La frénésie n'est plus ce qu'elle était dans les grands espaces commerciaux. Exit les chariots pleins à craquer jusqu'au bord. La plupart des consommateurs optent aujourd'hui pour des courses à la main, en signe de boycott implicite, face à la cherté excessive des produits tunisiens et étrangers... Les augmentations du droit de consommation et de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), incluses dans la loi de finances 2018, ne sont pas passées inaperçues. Le segment alimentaire de la biscuiterie, chocolaterie et confiserie a été frappé de plein fouet, par une hausse de 8,3%. S'ensuivit une onde de choc liée à la hausse surestimée des prix de certains produits de consommation, qui a suscité le courroux d'une partie de la population tunisienne, dimanche soir, dans les ruelles de Tunis. Comme une traînée de poudre, elle a rassemblé dans un mouvement spontané et pacifique, hommes, femmes et enfants venus crier leur colère et manifester leur désespoir. Pour tirer au clair les retombées sur le prix d'achat final de certaines denrées alimentaires, causée par une énième hausse de prix, substantielle de surcroît, il est devenu nécessaire de parcourir des rayons de supermarchés. Un petit tour s'impose. Des prix à donner le tournis Une sorte de vertige s'empare de vous, en parcourant les allées des produits sucrés. A commencer par les boissons gazeuses et énergisantes, qui ont été doublement touchées, à la fois, par la suppression des subventions sur le sucre industriel depuis près d'un an, conjuguée à la hausse de la T.V.A. sur les boissons sucrées. Ainsi, la boisson énergétique d'une marque autrichienne, prisée par les clubbers des soirées nocturnes, se vend désormais à 4,420 D, la canette de 25 centilitres, elle qui s'écoulait encore à 3,500 D il y a quelques jours, voire 3D, l'an passé. Comme pour contourner la fuite en avant des clients, une sous-marque sera proposée, sur l'étagère supérieure, à 3,190 D la même canette, juste à titre promotionnel. Les sodas traditionnels sont vendus en canette à 830 millimes les 33 cl, soit 100 millimes de plus qu'au cours des derniers mois. Au rayon biscuiterie, les gaufrettes passent de 650 à 930 millimes le paquet moyen de 100 grammes. La gamme de biscuits smile est devenue cry, passant du rire aux larmes des enfants, se vendant à 1,160 D le paquet, tout comme d'autres au chocolat à 1,170 D. Les biscuits major affichent un prix majeur surtout, à 1,150 D. Les biscuits nature et classique sont à 690 millimes le petit paquet ou 1,250 D le grand. Au niveau des rayons des confitures et crèmes à tartiner, on croise Hédi, âgé de quarante ans et père de deux enfants, qui scrute les prix des pots de crème au chocolat, l'air désemparé. Il fait ses courses et affirme plaintif : «C'est inacceptable, de voir de tels prix proposés à la clientèle ! Ce petit pot de chocolat d'à peine 200 grammes coûte dix dinars, c'est de l'abus». Un produit non tunisien, dont raffolent ses enfants, qu'il ne peut plus acquérir, malgré lui. Il se rabat alors sur une barquette de marque locale. Le rayon des produits chocolatiers suscite l'intrigue, avec des tablettes au chocolat et noisette de marque supérieure tunisienne, qui avoisinent les 3d l'unité qui s'écoulaient à moins de deux dinars l'unité, il y a à peine deux ans de cela. Disposées sur quatre niveaux, le prix ne s'affiche que sur le plus bas, comme pour ne pas heurter l'esprit, ou dissuader le client, qui désirerait en acheter ! Le paquet de céréales local, favori des enfants tunisiens, a connu un renchérissement, avec un prix porté, pour la gamme nature et autres, à 3d,110 et 3d,510 le petit paquet de 300 grammes et 5d,620 ou 6d,180, le grand paquet, de 600 grammes. Les biscuits salés, les chips, les bonbons ne sont pas en reste et sont concernés par la majoration des prix, avec des chips tunisiennes, vendues entre deux et trois dinars. Lot de consolation Seul lot de consolation, les produits de base et subventionnés n'ont pas été touchés d'un iota. Baguettes, semoules, laitages et huiles sont maintenus aux mêmes prix. Une bouffée d'air, qui ne laisse pas certaines personnes indifférentes, vu qu'elle peuvent exploiter d'autres filons. Une mère de famille, résidant à El Ghazela, tenant son sac à la main, fait part de son dépit : «Au point où l'on en est, je suis hantée par le scénario d'une deuxième révolution, tant le malaise a atteint son comble. Pour ma part, je n'ai rien acheté en confiserie ou biscuiterie, depuis l'avènement de cette insupportable et douloureuse année 2018.» Cette maman astucieuse, bien au fait des prix, a de la suite dans les idées. Elle raconte sa recette, pour contrer cette infernale flambée des prix. «Il faut dire que je prends la peine de préparer un gâteau nature, pour mes adorés. Il s'agit d'un cake-maison, que je partage entre eux, sur quatre jours, pour leurs goûters d'école. Je suis bien tranquille, ainsi.» Les produits laitiers, tels que les yaourts et crèmes dessert n'ont pas connu une augmentation des prix notable. C'est la seule consolation, pour les consommateurs, qui n'hésitent pas à en acheter deux par deux. Un autre motif de satisfaction a trait au devoir qui s'impose, de limiter la consommation de ces produits trop riches en sucre, sources d'obésité et qui ne vont pas manquer dans nos assiettes. Cependant, il n'en reste pas moins que ce sont des produits incontournables, préférés des écoliers, étudiants et adultes, qui pimentent les jours tristounets et moroses des citoyens tunisiens, à faibles revenus. Or, ils s'apparentent de plus en plus à des produits de luxe, et bien moins de consommation courante. La gorge est nouée, la tasse est pleine. Les consommateurs ont bu le calice jusqu'à la lie !