Le premier bureau exécutif de la Fédération tunisienne du textile et habillement (Ftth) a été élu, le 17 décembre 2017, marquant une nouvelle ère pour cette industrie qui pèse actuellement 1.600 entreprises et 160 mille emplois. Une industrie qui a toujours été l'objet de stigmatisation, ayant une image d'un secteur en crise. Mais la nouvelle fédération, qui s'est positionnée depuis mars 2017 comme le porte-parole des industriels, voudrait couper court avec cette image et redonner au secteur textile et habillement ses lettres de noblesse. Une tâche qui ne sera pas facile dans cette conjoncture économique difficile. Mais il faut dire que la création de cette nouvelle organisation témoigne d'une dynamique réelle que traverse le secteur et qui sera certainement une locomotive de son repositionnement dans l'économie nationale et de sa participation à la relance économique du pays. Le Congrès de la Fédération tunisienne du textile et habillement (Ftth) a été mobilisateur, selon son président élu, Hosni Boufaden, rassemblant 571 entreprises du secteur, confirmant son positionnement comme "représentant légitime du secteur". Suite à l'accord sur les augmentations salariales entre l'Utica et l'Ugtt, les industriels du secteur se sont réunis le 11 mars 2017 pour contester cet accord, considéré comme une menace pour la pérénnité des entreprises. Début mai, un congrès a été tenu à Sousse pour la création de la Ftth et pour engager le processus électoral. Chose due, l'accord avec l'Ugtt a été renégocié pour reporter les augmentations salariales jusqu'à fin 2018. M. Boufaden a indiqué, hier lors d'une conférence de presse, que la nouvelle fédération s'appuie sur la représentation régionale, avec un découpage sur neuf régions, à savoir Monastir, le Grand Tunis, Sousse et Kairouan, Sfax, Bizerte, Nabeul et Zaghouan, Nord-Ouest et Centre-Ouest. "Je tiens à préciser que la création de la nouvelle fédération ne s'est pas basée sur un malentendu mais dans la suite logique de la croissance d'un secteur. Le secteur représente 160 mille postes d'emploi avec un chiffre d'affaires à l'export de 5,4 MDT. Il est tout à fait logique qu'une industrie pareille puisse avoir le droit à une fédération représentative et autonome pour défendre les intérêts du secteur de manière plus fluide. Cela ne veut pas dire que nous étions dans une logique de confrontation avec l'Utica. Au contraire, la Ftth appartiendra toujours à la grande famille patronale. Les industriels ont choisi de former une fédération indépendante, dans une logique de partenariat avec l'Utica", précise-t-il. Programme d'action Pour Néjib Karafi, directeur général de la Ftth, la Fédération présente cinq points forts qui confirme sa représentativité du secteur textile & habillement. Premièrement, elle est composée exclusivement d'industriels du secteur. Deuxièmement, elle a adopté un système de prise de décision qui émane des régions. Troisièmement, elle rassemble les grandes mais aussi les petites entreprises reflétant une nouvelle solidarité entre les industriels. Quatrièmement, elle englobe toutes les branches d'activités dans le secteur. Cinquièmement, elle est dotée d'une administration pour assurer la continuité de ses travaux et la coordination entre ses membres. Concernant le programme d'action de la Fédération, M. Boufaden affirme qu'elle œuvrera à trouver les solutions adéquates aux problématiques du secteur que ce soit à l'export ou au niveau du marché local. Concernant l'export, il a souligné que la fédération est en train de suivre l'application des mesures exceptionnelles prises lors du Conseil ministériel restreint de juin 2017. Il a indiqué que des lignes de financement ont été mises en place au profit des entreprises du secteur, sous forme de préfinancement à l'export afin de leur permettre de s'approvisionner en matière première dans le but de renforcer leur intégration et leur transition vers le produit fini. D'ailleurs, la Fédération est en train de travailler en collaboration avec l'Association professionnelle des banques et des établissements financiers sur un projet pour fixer les conditions d'octroi pour faire bénéficier les entreprises et surtout les PME. Le président de la Ftth ajoute que des discussions sont engagées via le ministère du Commerce avec l'Union européenne pour repositionner le produit tunisien sur le marché européen. A ce niveau, M. Karafi explique que le secteur accaparait auparavant 4,5% de part de marché, il est actuellement à 2%. De même, son positionnement en tant que fournisseur de l'UE a reculé de la 4e à la 9e place. M. Boufaden précise qu'un point de plus sur le marché européen peut créer 40 mille emplois. "Nous sommes dans une dynamique d'investissment, de création d'emplois, de participation dans l'effort de rééquilibrage du déficit commercial par la promotion des exportations. Si la Fédération arrivait à repositionner le secteur pour reprendre sa part de 4% sur le marché européen, cela pourrait générer la création de 100 mille emplois. C'est un projet ambitieux mais qui n'est pas difficile à réaliser", lance-t-il. Réintégrer le marché européen Une autre problématique se pose au niveau du marché européen qui est celle de la double transformation. Les entreprises tunisiennes sont contraintes d'acheter le tissu de l'espace méditerranéen et de subir les droits de douane à l'export. Une contrainte qui pèse lourd sur leur compétitivité, surtout face aux pays asiatiques concurrents qui bénéficient d'une exonération de ses mêmes droits. "Cela a complètement faussé le jeu. Il y a des privilèges qui ont été accordés à des pays asiatiques dont la Tunisie ne bénéficie pas jusque-là, alors qu'elle est fortement compétitive en termes de qualité et de savoir-faire. En septembre 2016, le Parlement européen a voté une motion pour un plan Marshall pour la Tunisie, qui comporte la révision les règles préférentielles d'origine concernant le textile et habillement, mais la Délégation européenne n'est pas en train de l'appliquer", affirme M. Karafi. Cette question est actuellement entre les mains des autorités concernées. La Ftth a exigé que les industriels soient représentés dans la commission de négociation avec l'Union européenne. Mais disons que cette problématique cache aussi un rapport de force, celui de la Turquie —profitant du statu quo — qui détient un pouvoir de décision au sein de la commission européenne Euratex, chargée du dossier. Renforcer le marché local Au niveau du marché local, M. Boufaden affirme que les entreprises tunisiennes sont absentes, avec une transaction sur cinq qui concerne les produits tunisiens, indiquant que la valeur des importations du prêt-à-porter s'élèvent à 834,2 MDT. Il ajoute que l'objectif est de protéger le marché, de renforcer le contrôle et de réviser certaines conventions. "Nous ne visons pas à fermer le marché. Nous sommes ouverts au marché international. Notre objectif est d'organiser le marché, lutter contre la contrebande et aussi mettre un terme à la sous-déclaration lors de l'importation. Nous sommes en discussion avec les autorités concernées pour munir la Douane d'une liste des prix de référence à l'import. Ce n'est que justice rendue, pour une concurrence loyale entre les opérateurs étrangers et les opérateurs locaux", précise le président de la Ftth. En ce qui concerne les entreprises totalement exportatrices, il a souligné qu'il existe un obstacle juridique freinant l'écoulement de leurs produits sur le marché local, bien qu'il existe un pourcentage de 30%. Mais les procédures sont assez compliquées pour freiner toute opération de ce genre, selon lui. La Fédération a ainsi, proposé de rationnaliser l'importation tout en simplifiant les procédures pour permettre une meilleure intégration de ces produits sur le marché local. M. Boufaden a affirmé qu'un décret a été préparé dans ce sens par les autorités compétentes. "On nous a promis qu'il sera activé au début de l'année prochaine", ajoute-t-il.