L'examen de dix articles reporté La plupart des députés au sein de la commission des finances relevant de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) ont refusé, hier, l'adoption de l'article 13 du projet de loi de finances 2017, relatif à l'annulation de l'impôt de 10% sur les bénéfices réalisés à l'export. Lors d'une séance d'audition tenue par la commission avec des cadres du ministère des Finances, la majorité des députés ont estimé que cet article fera de la Tunisie un « paradis fiscal «, ce qui contredit les conventions internationales ratifiées par le pays en matière de lutte contre les paradis fiscaux. La députée Rim Mahjoub a souligné que l'article en question consacre la discrimination entre les entreprises exportatrices et les entreprises opérant pour le marché local, ajoutant qu'il aurait été plus judicieux d'augmenter cette taxe au lieu de l'annuler. Un avis auquel a adhéré le député Slim Besbes, qui considère, par ailleurs, que le taux de 10% est un taux préférentiel. Le député Béchir Ben Amor, lui, a même laissé entendre que cet article n'émane pas d'une proposition du ministère des Finances, mais «d'autres parties», d'autant plus que les sociétés étrangères en Tunisie, préfèrent payer leurs impôts en Tunisie, plutôt que d'être obligées de payer le double, voire le triple, dans leurs pays d'origine. De son côté, la députée Samia Abbou considère que cet article n'est pas de nature à encourager l'investissement, contrairement à l'argumentaire du ministère, s'interrogeant sur les vraies motivations derrière une telle décision, et si le ministère avait évalué l'impact financier de l'application ou non d'un tel impôt. Il est à noter que les députés ont adopté l'article 11 du projet de loi de finances, relatif à la mise en place d'une ligne de financement destinée à encourager la création de petits projets et au soutien de l'initiative privée, dans le cadre de filières économiques. Des craintes ont, toutefois, été formulées par certains députés quant à l'aptitude de la Banque tunisienne de solidarité (BTS) — qui se chargera, avec les associations de développement, de la gestion de ces financements— à assumer correctement cette mission. Les députés ont aussi adopté l'article 12 relatif à l'encouragement des opérations d'introduction en Bourse, en lui apportant un amendement, en vertu duquel seules les sociétés qui comptent s'introduire en Bourse pour augmenter leur capital, peuvent bénéficier des avantages mentionnés dans cet article. Il importe de souligner que la commission des finances a entamé l'examen du projet de loi de finances 2017 à partir de l'article 11. L'examen des articles de 1 à 10 a été reporté, en attendant leur renégociation avec le gouvernement. La commission des finances avait entamé l'examen des articles de loi de finances au titre de l'exercice 2017 (PLF2017), avant sa présentation en plénière, le 18 novembre 2016. Conformément aux délais constitutionnels, l'adoption du PLF est prévue pour, le 10 décembre 2017. En dépit de son adoption par un gouvernement d'union nationale, le PLF 2017 a suscité beaucoup de controverses de la part des organisations professionnelles, lesquelles estiment que le gouvernement a été incapable de surmonter les défis économiques auxquels le pays est confronté. Les organisations professionnelles ont adopté la même position de refus d'un certain nombre d'articles du PLF 2017, chacune estimant que ce projet lui fait porter le plus lourd sacrifice. Toutes les organisations considèrent que la loi de finances nécessite un grand sacrifice à un moment où des différentes parties soulignent que l'année 2017 sera une année difficile pour l'économie nationale, nécessitant des sacrifices de la part de toutes les parties L'Ugtt a mis en doute la compétence des cadres du ministère des Finances qui, selon ses dires, « travaillent sans tableau de bord et sans connaissance de la structure du budget de l'Etat», considérant que les hypothèses émises pour l'élaboration du budget de l'Etat sont fausses et à même de créer un déséquilibre financier. Augmentation de la pression fiscale Les prévisions du ministère des Finances ont été élaborées sur un prix du baril de pétrole de 50 dollars sur toute l'année, alors que la