La violence verbale a tendance à être banalisée dans les espaces publics et virtuels. La publication, mercredi dernier, du rapport de l'Observatoire social tunisien (OST), relevant du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (Ftdes) et portant sur les mouvements de protestations et de revendications sociales relatifs au dernier trimestre de l'année 2017, a permis d'exposer un problème à la fois social et éthique qu'est celui de l'évolution préoccupante de la vague de violence et de criminalité. Cette vague gagne chaque jour du terrain dans une société en mal de résistance aux conditions sociales difficiles et à l'absence de perspectives, à même de promettre un climat socio-économique rassurant. Le secteur administratif : objet de grogne sociale Le rapport a dévoilé la recrudescence des mouvements de protestations sociales fondés sur la violence. Les chiffres montrent qu'en octobre 2017, quelque 180 protestations violentes ont été enregistrées, dont 49 portaient sur le secteur administratif. Celui-ci représente, pour la plupart des Tunisiens, l'Etat. Ce qui doit amener à réfléchir sérieusement sur les solutions susceptibles de rendre plus performant ce secteur stratégique et d'atténuer la grogne exprimée à l'encontre des institutions de l'Etat. En novembre, le nombre des protestations sociales violentes a régressé pour ne compter que 140 actions, puis 130, en décembre 2017. «Le flux des actes de violence suit une courbe progressive, et ce, depuis le mois d'octobre. D'ailleurs, les événements survenus récemment en témoignent. Le recours à la violence comme moyen de protestation et de revendication des droits sociaux concourt, systématiquement, à la hausse quantitative de cette pratique. Cela dit, la violence criminelle, elle aussi, emprunte une trajectoire comminatoire», souligne M. Abdelsattar Sahbani, sociologue et président de l'OST, lors de la conférence de presse tenue mercredi dernier. Violence tous azimuts La violence et la criminalité ont été constatées, non sans inquiétude, à travers moult actes, recensés au cours du dernier trimestre de l'année 2017. En octobre, des braquages, des disputes, ainsi que le recours aux armes blanches ont été relevés dans plusieurs gouvernorats. Parallèlement, des violences sexuelles, et autres, exercées dans le milieu familial, ainsi que sur les agents de l'ordre ont été repérées. Pis encore, si l'on examine de plus près le graphique relatif à ces deux comportements extrémistes, l'on déduit aisément que la violence et la criminalité accaparent plusieurs milieux et environnements sociaux, notamment celui familial, relationnel, protestataire, éducatif, sportif, routier et électronique. La violence sur fond de genre perdure en dépit du plaidoyer contre ce comportement sexiste et de l'adoption de la loi organique 58 pour l'année 2017, laquelle interdit toute forme de violence à l'égard des femmes et des filles. Violence verbale : un mal devenu banal ! En novembre, l'on a observé une évolution notable de la violence criminelle organisée surtout à Tunis, à Kairouan et à Sousse. Des filles ont été kidnappées, ainsi qu'un homme séquestré contre une rançon. Des viols et des abus sur enfants font aussi partie de la liste des délits enregistrés. En décembre, des actes de violence ont touché plusieurs gouvernorats. Le plus gros lot a été recensé à Tunis, dans les localités d'El Omrane, au Kram, à Ras Ettabya et à Bab Saâdoun. M. Sahbani saisit l'occasion pour attirer l'attention sur la focalisation excessive des médias sur certaines catégories de violence, délaissant d'autres catégories tout aussi menaçantes. La violence sexuelle et l'abus sur mineurs font, manifestement, plus de buzz que d'autres. «Certes, le traitement médiatique des violences sexuelles est important. Toutefois, d'autres manifestations de la violence semblent être banalisées bien qu'elles fassent de plus en plus partie de la vie quotidienne des Tunisiens», fait-il remarquer. Il pointe du doigt la recrudescence de la violence routière et électronique ; soit deux espaces publics, — le premier étant réel, le second virtuel — dans lesquels la violence verbale s'avère être exercée sans limite ni contrôle. «Les espaces publics sont devenus quasiment terrifiants, vu l'ampleur de la violence. Le phénomène est tel que le Tunisien a tendance à banaliser, voire à adopter la violence verbale, ce qui est gravissime», souligne–t-il, intrigué. D'un autre côté, les espaces et établissements scolaires, sportifs et de divertissement censés être les garde-fous contre la violence, le crime et les comportements à risque, sont devenus les sites référentiels de la violence sociale. «Face à cette évolution inquiétante, les moyens de lutte contre la violence demeurent les mêmes. Ce qui les déleste de toute performance», indique-t-il.