Par Bady BEN NACEUR Je n'ai pas encore parlé des artistes plasticiens qui sont arrivés à Zarzis et qui ont pris leur «maken» dans leurs ateliers. Cela aura été une bonne surprise de les rencontrer et une douleur de les voir partir demain, dès l'aube, après qu'ils nous aient montré leurs talents d'artistes, leurs prédispositions à ouvrir, toutes grandes, leurs portes de leurs univers magiques, de leurs imaginaires bien singuliers et faire don de soi pour donner du baume aux enfants et aux adultes : des images coloriées, des atmosphères particulières, chargées de musique et de poésie. Cela aura été une grande surprise, vraiment, de savoir qu'ils venaient de toutes parts, des quatre coins du monde, avec leurs allures singulières, leurs accents, leurs fantaisies ! Vous savez, chers lecteurs, ce sont des êtres fragiles, pour la plupart, à cause des lieux d'où ils viennent, de leurs Etats et gouvernements qui ne sont pas forcément démocrates et soucieux de leurs citoyennes et citoyens malmenés, la plupart du temps, à cause de la censure et des non-droits. Alors, quand ils se rencontrent, tout de suite, instantanément, ils se reconnaissent entre eux. Ce sont des gens d'une même «fratrie», d'une même tribu, sans nationalisme étriqué, sans odeur de sainteté religieuse. Les artistes sont les nouveaux prophètes de ce monde immonde et pourri à cause du capitalisme sauvage, de la corruption (dont c'est la thématique de cette troisième session), de l'indignité et de la gabegie générale. Et ces peintres et sculpteurs aujourd'hui repartis chez eux étaient venus pour soigner les malheurs qui se sont abattus sur toute la presqu'île de Zarzis. A commencer par celui de la migration qui empeste la vie quotidienne de nombreuses familles à Zarzis et dont les enfants, harragas démunis, échouent souvent la traversée des flots tumultueux de la Méditerranée. Alors ces gisants infortunés viennent échouer sur les rivages d'où ils sont partis. Les artistes avec les enfants ont confectionné de petits bateaux en papier-couleur, à la mémoire de ces frêles corps, sitôt enterrés par les leurs. Ils ont aussi investi les murs de la ville pour attirer l'attention des publics les plus divers. Même les touristes russes, qui ont investi plusieurs hôtels du littoral, se sont prêtés à la quête des artistes, quête quotidienne pour redonner le sourire aux enfants et à cette jeunesse désemparée et oisive qui rêve d'un ailleurs, alors que ce pays est l'un des plus beaux au monde. Je parlerai, dans les livraisons à venir, de ces artistes qui ont pour noms : Al Gaddafi Al Fakhry, Amira et Kaouther M'timet, de Suheil Badder, de Leïla Selmaoui, de Najet Ghrissi, Canet Isabelle, de Claude Habib et de Dima Road, de Diego Giunta et de Francisco Speicher, de Ghassen Abulaban, Omar Ben Brahim, de Houcine Msadak, de Mustapha Ghedjati et de Salah Talbi, Najah Zarbout, Oert Mizir et de son fils Fatmir Mizir, et Emna Kahouaji, Fatemeh Jaleh, Salma El Marri et tant d'autres, sur lesquels j'écris actuellement mes impressions de rencontre, malgré les langues étrangères où parfois nous «mimons» les paroles pour mieux nous faire comprendre. L'art étant un alphabet de signes et d'émotions qui viennent du cœur. _________ (*) Louis Aragon