Les Tunisiens ont toujours accordé une grande importance au grand pèlerinage (hadj), cinquième pilier de l'islam. Avoir un membre de la famille qui part pour le pèlerinage équivaut à une réjouissance au sein du cercle familial. Mais ce départ pour les Lieux Saints suscite aussi la crainte et l'appréhension, à cause des conditions dures et pénibles, dans lesquelles s'accomplissent les rites religieux. Le pèlerinage pour les Tunisiens n'est pas seulement un devoir religieux, c'est une occasion pour célébrer en grande pompe le retour des proches en provenance des Lieux Saints. Du moins, c'est ce qui transparaît de l'ambiance conviviale et chaleureuse qui régnait cette semaine à l'aéroport de Tunis-Carthage (Terminal II). Cette année, 10 347 Tunisiens sont partis pour remplir ce devoir religieux. Une grande tente a été installée, au centre du parking de l'aéroport, destinée à accueillir les passagers, lors de l'atterrissage de l'avion. Des barrières métalliques sont alignées, tout le long de la tente, disposées de façon à dégager une allée rectiligne et assez large. Des familles commencent à se ruer sur la tente. Des femmes, penchant la tête en avant, guettent l'entrée des voyageurs attendus avec impatience. Des hommes, s'accoudant aux barreaux métalliques, portant leurs petits enfants, commencent à se lasser de l'interminable attente. Pas très loin du petit bâtiment en plastique dressé au milieu de l'aéroport, un fleuriste façonne des bouquets de fleurs, tandis que son ami les offre aux femmes. Deux écrans géants sont érigés sous la tente, diffusant en direct la salle intérieure de l'aéroport. Par mesures sécuritaires, des agents de sécurité de l'Oaca, de la police et de la protection civile patrouillent, tout en gardant l'œil sur la foule. Au moment où les gens commencent à perdre patience et enthousiasme, la première pèlerine surgit. Souriante, elle avance accompagnée d'un agent de l'Oaca, poussant devant lui le chariot sur lequel ont été installés les bagages avec dessus une pancarte portant le nom de la « hadja ». Une série de youyous fusent. La femme, telle une star sur un tapis rouge, ne cesse d'agiter sa main en guise de salut à la foule, les yeux pétillant de joie. Et puis, d'un coup, les pèlerins commencent à défiler sur l'allée, cherchant des yeux un parent qui serait présent pour les recevoir. Peu importe ! Saisissant l'occasion au vol, on s'est dirigé vers les premiers arrivés pour les interroger sur les conditions d'hébergement aux Lieux Saints, afin de démêler le vrai du faux, suite à de nombreuses plaintes diffusées dans les médias et sur les réseaux sociaux. «Dieu merci (Hamdoullah) ! C'était bien ! », rétorque un homme d'une soixantaine d'années, qui vient juste de quitter la tente. Face à notre insistance, il lâche: « Oui, c'est vrai, il y a eu quelques problèmes sanitaires, ce n'était pas nickel, mais ce n'est point grave ! On est allé à la Mecque pour accomplir un devoir religieux et vénérer Dieu, on doit alors supporter la chaleur, la fatigue et tout autre aléas du hadj». Une femme âgée nous parle de son expérience le sourire aux lèvres : «Tout était bien ! Ça s'est convenablement passé ! On était bien nourri, bien logé, tout était dans les normes». Essayant de soutirer plus d'informations elle nous confie: « A vrai dire, à Mina, les sanitaires étaient sales. Il y eu aussi des bousculades. Mais, peu importe, nous avons accompli les rites et on est là sain et sauf. On est heureux de notre pèlerinage. Je souhaite que tout le monde en fasse un jour l'expérience ! » Peut-être que nos pèlerins étaient pris de court. Ou c'est l'effet d'avoir foulé de nouveau le sol natal. Mais pour une grande partie d'entre eux, le fait d'avoir accompli les rites du pèlerinage et d'être rentré en bonne santé, les a tout simplement remplis de bonheur avec le sentiment du devoir accompli.