On reste bloqué au stade absurde d'une ‘'starification'' négative des arbitres. Coupables que l'on aime éternellement condamner!... Les fins de saison sont généralement faites pour les bilans. La question de l'arbitrage, avec tout ce qu'elle comporte d'appréhension, de jugement et d'interprétation ne relève pas cependant d'une pareille saisonnalité. L'arbitre sera toujours contesté, mais jamais remplaçable. Ce qui est de nature à nous intéresser aujourd'hui dans le bilan que l'on pourrait dresser sur toute une saison d'arbitrage serait la compréhension plutôt que le jugement. Est-ce que la cause de l'arbitrage progresse ? Fait-on vraiment confiance aux arbitres? Sommes-nous en mesure de les aider dans leur mission? Pas tant que cela. Et l'arbitrage tunisien en particulier. Le problème est que les faiblesses et les insuffisances présumées, parfois même la mauvaise foi, entretiennent une incompréhension globale de leur métier. Le public considère que le dénouement de chaque match est littéralement dans les mains de l'arbitre. Le pire est que cette idée est devenue aujourd'hui partagée par les joueurs, les entraîneurs et surtout les dirigeants. Sans aucune considération pour les circonstances et avec toute la détermination requise pour mettre tout sur le dos de l'arbitre et accabler tout le secteur. Les hommes en noir en ont vu de toutes les couleurs cette saison. Insultes, offenses, menaces, injures, grossièretés en direct à la télé. Et des fois même agression! Et quoi encore? On reste bloqué au stade absurde d'une «starification» négative des arbitres, coupables que l'on aime éternellement condamner avec une inépuisable jubilation et faire repasser pour responsables des défaites, d'abandon et de fiasco. Le problème est que l'on n'arrive pas toujours à réaliser que l'arbitre de football, et contrairement aux autres sports, n'est pas là seulement pour voir ce qui se passe, mais pour interpréter ce qui se passe: intention, préméditation et arrière-pensées des joueurs. Autour de l'arbitre, l'intensité des oppositions dans l'interprétation est devenue fortement proportionnelle à l'enjeu. La difficulté est de faire comprendre aux polémistes, qui n'ont toujours aucune envie de comprendre, qu'arbitrer c'est aussi interpréter. C'est-à-dire, non pas seulement rendre justice, mais également prendre des décisions sans lesquelles le jeu ne pourrait pas se poursuivre. Ce qui est autorisé et ce qui est interdit Au fait, les personnes averties, suffisamment responsables, mais de plus en plus rares dans notre football, savent pertinemment qu'il y a juste une différence de degré entre ce qui est autorisé et ce qui est interdit sur le terrain. Et point une différence de nature. Les règles du football sont différentes des autres disciplines. Elles sont tellement singulières qu'elles pourraient être par essence propices à la polémique. Et c'est à chaque fois le même problème: tout se ressemble, tout se confond. La dangerosité d'une intervention, le caractère décisif d'une action de jeu arrêtée, des buts accordés ou refusés...Ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas dans tout cela ne sont pas des choses hermétiques, imperméables et faciles à diagnostiquer en fraction de secondes. De cela résulte un aspect particulier au football: ce qui est régulier ressemble comme deux gouttes d'eau à ce qui ne l'est pas. Il peut sanctionner quelque chose qui s'apparente beaucoup à ce qu'il autorise. Résultat: licite et illicite se confondent et ont, en guise de séparation, des degrés de nuances très proches les uns des autres. Ces dernières années, on assiste d'ailleurs à un changement dans les commentaires, notamment télévisés. La définition du qualificatif «involontaire» est progressivement modifiée: le cas le plus significatif est celui du défenseur qui ne doit pas seulement se retenir de faire main, mais qui est aussi contraint de prouver qu'il avait bien l'intention de ne pas faire main. Ces dissemblances et ces diversités ne sont pas toujours faciles à deviner, et encore moins à interpréter. Tout va très vite au point que l'arbitre est appelé à trancher en quelques secondes et décider sans avoir à réfléchir et à se concentrer. La manière avec laquelle les arbitres ont été contestés et mis en cause lors de la saison écoulée revient à dire et à penser qu'ils ont été insultés dans leur intégrité, dans leur autorité!... C'est un procès qui vit sa propre vie, faute de pouvoir (ou de vouloir) reposer sur une observation objective : les a priori semblent éternels. Avoir le droit de parler à l'arbitre, ou ne pas en avoir le droit, est aujourd'hui au centre des débats sur les réformes destinées à valoriser l'arbitrage. L'arbitre tunisien reste malgré tout un élément essentiel d'un match de football, dans lequel il est chargé de faire respecter les règles du jeu et maintenir l'ordre. Il aurait ainsi besoin de passer au statut professionnel, chose qui pourrait justement l'aider à imposer son autorité. Il aurait aussi encore besoin de formation et d'une meilleure rémunération. En France, la Ligue professionnelle vient de créer au mois d'avril dernier une division spéciale appelée «F1 élite» qui comprendra 21 arbitres d'ici à 2018. Au sein de cette structure, les arbitres auront plus de semaines consacrées à la formation et une rémunération augmentée de 50%. L'objectif: faire en sorte que les meilleurs arbitres français passent le cap du professionnalisme. Pourquoi ne pas y penser chez nous?...