Quand nos politiciens font la course aux petites phrases assassines, aux déclarations déplacées et aux leçons de bonne conduite et de patriotisme qu'ils livrent à leurs adversaires ou aussi à leurs partenaires, on peut dire que notre paysage politique national a besoin d'un bon coup de balai moralisateur Il est un nouveau phénomène émergeant depuis l'avènement de la révolution de la liberté et de la dignité et prenant, de plus en plus, de l'ampleur en cette période de campagne électorale avant la lettre, en prévision des législatives et de la présidentielle de 2019 ayant démarré ces derniers jours au nez et à la barbe de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), laquelle instance peine toujours à dénicher un président et dont les membres, y compris les derniers venus, se comportent comme s'ils avaient la science infuse en matière de processus électoral. Il s'agit, en effet, de ces petites phrases assasines que nos politiciens ont pris l'habitude de prononcer devant les journalistes dans le but de les aider à «épicer» leurs articles, de ces échanges déplacés entre nos députés quand ils sont en colère et enfin de ces leçons gratuites qu'on s'autorise à donner à ses adversaires et aussi à ses partenaires dans le but de paraître aux yeux de l'opinion comme le sage n°1 du pays ou comme le gardien zélé du temple de la démocratie et de la morale, voire de la religion islamique, qui «a toujours besoin d'âmes propres pour la défendre face à ceux qui veulent la souiller». Et il est des expressions et des termes qui devraient être bannis du lexique politique national. Les exemples ne manquent pas et le plus inquiétant est que ces dérapages sont devenus «la production préférée de notre élite politique et associative au point qu'il ne se passe plus une journée sans que l'un de nos leaders ou intellectuels ne nous pique avec une petite phrase qui fait froid dans le dos». La dernière est l'œuvre de Borhène Bsaïess, l'idéologue n°1 de Nida Tounès, qui vient de comparer «l'Ugtt à une armée qui vient de quitter ses casernes pour faire de la politique et pour laquelle il est impossible d'y retourner après avoir goûté à l'exercice politique et à la prise des grandes décisions, voire à leur élaboration». Et Borhène Bsaïess de glisser un conseil amical et désintéressé aux syndicalistes en soulignant : «Personne n'est en mesure de douter du sentiment patriotique des syndicalistes. Mais ils doivent ou ils peuvent revoir les mécanismes de leur intervention dans la vie politique nationale et du partenariat qu'ils ont établi avec l'autorité politique en place». Il se livre de plus à une psychothérapie de Mohsen Marzouk, le patron de Machrou Tounès. «Il est en train de vivre une période de confusion politique et il est possible qu'il regrette le fait d'avoir quitté Nida Tounès et qu'il a compris qu'il a perdu la partie». Mohsen Marzouk, qui nous a déjà dit que Borhène Bsaïess «est un simple salarié qui agit sous les ordres de ceux qui versent son salaire chaque mois», répondra sûrement en nous livrant une perle qui fera le bonheur des internautes, des blogueurs et des journalistes en besoin d'articles épicés. Et comme Borhène Bsaïess s'est octroyé le titre de redresseur des torts des autres et de rectificateur de leurs mensonges, il prend la défense de Anis Jarbouii, le candidat malheureux à la présidence de l'Isie accusé par Samia Abbou d'être «un mounachid de Ben Ali». Il rappelle à la députée du Courant démocratique que son collègue Noômane El Euch a lui aussi fauté en acceptant d'être rémunéré par une entreprise publique à Sfax en tant que membre de son conseil d'administration alors que son statut de député le lui interdit. Elyès Fakhfakh signe son retour Ettakatol, le partenaire des gouvernements de la Troïka I et II qui a disparu de la circulation depuis sa cuisante défaite aux législatives du 26 octobre 2014, revient sur la scène par le biais d'Elyès Fakhfakh, le membre de son bureau politique et ancien ministre des Finances de Hamadi Jebali et Ali Laârayedh. «Les propositions avancées par le chef du gouvernement contenues dans le projet de loi de finances 2018 reposent sur de fausses hypothèses n'ayant aucun rapport avec la réalité. Je ne sais pas comment les conseillers du chef du gouvernement ont décidé de consacrer une enveloppe de 5 milliards aux conventions de partenariat entre les secteurs public et privé au cours des années 2018 et 2019», déclare-t-il, sans ajouter une seule indication ou une seule donnée à même de prouver que le gouvernement et ses conseillers sont dans l'erreur. Il a, toutefois, le courage de reconnaître qu'il n'est pas au courant des données sur la base desquelles les conseillers de Youssef Chahed travaillent. C'est le cas de Ali Laârayedh, le vice-président d'Ennahdha, qui reconnaît publiquement dans une grande interview accordée à l'hebdomadaire «Assabah Al Ousbouii» ne pas avoir lu l'interview du président Caïd Essebsi à «Assahafa» (publiée également le jour même par La Presse). Ce qui ne l'empêche pas de s'autoriser à affirmer que «Si El Béji ne peut jamais faire de telles déclarations, surtout à propos d'Ennahdha, et que le journaliste intervieweur a pis ses libertés lors de la transcription des propos du président». Même Ennahdha connue comme une forteresse inexpugnable où les députés observent une discipline quasi-militaire et ne s'autorisent jamais des déclarations déplacées, n'a pas échappé à la pagaille générale. Et quand Monia Brahim s'adresse devant les autres députés à Noureddine B'hiri, le chef du bloc nahdhaoui, le jour de l'adoption de la loi sur la réconciliation administrative pour lui lancer texto : «J'ai voté contre la loi et allez faire la délation à votre chef (Rached Ghannouchi)», on peut dire qu'un fil a cassé au sein d'Ennahdha.