Paniqué, Benzarti sort le grand bonhomme de cette seconde période, Saâd Bguir, auteur d'un superbe doublé au bénéfice d'un récupérateur, Franck Kom. Mal lui en prit puisque moins de dix minutes plus tard, Khalil Ben Attia égalisait pour les Jordaniens. Le foot a un charme unique. Un match n'est jamais gagné d'avance. Il peut basculer sur un détail. Et ce détail-là a consisté dimanche soir en un coaching perdant, inintelligible et confus de Benzarti, sans parler de la baisse d'intensité physique qui paralysa les «Sang et Or» dans les vingt dernières minutes. La dépense d'énergie consentie face aux Marocains du FUS dans les prolongations des demi-finales, et les 24 heures de récupération en moins ont été payées cash. *Les largesses de l'axe défensif Mais il n' y eut pas que des zones d'ombre dans le triomphe arabe du club de Bab Souika qui ne lâcha jamais le morceau. Pas même au début des prolongations quand Al Fayçali parut avoir le moral au zénith puisqu'il revenait de loin. L'EST ne pouvait pas refuser le cadeau du destin qui fit valider un but entaché d'un hors jeu macroscopique, celui de Chamseddine Dhaouadi, qui fit sortir les copains de Luckasz de leurs gonds, et dégénérer tout simplement une finale jusque-là belle et passionnante. Il n'en reste pas moins que le champion de Tunisie 2017 n'aurait jamais dû faire revenir son adversaire dans un match qui paraissait, à une vingtaine de minutes de la fin, bel et bien plié. En Ligue africaine des champions, une telle attitude ne pardonne pas. Face aux expérimentés Egyptiens d'Al Ahly, par exemple, les copains de Chammam n'auraient pu espérer se sortir à si bon compte. Avec un tel axe défensif, fébrile et passif en de nombreuses situations, pas seulement en finale, mais tout au long du tournoi, l'Espérance part avec un handicap certain. La priorité consiste à se renforcer à ce niveau au mercato d'été. Tout en doublant certains postes tels ceux de latéral droit (le recours à Chaâlali pour dépanner dans ce rôle, face aux Marocains du FUS, a trahi ses limites) ou encore d'avant-centre puisque derrière Khenissi, Jouini, longtemps attendu par les fans du club, paraît bien loin de répondre aux attentes. Sa sortie de dimanche a été quelconque. Or, dans le haut niveau, il ne faut pas s'attendre à disposer de chances interminables. Tirer les leçons Le championnat arabe est, en tout cas, tout bénéfice à condition qu'il ne génère pas une grosse fatigue pour les joueurs dans les prochains mois et qu'il ne laisse pas physiquement des séquelles. La quinzaine d'Alexandrie a ouvert les yeux sur ce qui reste à faire dans la perspective du renforcement d'un ensemble capable du meilleur comme du pire, en vue d'une rude saison pleine de défis: championnat et coupe de Tunisie, Ligue des champions d'Afrique (et si affinités, Coupe du monde des clubs), éliminatoires de la Coupe du monde avec le club Tunisie pour l'imposante colonie d'internationaux «sang et or»... Certes, l'Espérance n'a pas perdu son temps cet été en Egypte en empochant un pactole capable de soulager ses finances, et en ajoutant une ligne à son palmarès déjà impressionnant. Mais au-delà de ces dividendes, il faut savoir tirer la leçon de ce qui reste à faire moins d'un mois avant les quarts de finale face à l'ogre ahlaoui, le 15, 16 ou 17 septembre (aller) et le 22, 23 ou 24 septembre (retour). Certes, le club «sang et or» a inscrit de précieux points, psychologiquement dans un tournoi où Al Ahly n'était pas allé au-delà des demi-finales. Mais en passant aux choses sérieuses, que d'eau risque de couler sous les ponts..