La semaine du film algérien qui se déroule du 13 au 21 février à Tunis a justifié la tenue d'une table ronde qui a réuni, jeudi dernier, à l'Ecole supérieure de l'audiovisuel et du cinéma (ESAC) à Gammarth, autour de son directeur, M. Hamadi Bouabid, plusieurs décideurs et figures de proue du cinéma dans les deux pays, dont la productrice algérienne Rym Takoucht, Nadia Chirabi, enseignante de cinéma à l'Université d'Alger, la réalisatrice Mina Bachir-Chouikh, Mustapha Rahmouni, responsable au ministère algérien de la Culture, Jameleddine Hazourli, cinéaste, et, enfin, un grand monsieur du cinéma algérien, Ahmed Bédjaoui, commissaire de la manifestation et conseiller cinéma au ministère de la Culture à Alger. Plusieurs cinéastes tunisiens étaient de la partie, notamment Naceur Ktari, Kalthoum Bornaz, Abdellatif Ben Ammar ainsi que Mounira Ben Halima et Fathi Kharrat du ministère de la Culture. Ouvrant les débats, Hamadi Bouabid a, d'emblée, insisté sur la qualité de l'enseignement prodigué à l'ESAC, unique institution publique de haut niveau en Afrique et dans le monde arabe. «L'ESAC est conçue comme un modèle viable, compétitif, performant et moderne qui aspire à être une véritable pépinière pour les jeunes Tunisiens, Arabes et Africains férus de cinéma. Elle constitue également un terrain de prédilection et un foyer favorable pour l'épanouissement des vocations audiovisuelles et cinématographiques, nécessaires et vitales pour la réalisation de grands projets, à même de hisser la création et les créateurs tunisiens au plus haut niveau de leur art», devait déclarer le directeur de l'école. A l'issue de son intervention, le public, constitué majoritairement d'étudiants, était invité à suivre la projection de certains de leurs travaux. Des pellicules de trois à cinq minutes attestant du succès de leur formation à la fois théorique et pratique, technique et artistique capable de satisfaire les attentes des professionnels et de la recherche scientifique dans les domaines de l'audiovisuel et du cinéma. L'Algérie reconnaissante Visiblement impressionné par l'excellente formation acquise par les étudiants de 2e et 3e cycles, Ahmed Bédjaoui a manifesté le désir de permettre aux étudiants algériens en audiovisuel de poursuivre leurs études dans cette école. Au nom de la délégation qui l'accompagne, il a déclaré qu'il était ravi d'observer de si près les progrès réalisés en si peu de temps par l'école et que la question de l'envoi d'étudiants à Gammarth sera étudiée avec les responsables tunisiens. Il a également fait part de son bonheur de retrouver ses «éternels compagnons de route, ceux avec qui j'ai rêvé de monter des films mais qui n'ont jamais vu le jour, des chimères aux couleurs des perles évanescentes dont l'éclat fond aux premiers rayons du soleil». Le commissaire de cette manifestation a évoqué avec beaucoup d'émotion le rôle joué par la Tunisie dans le combat au niveau de l'image. A ce sujet, il a déclaré : «Le cinéma algérien est né au cœur de la lutte pour l'Indépendance. Nos frères tunisiens nous ont accueillis à bras ouverts. Entre 1956 et 1962, tous les cinéastes algériens, à l'instar des étoiles du sport, ont rejoint la ville de Tunis où nous avons trouvé toute la sollicitude et le soutien nécessaires pour la poursuite de notre combat pour la libération. Je voudrai rendre ici un vibrant hommage à Djamel Chanderli qui, d'un lieu de combat à un autre, a filmé les images insoutenables de l'odieux bombardement des forces coloniales contre nos frères et sœurs tunisiens le 8 février1958 à Sakiet Sidi Youssef». La coproduction, une question de survie Ahmed Bédjaoui, a rendu hommage aux frères tunisiens qui, grâce à leur soutien actif, «le cinéma algérien a réussi à accumuler une banque d'images qui lui permet aujourd'hui de disposer d'une mémoire visuelle réelle et effective et pas du tout fantasmée comme veulent le faire croire beaucoup d'historiens français». Il a évoqué les différents stades par lesquels est passé le cinéma algérien : les premiers films consacrés à la lutte armée, ceux de Lakhdhar Hamina, Ahmed Rachedi et Mohamed Slim Riad, ceux situés dans les années 1970 avec Merzak Allouache, Farouk Beloufa et Assia Djebar et, enfin, ceux du début du IIIe millénaire avec Tariq Teguia, Saïd Mehdaoui, Amor Hakkar, Mina Bachir Chouikh, Abdelkrim Bahloul, Mehdi Charef, Nadia Cherabi, Lyès Salem et Rachid Bouchareb. A l'issue de son intervention, il s'est félicité de la coopération établie avec les Tunisiens en ces termes : «Après Indigènes, une coproduction algéro-marocaine, Rachid Bouchareb récidive avec Hors la loi, une coproduction tuniso-algérienne qu'il vient d'achever à Sétif et dont les débuts du tournage ont eu lieu dans les studios de Ben Arous. Saluons au passage le nouveau film de Abdellatif Ben Ammar, L'Allée des palmiers blessés, tourné à Bizerte avec des acteurs des deux pays. Ce film, un nouveau jalon dans la coopération tuniso-algérienne, scellée dans notre lutte commune pour la liberté, vient confirmer que celle-ci a franchi un pas prometteur dans cette voie». L'intervention de Fathi Kharrat s'est limitée à annoncer l'organisation d'une prochaine semaine de films tunisiens à Alger. Il a également déploré le nombre dérisoire de films coproduits. «Pourtant, a-t-il souligné, il existe un accord de coopération en matière de cinéma entre nos deux pays et cela depuis 1994. Malheureusement, il n'a pas abouti», laquelle vision a été réfutée par Ahmed Bédjaoui. Abdellatif Ben Ammar, l'auteur de Aziza, estime que le cinéma maghrébin ne peut évoluer que dans le cadre de la coproduction, la seule issue de survie pour notre cinéma; une alternative partagée par tous les intervenants au débat.