Les déclarations explosives du président de l'Association de la sécurité et de la citoyenneté, Issam Dardouri, lundi, à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) auraient été prises très au sérieux pour en faire une affaire d'Etat, si cela s'était produit dans une autre région du globe En Tunisie, c'est devenu la règle, l'on continue à normaliser l'anormal. Dardouri a lancé des bombes devant la commission d'enquête sur les réseaux d'embrigadement à l'ARP. Il a, alors, livré un témoignage, preuves à l'appui, « impliquant certains dirigeants d'Ennahdha dans l'expédition de plusieurs jeunes Tunisiens vers les foyers de tension, dont principalement la Syrie ». Il a, par la même occasion, accusé l'ancien ministre de la Justice nahdhaoui Noureddine Bhiri d'«avoir autorisé l'accès d'un prédicateur aux prisons tunisiennes pour embrigader des prisonniers». Encore plus graves, les révélations de Dardouri ont fait savoir que le colonel-major Hichem Meddeb avait déposé une plainte auprès de la justice, fournissant une liste de 117 terroristes rentrés en Tunisie à bord d'un vol privé en provenance de Turquie. Une compagnie aérienne privée aurait été impliquée dans cette affaire. Or, on n'a jusque-là pas enregistré de réactions officielles à ce qui a été dit et révélé. A quoi joue, donc, Dardouri ? Qui le protège ? A-t-on affaire à des réseaux mafieux pullulant dans les allées du pouvoir ? Et que cachent ces soubresauts de la dernière heure ? Les loups ne se mangent pas entre eux Badra Gaâloul, présidente du Centre international des études stratégiques, qualifie les révélations du sécuritaire en question d'effrayantes, même si, la plupart d'entre elles, ne sont pas inédites. « Ce n'est pas une première. Ce qu'a révélé Issam Dardouri devant la commission d'enquête sur les réseaux d'embrigadement à l'ARP serait connu par certains appareils de l'Etat. Sauf que les intérêts croisés des uns et des autres et la politique du gâteau partagé ont empêché de dire les vérités telles quelles pour ainsi poursuivre les coupables. Après tout, les loups ne se mangent pas entre eux », avertit-elle. Ce qui est survenu à l'ARP est l'aboutissement logique, de l'avis de l'activiste associative, d'une politique politicienne pour le moins vile et abjecte. «Dardouri aurait dû s'orienter vers la justice pour livrer les preuves légales impliquant les personnes concernées. Le gouvernement et bien d'autres appareils de l'Etat en savent quelque chose. Puis, il suffit de collaborer avec l'Etat syrien pour avoir les renseignements qu'il faut sur les réseaux d'expédition des jeunes vers les foyers de tension et en identifier les vrais instigateurs. Cela n'est néanmoins pas possible, tant que ceux qui gouvernent aujourd'hui continuent à accorder leurs violons en vue de partager le gibier du 14 janvier 2011 », égrène Gaâloul. Si les matelots de la barque tunisienne ont choisi de botter en touche, il ne reste que la conscience du peuple pour corriger la trajectoire d'un pays, dont l'Etat risque la déliquescence, laisse entendre l'activiste associative. La commission parlementaire décidée à ouvrir une enquête Approché par La Presse pour rebondir sur les déclarations de Dardouri, la députée Yamina Zoghlami, membre de la Commission des martyrs et blessés de la Révolution, est revenue sur la forme et le fond des révélations du sécuritaire. Volet forme, elle reproche à Dardouri le manque de respect envers les députés du Mouvement Ennahdha, lors de son intervention à l'ARP. Quant au fond de la chose, elle a affirmé que la commission parlementaire concernée a décidé de lancer une enquête pour s'enquérir de la véracité des faits et engager les poursuites judiciaires requises. Indépendamment du statut et du rang de chacun, toute personne coupable aura des comptes à rendre, en consécration des principes et des lois régissant l'Etat de droit et des institutions, a-t-elle assuré. Dans la foulée de cette actualité embrasée, l'on serait en droit de se demander : que reste-t-il encore à faire par cette classe politique et dirigeante qui a atteint le creux de la vague ? Autrement, à ceux qui ont jusque-là fait preuve de laxisme, d'immobilisme, d'arrivisme et de prédation, à ceux qui n'auraient pas les intérêts du pays et de ses citoyens à cœur, l'on serait en droit de dire, à la suite d'Amin Maalouf : « Le pays où vous pouvez vivre la tête haute, vous lui devez tout, vous lui sacrifiez tout, même votre propre vie » !