Le projet de loi de finances sera débattu demain en plénière. Une plénière qui s'annonce très chaude pour le gouvernement, qui devra faire face aux tirs de l'opposition, mais également à des tirs amis, venus de l'intérieur même de la coalition gouvernementale. «La majorité au pouvoir, et plus particulièrement Ennahdha et Nida, n'a pas pris en considération les prévisions réalistes concernant le prix du baril de pétrole, le glissement du dinar et la croissance», estime Mongi Rahoui Avant même que le projet de loi de finances 2018 n'atterrisse au bureau d'ordre de l'Assemblée des représentants du peuple, les critiques acerbes ont fusé de tous les côtés: professionnels, chefs d'entreprise et salariés s'étaient sentis visés par des hausses d'impôt. Chez les chefs d'entreprise et les corporations professionnelles, nous avons même assisté à une levée de boucliers, à coups de conférences de presse et de tapage médiatique. Au sein même de la majorité, la plupart des élus ont considéré que la première mouture du projet de loi devait être révisée et ne pouvait pas passer en l'état. Une fois à la Commission des finances, les députés ont donc, dans le cadre des auditions, pris au sérieux l'ensemble des observations et des critiques venues de l'Utica, de l'Ugtt, des hôteliers, des experts comptables et autres parties prenantes. L'Ugtt a fait une douce pression sur le gouvernement, et a pu obtenir des garanties quant à la non-augmentation des prix des produits de base. A l'intérieur de la commission, les députés ont également réagi favorablement aux revendications des uns et des autres. Au final, c'est une version édulcorée qui sera présentée au vote, dès demain, à l'hémicycle. Réunie hier pour la clôture de ses travaux, la commission des finances mentionne dans son rapport final que 11 articles ont été définitivement supprimés, tandis que deux nouveaux articles ont été introduits. Toutefois, selon Rim Mahjoub, députée de Afek Tounès, les concessions, visiblement acceptées par le gouvernement, n'auront pas d'impact sur la «philosophie générale» du texte. Autrement dit, les objectifs de développement tracés par le gouvernement et traduits en une loi de finances resteront les mêmes. D'ailleurs, les équilibres financiers proposés dans la première version du projet, sont identiques au projet amendé qui sera proposé au vote. «Nous avons tenté d'améliorer ce qui pouvait l'être, sans toucher aux équilibres», note Rim Mahjoub. De son côté, le président de la commission des finances, Mongi Rahoui, considère que, malgré les changements opérés, le problème du projet de loi de finances est qu'il se base, dés le départ, sur ce qu'il considère comme des hypothèses erronées. «La majorité au pouvoir, et plus particulièrement Ennahdha et Nida, n'ont pas pris en considération les prévisions réalistes concernant le prix du baril de pétrole, le glissement du dinar et la croissance», estime Mongi Rahoui. Selon lui, la «mobilisation des ressources», est le seul et unique leitmotiv du gouvernement. «Les mesures fiscales proposées ne portent pas en leur sein une politique économique et sociale, explique-t-il. Ni le développement des investissements, ni le soutien à l'exportation, ni la lutte contre le chômage ne sont à l'ordre du jour». Pour illustrer son propos, le président de la commission fait remarquer que l'investissement ne fait l'objet que d'un seul article, exonérant, pour trois ans, les sociétés nouvellement créées. «Tout le monde y passe, du salarié à l'entreprise, en passant par l'agriculteur, il s'agit d'une meilleure distribution de la pauvreté en lieu et place de la prospérité», commente-t-il. Auditionné il y a à peine quelques jours, le député du bloc démocrate, Mondher Belhaj Ali, s'est pourtant montré constructif. Il a proposé un certain nombre de solutions qui permettraient de sortir les finances publiques du gouffre. Dans un document détaillé et bien chiffré, le député demande aux politiques de faire preuve de courage et de réformer en profondeur. Ainsi il propose d'agir sur plusieurs axes, dont notamment: la masse salariale, le soutien au dinar, et la question de la caisse de compensation. «Il faut avoir le courage aujourd'hui d'aborder les questions de la masse salariale qui ne cesse de croître et des subventions qui ne bénéficient que très faiblement aux couches sociales les plus démunies». Véritable boulet pour les finances publiques, Mondher Belhaj Ali préconise une politique qui consiste à dégraisser le mammouth, en permettant aux salariés du service public de quitter leurs fonctions moyennant des indemnisations à hauteur de deux années de salaires. «Ce n'est pas tout, prévient-il. Il faudrait également les encourager à créer des microentreprises, en leur facilitant l'accès aux financements». Concernant les compensations, le député propose une meilleure distribution permettant aux familles nécessiteuses de percevoir directement les soutiens financiers. «Il faut que le gouvernement dise stop à la subvention généralisée», clame-t-il. L'Etat demande à ce que des efforts soient faits, mais pour Mondher Belhaj Ali, il faudrait que celui-ci donne l'exemple et serre un peu mieux la ceinture.