Fallait-il libérer l'unique siège de la circonscription d'Allemagne, à mi-mandat, pour de mauvais calculs partisans qui ont pris le dessus sur le sens de l'Etat ? Qui en assume la responsabilité ? L'imperdable a été perdu et l'impensable est arrivé. Car, en définitive, ce résultat ne va pas renforcer l'opposition qui, à son tour, sort affaiblie. Nul ne doit se flatter de cet échec des deux « grands » partis, car le gâchis politique est incommensurable pour tous les partis et on doit en tirer les conséquences Très attendues comme un véritable test pour Nida Tounès et son « allié » Ennahdha, les élections législatives partielles dans la circonscription d'Allemagne ont été un fiasco total tant au niveau de la participation qu'au niveau des scores obtenus par les candidats en lice. Au total, 26 candidatures ont été validées par l'Instance supérieure indépendante des élections, (Isie). Elles sont réparties sur 11 partis et les autres sont des candidatures indépendantes. La plupart des candidats, dont cinq femmes sont des jeunes diplômés du supérieur ayant poursuivi leurs études à l'étranger. Une campagne basée sur le rejet de Nida A l'annonce des résultats dimanche soir, tout le monde est tombé des nues. Car la victoire surprise du candidat indépendant, proche des thèses salafistes, le jeune cyberdissident Yassine Ayari, fils du colonel de l'armée Tahar Ayari tué en 2011 par des terroristes, a sonné comme un désaveu pour toute la classe politique et un rejet des partis englués dans leurs conflits internes et incapables d'apporter des réponses à la grogne sociale et à l'attente des populations. Ces résultats sont, également, une claque pour l'alliance « sacrée » entre Nida Tounès et Ennahdha qui ont mordu la poussière. C'est encore un échec cuisant pour le parti cher à Béji Caïd Essebsi, qui a renversé toute la donne au cours des élections législatives d'octobre 2014. Et c'est, enfin, et un revers embarrassant pour le président de la République Béji Caïd Essebsi et pour son «allié» Rached Ghannouchi qui a promis le soutien de son mouvement au candidat de Nida contre la volonté d'un bon nombre de dirigeants et notamment la coordination d'Ennahdha en Allemagne. Nida Tounès se croyait en mesure de remporter largement le siège de la circonscription d'Allemagne laissé vacant par son député Hatem Ferjani, nommé secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, chargé de la Diplomatie économique. Avec le soutien déclaré de son allié Ennahdha, il a misé sur un candidat consensuel proche des islamistes et sur une mobilisation des électeurs. Au départ, le siège a été libéré pour le directeur exécutif du mouvement Hafedh Caïd Essebsi. Mais l'annonce de son éventuelle candidature a suscité de vives réactions, y compris dans son propre camp. Le jeune Elyes Bouachba, qui figurait sur la liste des suppléants lors des législatives d'octobre 2014, a revendiqué son droit de porter les couleurs de Nida, mais il a essuyé un refus catégorique de la part de la direction du parti. Entre-temps, Nida Tounès a commandé en interne un sondage pour jauger les chances de Hafedh Caïd Essebsi, avant de décider d'opter pour une autre alternative. Cette législative partielle était scrutée comme un test pour Nida Tounès dopé par des sondages pour la plupart commandités et biaisés. Car, à part son allié Ennahdha qui l'a soutenu du bout des lèvres, tous les autres partis politiques, y compris ses alliés au gouvernement, ont décidé de lui barrer la route. Même ceux qui n'ont pas présenté de candidats se sont ligués contre celui de Nida, apportant leur soutien à un indépendant. La campagne de tous les candidats a été basée sur le rejet de Nida. Un gâchis incommensurable La victoire du jeune candidat, soutenu par des partis de l'opposition, est celle de la démocratie. Mais elle est synonyme d'un malaise général et d'un ras-le-bol d'une jeunesse toujours en quête de repères. Cette jeunesse qui semble, aujourd'hui, désorientée face à une situation extrêmement confuse et emmêlée. Toute la classe politique a eu du mal à gérer les revendications d'une jeunesse exaspérée et inquiète face à un avenir qu'elle croyait prometteur mais qui, au fil des années, devient de plus en plus incertain. Les jeunes se sentent exclus de toute forme de participation dans la prise de décision et ne bénéficient pas de la priorité qui devrait leur être accordée. La frustration et la déception face à cette réalité cruelle et crue ont remplacé l'euphorie qui a suivi les premiers jours de la chute de l'ancien régime. Cette victoire exprime le rejet d'un aggiornamento politique qui s'est opéré à la faveur d'un accord entre deux partis pour se partager le pouvoir et régir ensemble le pays. Une sorte de « mariage d'intérêt » ou encore un vrai faux consensus qui cache « une bonne dose d'hypocrisie et de mauvaise foi». La désaffection des électeurs est évidente avec le plus faible taux de participation jamais réalisé. Sur un total d'environ 27.000 inscrits, 1326 seulement se sont déplacés aux urnes pendant les trois jours réservés au scrutin, soit 5%. Le candidat arrivé en tête a récolté 265 voix. L'Isie, qui s'est mobilisée pour organiser les élections, a dépensé une somme colossale en ce temps de disette budgétaire, 500 mille dinars. Sans compter l'argent dépensé par les candidats au cours de la campagne. Le tout pour 20 mois au parlement. Fallait-il libérer l'unique siège de la circonscription d'Allemagne, à mi-mandat, pour de mauvais calculs partisans qui ont pris le dessus sur le sens de l'Etat ? Qui en assume la responsabilité ? L'imperdable a été perdu et l'impensable est arrivé. Car, en définitive, ce résultat ne va pas renforcer l'opposition qui, à son tour, sort affaiblie. Nul ne doit se flatter de cet échec des deux « grands » partis, car le gâchis politique est incommensurable pour tous les partis et on doit en tirer les conséquences.