«J'ai toujours opéré avec le même leitmotiv, qui est tout simple et me paraît le plus efficace : pour être respecté, il faut respecter les autres et l'environnement». On entend rarement les arbitres de l'élite s'exprimer sur l'exercice de leur métier et leur rapport aux médias. Le n°1 tunisien se prête au jeu : «Avant d'entrer de plain-pied dans ce sujet d'actualité, passons en revue le comportement global d'un arbitre qui se respecte. Tout d'abord, avant de parler de fraîcheur et d'endurance, essentielles pour officier une discipline où tout va de plus en plus vite, je voudrais aborder l'image de l'homme en noir. Elle est capitale dans l'arbitrage de haut niveau. L'image a valeur, pour moi, d'exemplarité. A travers un comportement, une posture, une gestuelle, un regard, on fait passer un certain nombre d'informations aux joueurs. Et le fait d'être relativement souvent pris dans le champ des caméras a aussi une vertu pédagogique pour les arbitres des divisions inférieures. Donc il y a aussi une forme d'exemplarité, du moins dans l'image. Paraître et être le plus naturel possible, mais aussi le plus juste, le plus exemplaire, c'est quelque chose auquel j'accorde beaucoup d'importance. Il faut comprendre par là que l'autorité est importante au sein de ce corps de métier. On peut avoir une autorité dite naturelle, au travers justement d'un regard, d'une gestuelle appropriée. Tous ces éléments non verbaux sont très importants dans l'autorité de l'arbitre. Après, même si tous ces paramètres-là ne sont pas forcément maîtrisés, ils peuvent se travailler: une gestuelle, un langage corporel peuvent se travailler. Il n'en demeure pas moins que les lois du jeu, les aspects plus théoriques de notre métier, il faut impérativement les connaître ! Notre métier ou plutôt cette passion demande une connaissance accrue du football. Il faut, à titre d'exemple, sensibiliser tout son entourage, car ce qu'il est susceptible de faire m'impacte directement. Là, je parle de l'entourage arbitral, les assistants. C'est mon équipe, donc le comportement d'un de mes collaborateurs rejaillira sur mon image. Je les incite systématiquement à avoir une approche très professionnelle. Si on voyait un de mes assistants, je ne sais pas, se préparer en racontant des blagues ou ne pas avoir le comportement attendu d'un arbitre envers un joueur, un entraîneur ou un dirigeant, évidemment cela rejaillirait sur mon nom. Exactement comme la fonction le veut sur le terrain: ils sont dans un rôle d'assistant, et c'est l'arbitre central qui a la décision finale. Alors l'erreur d'un assistant se retrouve dans la décision que je prends ! Vous savez, moi, j'ai toujours opéré avec le même leitmotiv, qui est tout simple et me paraît le plus efficace : pour être respecté, il faut respecter les autres et l'environnement. Je ne peux pas demander à un dirigeant, un joueur, un staff technique, le respect si je ne suis pas en mesure de les respecter». «Il faut percevoir l'intensité d'un match» «Aussi, pour approcher le "zéro faute", j'essaie de prendre du recul. Et je regarde ce qui se fait ailleurs : le comportement d'un autre arbitre, comment il va gérer une situation un peu nébuleuse... Je trouve ça extrêmement intéressant. L'image permet d'être plus efficace dans ses prises de décision. Un exemple simple: un joueur qui sera amené à faire plusieurs fautes de suite, au moment où vous allez lui mettre un carton jaune, vous lui montrez avec la main qu'il a fait une faute, deux fautes, trois fautes, et lui mettez le carton. Le joueur comprend que c'est parce qu'il a fait une infraction répétée qu'il prend son avertissement, tout comme les bancs et les téléspectateurs. Tout cela permet d'être plus efficace. Je pense aussi qu'il est difficile de percevoir l'intensité d'un match, quand on est hors contexte. Il est difficile d'avoir ce ressenti du terrain quand on n'est pas imprégné à 100% de son métier, alors que nous y sommes confrontés au quotidien! Bien entendu, cela ne dédouane pas les joueurs, surtout les jeunes, de se montrer exemplaire sur le terrain. Or, on voit de plus en plus de comportement sanguin, à la limite incendiaire de la part de certaines têtes brûlées. Là, il faut sévir, rappeler à l'ordre et même punir parfois, même si je suis de nature favorable à une démarche de sensibilisation plutôt que de sanction. Volet technologie en tant que support de l'arbitre, je pense qu'on utilise plutôt la télé pour mettre en avant les erreurs d'arbitrage. Pour essayer d'expliquer par divers moyens la raison de l'erreur de l'arbitre, et puis balayer par un certain nombre de ralentis les différents manquements. On est presque, malheureusement, dans une démarche à charge ! Je vois rarement des ralentis, sous diverses coutures, pour dire "Voyez, l'arbitre a pris la bonne décision, et on va vous montrer deux ou trois ralentis qui confirment cela". Si la décision est la bonne, on ne cherche pas à le démontrer par a+b, malheureusement!».