Le topo se précise au fil des jours. Le remaniement ministériel escompté tentera de brasser large. Outre ce qu'il reste de la Troïka en lambeaux, il engagera d'autres partis et groupes parlementaires. Ainsi, les groupes parlementaires du parti El Wafa, de l'Alliance démocratique et de la Liberté et de la dignité seraient-ils de la partie. La question a été abordée lors du Conseil de la choura du mouvement Ennahdha du week-end dernier. Certains font valoir l'éventualité du ralliement de dernière minute du parti Al-Joumhouri et de son chef historique M. Néjib Chebbi. Jusqu'ici, les partisans d'Al-Joumhouri nient du bout des lèvres. Mais les tractations de coulisses battent leur plein. C'est une question de modalités et non point de principe. Ce faisant, Ennahdha fait d'une pierre trois coups. En premier lieu, elle trouve des remplaçants à ses alliés de la Troïka. Le CPR et Ettakatol sont en fait fragilisés par les scissions, les dissensions internes, les luttes de sérail et les inimitiés non feintes avec Ennahdha. En deuxième lieu, Ennahdha affaiblit son principal rival, le parti Nida Tounès, qui s'accommoderait mal de la défection d'Al-Joumhouri au dernier quart d'heure. Enfin, à quelques encablures des élections, Ennahdha voudrait bien faire endosser à d'autres partenaires le fardeau des nécessaires bilans. Calculs et postures de fins manœuvriers dira-t-on. Seulement, les chantres de l'arithmétique politique sont nombreux. Côté Nida Tounès, on n'est pas en reste. Déjà, murmure-t-on, un éventuel désistement de Néjib Chebbi n'est guère étonnant outre mesure. «C'est du Néjib Chebbi tout craché», insinue-t-on volontiers dans l'entourage immédiat de Béji Caïd Essebsi. Ce dernier a même parlé de cette perspective ouvertement dans une interview donnée il y a peu à un quotidien de la place. Ce qui lui a valu les remontrances non déguisées de Néjib Chebbi sur les ondes d'une radio. Par ailleurs, Nida Tounès tente lui aussi de s'ouvrir à d'autres formations politiques. Telle Al-Aridha achaâbiyya, taxée il y a quelque temps de populiste par de hauts dirigeants de Nida Tounès. La réponse du berger à la bergère en somme. Enfin, fait-on valoir, Al-Joumhouri de Néjib Chebbi est lui aussi extrêmement affaibli par les scissions. Auquel cas, Ennahdha s'allierait avec les séquelles d'un parti, un «cadavre» en d'autres termes. Pour résumer, il y a deux pôles et des alliés plus ou moins consistants. Soit un ex aequo au bout d'infinis exercices de contorsionnistes, de part et d'autre. Pour les observateurs, c'est dans l'ordre des choses. La politique, c'est aussi cela. Et les chefs de partis qui tournent casaque, ce n'est pas ce qui fait défaut sur la place. Ceux qui s'aviseraient de s'attarder sur les considérations éthiques sont prévenus. A leurs risques et périls. La politique et la morale sont deux registres différents. Machiavel l'a démontré depuis des siècles. Et les machiavéliques sont, eux aussi, légion sous nos cieux. Ne nous y trompons pas. Les dernières élections ont administré la preuve par dix que ce sont les partis politiques qui tiennent le haut du pavé. Et pour cause. Nombre de personnalités d'envergure qui se sont présentées sous des bannières indépendantes y ont été battues de plate couture. Et tout porte à croire aussi que nous nous acheminons vers une espèce de partitocratie qui ne dit pas son nom. D'où ces fixations autour des combines des partis. Des formations secondaires s'avisent de jouer les alliés décisifs dans un jeu de miroirs déformants où ce qui est vrai n'est guère évident. Les manœuvres de coulisses de ces derniers jours mettent en relief certaines facettes de la partitocratie en gestation. Le pire reste à venir.