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Apulée, premier romancier de l'histoire
Littératures de mon pays : Berbère tunisien
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 10 - 2010


Par Soufiane Ben Farhat
Nous sommes au sud de la Tunisie, au cœur du Sahara. L'été joue les prolongations. Dans le Djérid, la nuit automnale est bleue. L'immensité diaphane incite au recueillement. Les discussions épousent le ton des confidences. Certains préfèrent se draper d'un immatériel burnous de silence. La contemplation muette est au Sahara ce que la ferveur est à la prière.
L'écrivain Hassouna Mosbahi est un grand causeur. Il se tait un moment. Et semble ausculter le poète Ouled Ahmed du regard. Mosbahi vient de lire à haute voix deux nouveaux poèmes d'Ouled Ahmed. Deux poèmes qui préfigurent une nouvelle phase de l'art du poète. L'atmosphère bleu-nuit du caravansérail frissonne. L'émerveillement est unanime. Les congratulations fusent. Les connaisseurs apprécient.
Hassouna Mosbahi déchire le cérémonial affectif: "Tant que tu t'es mis à étudier Apuleius, lance-t-il à l'endroit d'Ouled Ahmed, tu graviras de nouveaux échelons de gloire". Des jeunes parmi les dix personnes présentes s'écrient: "Apuleius, Apuleius, qui c'est celui-là?". Un des vieux voyageurs de l'imaginaire, qui n'en finit pas d'arpenter les sinueuses voix tortueuses de la littérature, défait à son tour son burnous de silence. Apuleius, c'est Apulée, dit-il, l'auteur tunisien du premier roman de tous les temps L'Âne d'or, ou Les Métamorphoses.
En fait, quoi qu'on dise, Apulée (123-25/170 de notre ère) est toujours largement méconnu sous nos cieux. Son fameux ouvrage a été composé en latin au IIe siècle après J.-C. Il s'agit des aventures d'un jeune homme appelé Lucius, qui est en fait le narrateur. Parti en Thessalie pour affaires, il a logé chez un vieillard dont la femme était magicienne. Brûlant de devenir oiseau, il gagne les faveurs de la servante, à force de séduction et de pièges charmeurs. La jeune femme lui remet les drogues de sa maîtresse. Lucius se trompe pourtant de boîte. Au lieu de se changer en oiseau, il se retrouve dans la peau d'un âne. Un âne maudit de surcroît. Il ne pourra en fait perdre cette forme qu'en mangeant des roses. Commence alors une série de pérégrinations et d'aventures tragi-comiques. Il peut, au bout, tout au bout des onze livres composant le roman, reprendre sa forme d'homme, en mangeant la couronne de roses d'un prêtre d'Isis. Il se consacre dès lors au culte d'Isis et d'Osiris.
L'Ane d'or est une œuvre unique à plus d'un titre. Selon Paul Louis Courier, "on y trouve des notions sur la vie privée des Anciens, que chercheraient vainement ailleurs ceux qui se plaisent à cette étude. Là se voit une vive image du monde, tel qu'il était alors: l'audace des brigands, la fourberie des prêtres d'Isis, l'insolence des soldats sous un gouvernement violent et despotique, la cruauté des maîtres, la misère des esclaves; tout est vrai dans ces fictions si frivoles en apparence; et ces récits de faits, non seulement faux, mais impossibles, nous représentent les temps et les hommes mieux que nulle chronique, à mon sens".
Autant dire une œuvre débordante d'imagination et recelant des trésors inépuisables de détails sur la vie de l'époque. Le style d'Apulée est en vérité vif, incisif, imagé.
Pour les contemporains d'Apulée et les Anciens en général, le message est clair: l'âme trouve le salut après de longues épreuves. L'homme s'abrutit volontiers, devient un âne dès qu'il s'enivre du poison des voluptés. Il ne reprend sa forme humaine – son humanité — qu'au contact des roses de la science.
La grandeur d'Apulée c'est d'avoir fauté dès l'époque pour ainsi dire ce rêve dirigé qu'est la littérature et le roman en particulier. Quels ingrédients, quel panache! Miser sur le divertissement intelligent romanesque sous forme de distraction et de lecture agréable, il n'y a guère mieux pour la mise en abîme propre à l'art.
Apulée naquit à Madaure en Numidie (aujourd'hui M'daourouch près de Souk Ahras en Algérie) vers 123 à 125. Il fit des études dans sa ville natale avant d'accomplir un grand périple en Méditerranée. Il étudia à Carthage, en Orient, à Athènes, à Corinthe, à Rome. En route pour Alexandrie, il tomba malade et s'arrêta en Libye à OEa (Tripoli) où il fut l'hôte d'un de ses anciens condisciples d'Athènes. Il en épousa la mère Pudentilla, jeune veuve particulièrement riche. Et comme tous les gens doués, il dut faire face à de nombreux envieux et contradicteurs qui l'accusèrent notamment d'avoir abusé de sortilèges pour épouser Pudentilla. Il leur répondit en écrivant l'Apologie, une autobiographie truculente, regorgeant de détails savoureux sur sa vie et les mœurs de son époque. Il quitta par la suite OEa, dégoûté de son provincialisme, et s'installa à Carthage, grande métropole du monde, de 160 à sa mort en 175 ou 190.
A Carthage, Apulée était très aimé par ses concitoyens. Ils en étaient tellement fiers, qu'ils lui élevèrent de nombreuses statues de son vivant dans de nombreuses villes. Il fut élu pontife du culte impérial, c'est-à-dire le principal personnage après le proconsul. Il qualifiait Carthage de Muse céleste de l'Afrique.
Apulée écrivit par ailleurs les Floriles, anthologie de vingt-quatre fragments de ses ouvrages, ainsi que de nombreux essais philosophiques.
Ce n'était pas un simple homme, mais à lui seul, tout un système. Il était à la fois rhéteur, philosophe, poète, romancier, historien, médecin, savant et avocat.
Etrangement, Apulée demeure toujours largement méconnu dans nos murs. Pis, ses œuvres, dont l'Ane d'or — qui est quand même le premier roman mondial, écrit de surcroît par un berbère de Tunisie — ne sont guère traduites en arabe.
Malgré l'indicible beauté de cet automne qui n'en est pas un, l'été joue encore les prolongations. L'amnésie aussi.


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