Des personnages comme sortis de fresques orientalistes dont la simple posture évoque rêves, fantasmes et douceur de la vie nocturne. Le 16 août dernier, il y a avait grand monde à Hammamet pour la comédie musicale libanaise Bar Farouk. Cette compagnie «Métro Al Médina» a déjà conquis le public l'an dernier avec «Hechek Bechek», une fresque musicale dans la même veine qui dépeint le Caire des années 30-50. Cette fois, on nous entraîne de plain-pied dans le Liban de plus d'une décennie, des années 30 jusqu'aux années 70. Tout en musique, chant, extravagance, couleurs, paillette, plumes et boules à facettes. Le cadre est un cabaret, comme il en pullulait un peu partout dans Beyrouth, des lieux de joie, de vie, de rêves et de fantasmes. La vie était si légère, l'eau de vie coulait à flots, les femmes étaient belles, gracieuses avec des robes vaporeuses, des étoffes qui traînaient dans un mouvement de drapage nonchalant, les mouvements langoureux et les démarches chaloupées. C'est les femmes de Farouk. Des personnages comme sortis de fresques orientalistes dont la simple posture évoque rêves, fantasmes et douceur de la vie nocturne. Au tour de ces femmes-artistes aux voix suaves, d'autres personnages masculins gravitent tout autour, eux aussi combinent jeux de scène, service, musique et chant. Chacun endosse un caractère, le farfelu, le grande gueule, le rêveur, le musicien...les femmes quant à elles, elles restent sur leur piédestal, un cadre que le décor lui offre et un clair — obscur qui font d'elles des icônes, des figures plastiques dignes des plus belles fresques orientalistes. «Bar Farouk» donne furieusement envie de profiter de la vie et de tous ses excès, le tout s'enchaîne à un rythme soutenu, pendant deux heures, portant les spectateurs à danser et à chanter sur les rythmes entraînants des compositions les plus frivoles mais ponctuées aussi de soupirs. Les artistes ont interprété à merveille un best-of des chansons qui ont marqué cette époque. Ils ont puisé dans le répertoire de Chouchou, Sabah, Férial Karim, Omar el-Zeeni, Farid Al Atrach, Taroub, Najeh Salem, Fahd Ballen ...des noms connus et d'autres icônes qui ont émaillé la scène musicale libanaise. Bar Farouk évolue selon un rythme soutenu, à travers les décennies, les costumes changent, on passe des étoffes légères du style d'après — guerre à des couleurs plus criardes et aux coupes plus structurées des années 60-70, les chansons aussi, ponctuent le temps qui passe, pour arriver à la scène finale avec le super tube «Habibi y a aïni» de Maya Yazbek, aux rythmes frénétiques, sur lequel fait éruption le son assourdissant des tirs et des bombardements, les années 70, la guerre du Liban bat son plein, Bar Farouk continue à vivre...fort moment dramatique qui donne à cette comédie musicale toute sa dimension théâtrale qui dépasse le simple hommage aux icônes de la chanson pour devenir un hymne à la vie et au Liban.