La Tunisie possède un savoir faire typique en matière de sertissage des bijoux qui lui permet de devenir un centre réputé de bijouterie et de joaillerie dans sa région maghrébine, arabe et méditerranéenne. Le jeune sertisseur de talent, Chedly Sbabti, qui a appris les secrets du métier auprès de son père, feu Ridha Sbabti, très connu dans le domaine, nous a révélé que les techniques tunisiennes de sertissage à l'ancienne dont il est spécialisé, constituent un fonds de savoir-faire précieux propre à redorer le blason de la bijouterie et de la joaillerie tunisiennes. La qualité sacrifiée A son avis, l'esprit mercantile et le souci du profit ont tendance à dominer la place de l'or en Tunisie aux dépens du souci de la qualité. Aussi, il a pris l'initiative de créer une page dans le réseau social « facebook » sur l'Internet, sous le titre « arts de bijoux et de diamant », afin de faire connaitre et vulgariser les techniques de sertissage de bijoux à l'ancienne et défendre la qualité. Sa page trouve un succès croissant. Des bijoutiers turcs et italiens, grands maitres du métier, ont visité sa page et ont beaucoup apprécié son travail, illustré par la présentation de nombreuses pièces qu'il a serties, en diamant, et autres pierres précieuses, avec les explications d'usage. De nombreux clients spécialement parmi les femmes appelées « dames bijoux » pour l'amour qu'elles portent aux bijoux de grande valeur, richement sertis et finement travaillés, étaient venus demander ses services et lui faire des commandes. Aussi, sa page n'a pas manqué de gêner certains bijoutiers et joailliers de la place, en montrant les choses relatives à l'or et aux pierres précieuses, comme les diamants, sous leur vrai visage, en ce qui concerne la qualité et les prix. Plusieurs femmes et les clients en général se plaignent souvent de la mauvaise qualité de la fabrication des bijoux, principalement le sertissage des bijoux au moyen des diamants et des pierres précieuses. Des diamants et autres pierres précieuses sertis n'importe comment, et sans l'application et le savoir faire nécessaires, finissent par lâcher et tomber pour se perdre définitivement. La raison en est que les bijoutiers, dans l'ensemble, préfèrent faire travailler des sertisseurs sans grande qualification, aux moindres frais. Marge bénéficiaire Les prix représentent également un problème. Chedly Sbabti nous a montré un solitaire de six grammes d'or blanc serti de diamants blancs exceptionnels, valant un carat ou 100 points qu'il a créé lui même. Il le propose à 2500 dinars, tandis que le bijoutier le propose à 5000 dinars, soit le double. Son prix de revient s'élève à environ 1700 dinars. D'ailleurs, Chedly Sbabti nous a dit qu'il collabore avec les bijoutiers de la place et leur fabrique des pièces sur commandes… La marge bénéficiaire des bijoutiers est toujours assez importante… Des pièces richement serties et finement travaillées atteignent, en prix, 15 mille dinars la pièce. Cependant l'offre est très variée en qualité et en prix, afin de répondre à la demande qui est, aussi, variée, en fonction des bourses des gens, quoique les gens savent très bien l'existence d'un rapport étroit entre la qualité et le prix, comme le confirme l'adage tunisien qui dit qu'une marchandise achetée à bas prix est à moitié perdue. La place tunisienne de l'or et des bijoux ne semble pas très animée, de l'avis même des bijoutiers et des joaillers, alors qu'une place comme celle de Damas, en Syrie, malgré la guerre, enregistre quotidiennement, des ventes atteignant 8 et 10 kg, sans parler des autres places arabes des pays du Golfe. Tout en vendant, les bijoutiers achètent également l'or et les bijoux usagés, ou l'or cassé, à des prix alléchants, encouragés par la hausse du prix de l'or sur les marchés mondiaux. Mais, les prix mondiaux de l'or fluctuent et baissent, aussi, de sorte que certains bijoutiers ont été piégés, par cette fluctuation. Poinçon de garantie Un des problèmes du secteur de la bijouterie et de la joaillerie en Tunisie reste le poinçon de garantie officiel , qui est la griffe officielle authentifiant officiellement les produits d'or en Tunisie. Dernièrement, les bijoutiers de Sousse ont observé une grève contre cette procédure. Les bijoutiers réclament la libéralisation du secteur. Sur un autre plan, notre interlocuteur Chedly Sbabti s'est montré aussi un peu critique envers la formation en bijouterie et joaillerie dispensée dans les centres de formation professionnelle , savoir le centre de Gammarth, dans la banlieue nord de Tunis et le centre de Tabarka, au Nord de la Tunisie, et ce pour sa teneur axée davantage sur la théorie, préconisant le recours aux professionnels pour enrichir cette formation du point de vue pratique. Le concours national du poinçon de maitre destiné à admettre de nouveaux artisans bijoutiers n'a pas été, non plus, organisé depuis 2000.