Le spectacle « Un monde sans peur» du luthiste irakien, Naseer Shamma, ouvre la 12e édition du festival des musiques traditionnelles et néo-traditionnelles Mûsîqât, vendredi soir, au Palais Ennejma Ezzahra, à Sidi Bou Said. La soirée d'ouverture de Mûsîqât était placée sous le signe de la virtuosité, celle d'un grand musicien et maître du luth, Naseer Shamma. Un spectacle de près de deux heures, où, accompagné de trois solistes tunisiens, le prince irakien du luth déployait toute l'étendue de son talent devant un public nombreux et passionné, déjà conquis. On assistait à ce spectacle presque magique, où une fusion presque spirituelle s'installe entre le musicien et son instrument. Désormais, le duo ne fait plus qu'un, un seul être, une seule entité, merveilleuse qui part à la conquête du cœurs et de l'esprit. A travers son spectacle musical «Un monde son peur», l'artiste irakien nous embarque dans un voyage dans le temps, en quête de l'antique musique sumérienne, dont il revendique l'héritage. Il nous a raconté son aventure, de Bagdad au Caire, du Caire à Constantine, puis à Khartoum, Abou Dhabi, Doha, des villes où il vient régulièrement poser ses notes et où il a créé dans chacune d'elles une «maison de l'oud» avec l'ambition de tramer une vaste conspiration pour la paix via cet instrument millénaire. Il a évoqué les «cinq années merveilleuses entre 1993 et 1998» qu'il a passées en Tunisie où il enseignait le luth irakien à l'Institut supérieur de Musique de Tunis. Nommé l'artiste de l'Unesco pour la Paix, Naseer Shamma s'emploie à travers son instrument à la mise en place d'un programme d'enseignement au profit des enfants dans les écoles situées dans les zones de conflit pour combattre l'extrémisme et la violence à travers l'apprentissage de la musique et du luth. Généreux, curieux et habile, avec ses doigts, il fait naître des mélodies, jaillir des sons et des lumières dont le déchaînement enflamme et inquiète, apaise et console mais réjouit toujours. Chaque morceau interprété est une invitation au voyage dans l'espace de Bagdad à Grenade, et dans le temps, de l'époque d'Al Farabi (872-950) jusqu'à nos jour. En effet, fortement imprégné de l'héritage millénaire de l'illustre philosophe qui a élaboré une théorie de l'harmonie musicale, Shamma joue parfois de son luth comme d'une guitare. Virtuose et puissant, son jeu est chaleureux, fougueux et romanesque. «Jimi Hendrix du maqâm», Shamma s'exprime à travers le luth, il aime, il pleure, il revendique, il questionne, il enrage, il lutte et il espère. Il en résulte une musique riche, chaude, et d'une énergie vibrante, qui puise son originalité dans les racines profondes d'une culture millénaire. De quoi ravir un parterre déjà conquis dès la première note ! Evoquant la spécificité du festival «Mûsîqât», qui s'étalera jusqu'au 21 octobre prochain, le directeur du Centre des musiques arabes et méditerranéennes, Anis Meddeb, a déclaré : «Ce festival cherche à faire connaître les diversités musicales à travers l'ouverture sur les différents genres musicaux dans le cadre d'un dialogue entre les civilisations». Il a révélé, également, à ce sujet que le centre accueillerait prochainement des manifestations consacrées à la recherche musicale et aux problèmes touchant le secteur, précisant qu'une rencontre internationale, du 6 au 8 décembre prochain sera organisée au Palais Ennejma Ezzahra avec la participation de chercheurs en musicologie venus de Belgique, d'Italie, de France, du Liban et de Tunisie pour débattre des sujets autour des maquams dans la période actuelle. Nous y reviendrons !