Son parcours couvre un large spectre d'activités comprenant notamment le journalisme, l'essai, le féminisme, l'histoire contemporaine, les droits de l'Homme, la justice transitionnelle... Noura Borsali, qui vient de nous quitter, laisse le monde de l'engagement intellectuel et militant en deuil Ses amis, et ils sont très nombreux, sont sous le choc ! L'information tombe, comme un couperet, très tard dans la soirée sur Facebook, diffusée par sa compagne de toujours, Ilhem Abdelkéfi : « Noura Borsali vient de décéder !». Pourtant beaucoup l'ont croisée au centre-ville pendant ces dernières Journées cinématographiques de Carthage, clôturées samedi dernier. Personne ne s'attendait à la disparition subite dans la nuit de lundi à mardi 14 novembre suite à un problème de santé de cette journaliste, écrivaine, universitaire et intellectuelle tunisienne de grand talent, réputée pour défendre les causes justes. Son parcours couvre un large spectre d'activités comprenant notamment l'écriture sous toutes ses formes, dont la critique cinématographique, les droits de l'Homme, le féminisme, la justice transitionnelle...Noura Borsali a été membre de la Haute Instance pour la protection des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique en 2011, et membre de l'Instance vérité et dignité en 2014. « Elle a démissionné du Comité des droits de l'Homme en 2013 lorsqu'elle a compris que les pesanteurs d'une structure pléthorique et sans âme auront raison de toutes les énergies qu'on pourrait y déployer, elle a quitté l'IVD en novembre 2014 lorsqu'elle a compris très tôt que sa mission était compromise et son action dévoyée », écrit d'elle sa collègue et amie la juriste Salsabil Klibi sur un post publié hier sur Facebook. Une des fidèles collaboratrices de La Presse Munie de deux atouts, une plume en or et une parole libre et indépendante, elle a été de tous les combats avant-gardistes pour une Tunisie démocratique et égalitaire. Sa rigueur, son honnêteté intellectuelle et la vérité qu'elle brandit comme unique drapeau lui valent le respect de tous, elle qui, à l'origine professeure de français à la faculté des Lettres de Tunis, s'est convertie à l'écriture de l'Histoire du pays à travers la publication notamment de deux ouvrages de référence, l'un sur Bourguiba et l'autre sur Ben Salah. « Je me rappelle un inoubliable débat que Noura avait animé à l'Espace El Hamra au cours de l'année 2011. Elle avait mis face à face Rached Ghannouchi et Neïla Sellini. Elle, femme de gauche, sa neutralité au cours de cette improbable rencontre m'avait subjuguée. Elle avait cherché en fait à établir une communication entre deux extrêmes pour éviter un destin sanglant de la Tunisie. Noura est une visionnaire », témoigne l'avocate et écrivaine Kehna Abbes, qui a travaillé avec la défunte dans la revue Le Maghreb. Ayant fait ses premières armes de journaliste dans les années 70 et 80 dans des hebdomadaires indépendants, tels que Le Phare, le Maghreb ou Réalités, Noura Borsali collabore dès l'avènement de la révolution assez régulièrement avec le journal La Presse. Le mois d'août dernier, nous avons eu droit à deux grandes et belles interviews qu'elle a publiées dans nos colonnes à la suite du débat lancé par le président de la République à propos de l'égalité successorale et la création d'une commission pour élaborer un code des libertés individuelles et de l'égalité. Survoltée par cette nouvelle, qui consacre une longue lutte pour un partage équitable de l'héritage entre les hommes et les femmes entamée dans le cadre de l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd) dont elle est l'une des fondatrices, elle propose ses services d'intervieweuse professionnelle à notre journal. Faveur qui lui est accordée de suite bien que l'entretien soit un genre que ne signent généralement et selon les us et coutumes du métier que les journalistes de la maison. Mais quel journal peut refuser à Noura une telle initiative, notamment quand elle vient d'une telle spécialiste des questions féministes, mais aussi du droit et de l'histoire ? « Je suis malade. Mais je vais vous envoyer l'article » Probablement guidée par un sombre pressentiment et comme cherchant désespérément à gagner du temps sur le temps parce qu'elle a encore trop de choses à dire, à écrire et à inscrire dans le débat public, Noura Borsali n'arrêtait pas de se démener ces derniers mois. Inondant les journaux de la place de papiers liés à l'actualité, trempés dans un seul repère : la vérité. Ses deux derniers articles sont parus sur le site Nawaât avec qui elle venait de signer un contrat de collaboration. Le premier était intitulé « Quand l'ARP adopte des articles inconstitutionnels », publié la semaine dernière et le dernier est paru... aujourd'hui ! Son titre ? « Trente ans après novembre 1987 : illusions, désillusions et enseignements de l'Histoire ». « J'y tiens. Je suis malade. Mais je vais vous envoyer l'article », ainsi a répondu Noura Borsali au rédacteur en chef de Nawaât quand il lui a recommandé du repos en apprenant qu'elle a eu un malaise », cite Nawaât aujourd'hui dans un petit encadré-hommage chapeautant le dernier texte de Noura Borsali. Selon les mots de la défunte, cet article était « exceptionnel » (il l'est!) puisqu'il « mêle réflexion et témoignage personnel ». Il ne fallait surtout pas qu'elle rate sa dernière occasion de donner sa version des faits, des évènements et de l'Histoire en puisant dans ses lectures, ses observations de la société et en recourant à ce regard de journaliste sans concession. « Adieu Plume Vérité ! », s'est exclamée dans un post l'écrivaine Fatima Maaouia. Condoléances du président de la République : La militante, écrivaine et journaliste Noura Boursali est décédée lundi soir des suites de problèmes de santé Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a envoyé une lettre de condoléances, hier après-midi, à la famille de la militante, écrivaine et journaliste Noura Boursali, décédée subitement suite à des problèmes de santé tard dans la soirée de lundi. Dans son message de condoléances, le président de la République a tenu à rendre hommage à la militante et la journaliste Noura Boursali en évoquant «son engagement dans la lutte pour la réalisation de la justice transitionnelle» et son effort «pour la réconciliation des Tunisiens et des Tunisiennes avec leurs institutions publiques, leur histoire, leur mémoire sociale tout en étant indépendante et en refusant de s'aligner sur les orientations d'un parti ou d'un autre».