Abdelkarim Zbidi : «Dans un an, l'aéroport de Remada sera prêt à accueillir des avions civils et militaires» L'exercice de prise de parole devant les élus de l'Assemblée est souvent périlleux et désagréable pour l'ensemble des ministres. Les critiques les ébranlent et, souvent, leurs réponses n'arrivent pas à convaincre l'hémicycle dans sa diversité (majorité et opposition). Il semble cependant y avoir une exception, celle d'un homme qui dit «ne pas savoir faire de la politique parce qu'il ne sait pas cacher ou mentir». Hier, à l'Assemblée, le ministre de la Défense nationale, Abdelkarim Zbidi, était en terrain conquis pour défendre son budget. Très peu de critiques à l'égard de l'institution et de sa gestion et beaucoup d'hommages aux efforts de l'armée pour faire face aux dangers qui guettent la Tunisie, de la part des députés. Lorsqu'il prend la parole, l'homme arbore un style simple qui contraste avec la fonction. Son allocution dure à peu près une heure, et, au passage, le ministre récolte la sympathie, le sourire et même les applaudissements des élus, ce qui contraint le président de la séance, Abdelfattah Mourou (lui aussi homme de communication) à rappeler les députés à l'ordre. Avant d'aller accueillir le président de la République à l'aéroport de retour d'Abidjan, la capitale ivoirienne, où s'est tenu le 5e sommet Union africaine-Union européenne, le ministre de la Défense, obtient les 35.950 MD que lui accorde le projet de budget pour l'année 2018, préparé par le ministère des Finances, avec 126 voix pour, une seule abstention et un seul vote contre. Un budget en augmentation de 10,8% par rapport à 2017. Le rapport de la Commission de l'organisation de l'administration et des affaires des forces armées ne tarit d'ailleurs pas d'éloges à l'égard de l'armée, considérant que le travail de l'armée depuis 7 ans traduit son professionnalisme et ses hautes capacités opérationnelles, malgré les défis. Pourtant, malgré la hausse du budget alloué, le ministère de la Défense n'a pas obtenu l'ensemble des fonds qu'il a demandés. En effet, et toujours selon le rapport de la commission, le ministère fera face à la difficulté de financer le recrutement des soldats issus de la campagne de «conscription exceptionnelle opérée il y a bientôt deux ans. Aucun centimètre carré du territoire n'échappe à la souveraineté nationale Cependant, dans la lutte contre le terrorisme, la Tunisie peut compter sur une forte coopération internationale, notamment avec les Etats-Unis, qui, contrairement aux prévisions, a augmenté son soutien financier à l'armée de 67,6 millions de dollars en 2016 à 73,5 millions de dollars en 2017. Ce don servira à acheter des équipements militaires américains, assortis d'un appui technique de l'armée américaine. Sur le fond, le ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, assure «qu'aucun centimètre carré du territoire tunisien n'échappe à la souveraineté nationale». «D'une manière très claire, depuis l'indépendance, aucun gouvernement n'a mis à disposition de forces étrangères une parcelle du sol tunisien», a-t-il tenu à dire lors de son intervention». Toutefois, Abdelkarim Zbidi admet que, comme dans tous les pays du monde, il existe des programmes d'échanges. A titre indicatif, il annonce que dans le cadre de ces échanges, 851 soldats étrangers appartenant à 17 pays ou à des organisations internationales se trouvent actuellement en Tunisie. De même, 874 soldats tunisiens sont à l'étranger, répartis entre 21 pays. Dans son combat contre le terrorisme, le ministre a assuré que cinq pays coopèrent de manière intensive avec la Tunisie. Il s'agit des Etats-Unis, l'Allemagne, la France, l'Italie et l'Algérie. La Tunisie est également très active dans la coalition multilatérale avec l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan), l'organisation 5+5 et le mécanisme G7+6. «La coopération militaire avec l'Union européenne reste cependant très limitée, regrette Zbidi. Elle se résume simplement en la lutte contre l'immigration clandestine». Interpellé à propos du naufrage de l'embarcation de clandestins en octobre dernier, qui avait causé la mort de plus d'une cinquantaine de personnes et dont l'armée est accusée par les familles d'avoir sciemment fait couler le navire, le ministre a rappelé que le rôle de l'armée n'a jamais été et ne sera jamais de tuer les ressortissants. Bien au contraire, le rôle de la marine en Méditerranée est à la fois de secourir, mais aussi de lutter contre l'immigration clandestine. «L'armée ne fait qu'appliquer la politique élaborée par l'Etat tunisien, qui a des engagements internationaux à respecter en mer». Le ministre a, par ailleurs, affirmé que l'enquête n'est pas terminée et qu'un travail d'expertise est en cours sur les deux navires afin de déterminer les causes exactes de l'incident. «Nous pourrions éventuellement faire appel à un expert étranger, a-t-il déclaré. Dès que l'enquête sera terminée je vous en donnerai les moindre détails». Concernant la situation des soldats de la grande muette, le ministre de la Défense a assuré qu'en l'absence d'un syndicat, c'est le ministre lui-même et le président de la République qui occupent la fonction de syndicalistes. Développement du Sahara L'armée nationale contribue également au développement des régions intérieures. C'est en tous cas ce qui ressort du projet de «développement du Sahara profond», porté par l'armée nationale. D'après Zbidi, plusieurs pays ont d'ores et déjà exprimé leur enthousiasme quant au projet, à l'instar des Etats-Unis, de l'Allemagne, de la France, l'Italie, du Canada et de l'Union européenne, qui se sont dits prêts à participer à cet «énorme projet». «Ce projet représentera un nouveau modèle de développement durable au Sahara profond, et ce, à travers l'aménagement de l'aéroport de Remada, capable d'accueillir des avions civils, a expliqué le ministre de la Défense. Les fonds sont là, nous sommes en train d'avancer, mais cela nécessite une coordination avec l'Office de l'aviation civile et des aéroports. Ce que je veux dire, c'est que cet aéroport est déjà une réalité. Dans un an, l'aéroport de Remada sera prêt à accueillir des avions civils et militaires. Cet aéroport sera sans doute un outil nécessaire au développement de la région, surtout qu'il y a une volonté au niveau national de créer une zone franche». Néanmoins, le ministre attire l'attention sur l'absence d'infrastructure routière dans ces régions, notamment entre Remada et Borj El Khadhra. Il note qu'entre Ben Guerdane et Dhehiba, sur les 180 km qui séparent ces deux portes sur la Libye, seule une trentaine de kilomètres sont goudronnés. «Dans ces conditions, il est très difficile d'inciter les gens à s'y installer» déplore-t-il.