Par Jawhar CHATTY L'économie va mal. Les finances publiques sont au plus bas. Rien de très grave, quelques réformes et la machine reprendra, nous dit-on. Nous voudrions tant et ardemment le croire, y souscrire et l'admettre si toutefois le grand mal dont souffre le pays n'était pas ailleurs et autrement plus profond. Ce mal n'est pas d'ordre « technique », il est structurel et est foncièrement l'expression d'une crise de valeurs. Violence, radicalisme, égoïsme, corporatisme étroit, courtermisme... La société tunisienne est malade. Elle se trouve livrée à elle-même : sans projet ni perspective. C'est la violence qui prend le pas sur la civilité, envahissant tous les compartiments des relations sociales...et s'exprimant de plusieurs manières à la rue, à l'école et sous la coupole de l'Assemblée des représentants du peuple. Même le consensus politique à la tunisienne n'y échappe pas. Le degré de virulence manifesté par les parties signataires du Document de Carthage au sujet du projet de loi de finances 2018 est à cet égard éloquent ! Chacun évoque des « lignes rouges » à ne pas franchir et menace, le cas échéant, de « saboter » la machine ou du moins ce qui en reste. Dans ce grand brouhaha, beaucoup de Tunisiens semblent avoir trouvé refuge dans les réseaux sociaux, croyant y trouver une nouvelle forme de sociabilité. Or, il s'avère que ces mêmes réseaux sont devenus de puissants vecteurs et relais aux discours de violence. Aussi, faudrait-il peut-être avoir le courage de s'interroger aujourd'hui sur l'impact des canaux virtuels de la communication sur une société demeurée depuis sept ans en phase « post-traumatique ». Les sociétés les plus avancées se détournent aujourd'hui des canaux virtuels de la communication. Si elles le font, c'est parce qu'elles mesurent les effets et incidences pervers et destructeurs de ces réseaux sur elles. La société civile tunisienne n'a jamais été aussi dynamique que ces derniers temps. La vigilance dont elle fait montre face au phénomène de la violence qui gagne du terrain est salutaire. Sa vitalité pourrait formidablement être mise à contribution face aux dérapages des réseaux sociaux, puissants vecteurs de déstabilisation et porteurs des germes de la désocialisation.