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Le poète-chevalier : Abû Firâs Al-Hamdânî
Vient de paraître
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 10 - 2010

André Miquel est sans conteste l'un des plus fins connaisseurs de la littérature arabe médiévale. Agrégé de grammaire et docteur ès lettres, il fut l'administrateur général de la Bibliothèque nationale avant d'être celui du Collège de France où il enseigna longtemps la langue et la littérature arabes. Sa thèse d'Etat, en quatre volumes, s'intitule Géographie humaine du monde musulman jusqu'au milieu du XIe siècle, (EHESS-Mouton, Paris-La Haye, 1967-1988). Il est par ailleurs l'auteur de plusieurs ouvrages sur le monde musulman dont Du monde et de l'Etranger (2001), Les Arabes et l'Amour (en collaboration avec Hamdane Hadjadji, 1999), Le Fou de Leïla (le diwân de Majnnûn, 2003), Un palestinien sur la route (2008)), ou encore Pour l'amour d'une princesse (anthologie poétique d'Ibn Zaydûn, 2009), tous chez Actes Sud.
Cet éminent arabisant vient aujourd'hui de publier toujours chez Sindbad/Actes Sud Les Byzantines, la voix d'un prisonnier, une anthologie consacrée aux célèbres Rûmiyyât d'Abû Firâs Al-Hamdânî.
Né en 932 durant une époque où les lettres arabes étaient des plus florissantes, contemporain de Mutanabbî, Abû Firâs Al-Hamdânî bâtit sa réputation sur un itinéraire politique tragique sublimé par Les Rûmiyyât ou Byzantines, une série de poèmes rédigés durant sa longue captivité à Constantinople (de 351/962 à 355/966). En tant que membre de la puissante famille Hamdânî, vassale du califat de Bagdad, qui contrôlait la haute Mésopotamie, il fut gouverneur de plusieurs provinces du nord de la Syrie. Brillant stratège, capable de faire croire en sa victoire, "prince guerrier ", il manifestait la plus grande bravoure sur les champs de bataille. Bref, au départ, il possédait déjà tout, fortune, culture, honneur et célébrité, mais la longue captivité puis la mort de son cousin et beau-frère, Sayf ad-Dawla, précipitèrent sa chute. Il prit part en effet à une conjuration pour la prise du pouvoir, mais il fut battu, fait prisonnier et exécuté en 357. Il avait 36 ans.
Contrairement aux poètes pré-islamiques, ce qui est essentiel pour l'esprit héroïque de Abû Firâs tel qu'il se reflète dans Les Rûmiyyât, ce n'est pas tant de dominer la mort, de lui faire face stoïquement, que de résister aux vicissitudes du temps, les hauts et les bas de la vie. Comme son contemporain Mutanabbi, la conscience de soi et surtout ce sens de l'honneur si exacerbé propre aux preux chevaliers (iftikhâr), ne cessent de l'animer tout au long de sa captivité :
Je suis homme de ressources, captif ou non,
Et telles qu'avant moi nul n'eut ce privilège ;
J'ai délié des nœuds qui pour tous étaient pièges,
Et noué, moi, des liens sans défaut, tenant bon.
A ma vue, les plus fiers des Rûms courbent le cou :
Les captifs, ce sont eux, devant moi, dans ces fers.
Digne je fus, digne je resterai, partout,
Avec les miens, ceux qui sont ici, ou ceux d'hier,
A mes frères, à mes cousins, dites-le bien :
Tel que je suis, je vis un bonheur, une grâce,
Dieu veut à mes vertus donner plus large place,
Montrer à tous ce qu'est le mérite, le mien.
Ainsi Abû Firâs pensait, à coup sûr, que sa vie ne devait être qu'une prestigieuse épopée. C'est pour cette raison que Les Rûmiyyât rehaussent la stature de leur infortuné auteur sans pour autant porter préjudice à son «protecteur», le prince Sayf ad-Dawla, qui avait pourtant refusé de payer la rançon exigée pour sa libération. Le comportement du poète, confiné, enchaîné, dans une geôle des années durant, peut fort bien être considéré comme le reflet de sa vie elle-même, riche en hauts faits d'armes. Sa noblesse d'âme vis-à-vis de Sayf ad-Dawla, son stoïcisme lui servaient d'armes, et sa poésie de tribune. A ce cousin qui avait oublié les services rendus, Abû Firâs avait adressé ce court poème, lui livrant pour ainsi dire, son âme à nu :
Mieux que toi j'apprécie un vrai attachement,
Et quand je pense à toi,le soupçon m'envahit.
Contre toi j'ai juré, sous le coup du dépit,
Mais je me suis repris : oublié, le serment…
Il faut souligner, d'autre part, que la culture héroïque en général et le chant épique en particulier, ont longtemps été la sève nourricière des Arabes. Sans être un suppôt de Mars, Abû Firâs avait tout naturellement tendance à avoir foi en ses vertus personnelles et en sa renommée, d'où cette glorification de la guerre qui court en filigrane, et cette apologie de la violence créatrice, la justification de la violence féconde qui purifie, régénère et fait revivre le pays et l'Homme :
Qu'on ne me dise pas, à moi, ce qu'est la guerre :
Je m'en nourris, j'y bois : je n'ai pas eu d'enfance.
Tout en moi se souvient ; les grands coups de rapière,
Ma peau déchiquetée au flamboiement des lances.
J'ai plongé dans le temps, ses joies, ses cruautés,
J'ai payé de ma vie, et n'ai jamais compté.
Par simple souci de commodité, les poèmes ont été choisis dans cette anthologie en rapport avec des thèmes «organisés en couples antagonistes» comme, par exemple, «le désespoir du lendemain et sa version pieuse, la soumission à la volonté divine» (p.10), ou encore les louanges à Sayf ad-Dawla, auxquelles répondent les flèches décochées contre l'ingratitude et le manque de discernement. De la sorte, le lecteur ne se perdra pas en conjectures, d'autant plus que, comme l'affirme André Miquel en conclusion:
«Nul doute…qu'Abû Firâs apparaîtra comme un frère à tous ceux qui ont fait la même et affreuse expérience que lui jusque dans l'annonce de la mort d'une mère» (p.12).
www.rafikdarragi.com/
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Abû Firâs Al-Hamdânî, Les Byzantines, la voix d'un prisonnier, anthologie poétique établie et traduite de l'arabe par André Miquel, Sindbad/Actes Sud, 94 pages.


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