Banque mondiale (BM) prévoit une moyenne du prix du baril, pour l' année 2017, dans la limite de 55 dollars ( rapport publié à la fin du mois d'octobre 2016). Les prévisions tablent sur un cours du dollar dans la limite de 2,250 D, alors que le cours actuel est estimé à 2,233 dinars, ce qui a poussé l'organisation ouvrière à souligner que ces hypothèses sont « irréalistes ». En contrepartie, l'Utica a averti contre la régression du rythme de croissance, à cause de ces mesures inscrites dans la loi de finances, qui « sanctionnent les entreprises organisées et transparentes ». Même raisonnement adopté par l'Ordre des experts-comptables de Tunisie (Oect), qui a mis en garde contre les éventuelles répercussions de certaines mesures incluses dans la loi de Finances 2017, et qui sont de nature à accroître la pression fiscale sur les bons contribuables, alors que les fraudeurs continuent à se dérober au devoir fiscal. Pour l'Oect, l'augmentation de la pression fiscale limiterait l'épargne, et impacterait négativement l'investissement, la croissance et l'emploi. L'Ordre des experts-comptables ainsi que l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) s'accordent à appeler à la nécessité de recourir à un audit extérieur global et indépendant des finances publiques. Pour une meilleure gestion des deniers publics Ils ont aussi plaidé pour une meilleure gestion de l'argent public, à travers l'adoption des normes internationales de comptabilité publique. Tout en insistant sur l'importance du sacrifice pour sauver l'économie nationale, les organisations professionnelles ont refusé les dispositions qui les concernent. L'Ugtt refuse les dispositions gouvernementales prises conformément à l'accord avec le Fonds monétaire international (FMI), et visant à geler les salaires. La Tunisie vise à obtenir 2.000 millions de dinars au cours de l'année prochaine selon le projet de loi de finances. Pour l'Ugtt, « la maîtrise des dépenses publiques ne peut être réalisée aux dépens des salariés ». La centrale ouvrière a appelé l'Etat à garantir le recouvrement de ses dettes contractées auprès des entreprises et de lutter contre l'économie parallèle et l'évasion fiscale avant de demander aux salariés de consentir des sacrifices. Plusieurs experts estiment que l'économie parallèle représente 50% de l'économie nationale. La masse salariale est estimée à 13,7 milliards de dinars, soit 40% du budget de l'Etat, ce qui constitue, selon les experts, un taux élevé qui ne peut plus être supporté par l'Etat. L'Utica souligne qu'il est primordial de limiter le train de dépenses de l'Etat qui connaît une hausse vertigineuse par rapport aux autres indices économiques. L'adoption d'un impôt conjoncturel sur les entreprises de 7,5% causera une régression de l'investissement de 12% et la perte de 21 mille emplois qui peuvent être créés grâce à ces investissements, estime la centrale patronale. L'entreprise paie le plus lourd tribut de toutes les erreurs économiques commises, estime encore l'Utica. Les experts de l'Ugtt estiment, pour leur part, que la contribution des entreprises relevant de l'Utica est minime et ne dépasse pas 400 MD, dont une grande partie revient à de grands groupes économiques. Les ressources fiscales des entreprises non pétrolières sont estimées à 1.400 MD, dont 70% provenant du secteur financier, bancaire et des télécommunications. L'Ordre des pharmaciens de Tunisie considère que la généralisation des taxes sur la valeur ajoutée à tous les médicaments, dont ceux importés, augmentera leurs prix et aura un impact sur les citoyens et les pharmaciens. Le projet de loi de finances stipule la soumission des médicaments qui n'ont pas de similaire fabriqués sur le marché local, à une taxe sur la valeur ajoutée de 6%. L'imposition de la TVA, même à un taux minime, aura un impact important sur les citoyens et les pharmaciens, précise encore l'Ordre des pharmaciens. Les avocats ont refusé l'article 30 de la loi des finances qui stipule la soumission de leurs activités à un droit payé à travers un timbre fiscal libératoire. Ils ont proposé en contrepartie de procéder selon l'identifiant fiscal pour les professions libres. L'objectif recherché est d'éviter l'évasion fiscale, ont-ils précisé.