Le démantèlement immédiat des unités polluantes de la Siape a été annoncé par le chef du gouvernement lors de sa visite à Sfax, en avril dernier, parmi les 40 mesures destinées à impulser le développement à Sfax et dans la région et attirer les investissements. Depuis, aucune avancée n'est signalée dans la concrétisation du projet et les représentants de la société civile locale commencent à douter des réelles intentions des autorités locales et régionales C'est en 1951 que la Société industrielle d'acide phosphorique et d'engrais (Siape) fut créée pour la production du triple super phosphate. A l'époque, l'usine créée à Sfax faisait la une des journaux et était exhibée avec fierté comme l'une des plus importantes usines en Tunisie. Elle permettait une valorisation du phosphate extrait par la Compagnie des phosphates de Gafsa. Aujourd'hui encore, 66 ans après, l'usine continue à faire la une des journaux. Mais cette fois, ce sont ses méfaits sur l'environnement et tout le mal fait à la ville de Sfax qui sont dénoncés. Avant 2011, plusieurs études ont montré l'impact écologique néfaste de cette entreprise sur la région, mais ce n'est qu'au lendemain de la révolution qu'une résistance s'organise à Sfax même, où les habitants exigent la fermeture immédiate de la Siape. Ils auront gain de cause, lorsque le chef du gouvernement Youssef Chahed, en déplacement à Sfax au mois d'avril dernier, annonce le démantèlement immédiat des unités polluantes de la Siape et l'assainissement du site. Immobilisme des autorités locales Mais, depuis, les choses n'ont pas avancé d'un iota, selon les organisations de la société civile, et les mouvements de protestations pourraient reprendre dans quelque temps. En effet, le collectif environnement et développement à Sfax pointe du doigt l'immobilisme des autorités locales qui rechignent à appliquer la décision du chef du gouvernement. Pire, selon le coordinateur du collectif, Hacem Kammoun, les autorités locales sont encore attachées au maintien de l'unité de production du très controversé triple super phosphate (TSP). Il accuse notamment la Siape et le gouverneur de Sfax d'induire en erreur le chef du gouvernement Youssef Chahed. Il assure que « peu de temps avant la visite de Youssef Chahed en juillet pour l'inauguration de la foire du livre, les responsables à la Siape ont ramené quelques équipements, les ont exhibés devant le chef du gouvernement comme faisant partie du dispositif de démantèlement. Ces équipement ont été enlevés après le départ de Youssef Chahed et réellement, depuis avril 2017 jusqu'à aujourd'hui, rien n'a été fait ». Selon lui, la Siape souhaite maintenant remplacer le TSP par le simple super phosphate, présenté comme moins polluant. « Nous avons eu accès à l'étude d'impact menée par l'entreprise, et je peux vous assurer que le danger est le même, note Hacem Kammoun. C'est pour cette raison que nous continuons à nous y opposer ». La Siape hypothèque le développement de Sfax et de la région Une étude menée sous l'ancien régime et effectuée par Comet International montre déjà dès 2008 l'empreinte écologique néfaste de l'usine de la Siape qui couvre une superficie de 120 hectares au cœur de la ville. Les militants de la société civile, pour justifier leurs revendications, s'appuient sur cette étude commandée par l'Etat tunisien lui-même. Contacté par La Presse, le premier délégué de Sfax a reconnu ne pas détenir suffisamment d'informations à ce sujet. « Il nous a été simplement demandé d'annoncer aux médias que les travaux de démantèlement, décidés par le gouvernement, ont débuté le 4 juillet », affirme Abdelbasset Mnasri. Il affirme toutefois que le démantèlement n'est pas un acte anodin et qu'il se fera avec l'aide d'une autre entreprise (choisie par le Groupe chimique) qui prendra l'ensemble des précautions nécessaires. « Le gouvernement tiendra ses promesses et nous nous orientons vers la suppression de toutes les unités polluantes de la région. Les militants des droits environnementaux défendent la thèse selon laquelle le démantèlement de la Siape permettra la création de milliers d'emplois, alors que la Siape n'emploie aujourd'hui que 300 salariés. « A Sfax, et à cause de la Siape, 4.400 hectares restent inexploités. Cette entreprise empêche le développement de la région et la création d'emplois », s'insurge Hacem Kammoun.