La nouvelle mesure annoncée par le ministère du Tourisme et de l'Artisanat risque d'embourber davantage le secteur de l'orfèvrerie en Tunisie, déjà mal en point et empêtré dans de nombreux problèmes. L'arnaque, la hausse du nombre d'intrus, le commerce de l'or sur le circuit parallèle, le manque de main-d'œuvre qui fuit de plus en plus un métier qui ne rapporte plus autant qu'avant ont fini par ronger l'un des secteurs les plus nobles de Tunisie. Les quelques bijoutiers qui n'ont pas lâché prise ces dernières années, en continuant à exercer avec passion leur profession contre vent et marée, ont décidé, cette fois-ci, de pousser un coup de gueule contre les récentes décisions qui, au lieu d'apporter une bouffée d'oxygène, ne font qu'accabler davantage un corps de métier déjà affaibli et miné par les mauvais choix réalisés dans le passé et qui ont ouvert la porte à tous les dépassements. En grève depuis une semaine, les bijoutiers de Souk El Berka dénoncent cette nouvelle mesure prise par le ministère du Tourisme et de l'Artisanat de leur interdire d'acheter et de recycler de l'or cassé, les obligeant, ainsi, à jongler sur la corde raide d'autant que l'actuel quota dont ils disposent a porté un coup dur au rendement d'un secteur handicapé par des lois caduques. Les bijoutiers lésés s'interrogent aujourd'hui sur le bien-fondé de cette nouvelle mesure et s'accordent à dire qu'elle va entraîner l'inverse de l'effet escompté en servant les intérêts des circuits de commerce informel et en accentuant davantage la corruption et le trafic. Par le passé, d'autres mesures avaient déjà porté un coup de massue à la bonne marche du secteur. L'imposant poinçon de l'Etat apposé pendant de nombreuses années sur les bijoux en or comme garant fiable de la qualité, de la conformité et de l'authenticité de ces derniers et existant en deux formes (un poinçon en forme de bélier pour l'or 18 carats et en forme de scorpion pour l'or de 9 carats) a été remplacé par un poinçon unifié moins imposant qui a tendance à facilement s'altérer avec le temps. Si les bijoutiers sont favorables à la suppression de ce dernier, qui est prévue par la loi, ils appellent à ce qu'elle se fasse progressivement et approuvent son remplacement par des moyens technologiques avancés (spectromètre). Par ailleurs, les poinçons de titre (750 grammes pour l'or 18 carats et 375 grammes pour l'or 9 carats) et les poinçons de Maître actuellement utilisés se trouvent également dans le collimateur de la chambre syndicale des artisans bijoutiers car ils facilitent, selon eux, la contrefaçon, les fraudes et l'écoulement de bijoux de provenance étrangère et de moindre qualité malgré le contrôle des bureaux de garantie. Aujourd'hui, les bijoutiers, qui reprochent aux autorités de prendre des mesures relatives au secteur sans les consulter et les associer lors de l'élaboration des projets de loi et des dispositions qui les concernent, jugent qu'il est temps de rendre ses lettres de noblesse à un corps de profession qui a subi de plein fouet les conséquences d'une succession de mauvais choix, et qui, s'ils se poursuivent, risquent de sonner un jour le glas d'un des plus nobles métiers de ce pays.