Un club ou une équipe nationale a besoin, en plus d'un personnel d'encadrement, d'un «aboyeur» sur le terrain, d'un «orateur» dans les vestiaires toujours prêt à remobiliser les troupes en cas de laxisme ou de problèmes et même d'un «ambianceur» pour oublier le stress et la pression des veilles de matchs. Toutes les grandes équipes en possèdent aux côtés des leaders techniques par ligne, capables d'entraîner à leur suite leurs camarades. C'est par l'exemplarité sur le terrain que ces joueurs expérimentés paient de leur personne, convaincus qu'il relève de leurs responsabilités de mobiliser les troupes et de faire appliquer ou de rappeler les consignes de l'entraîneur tout en se tenant prêts à faire bénéficier leurs camarades de leur savoir-faire. La Fédération tunisienne de football est tenue de présenter avant le 14 mai une première liste de 35 joueurs censés être retenus pour disputer le Mondial qui aura lieu en Russie du 14 juin au 15 juillet. Il est entendu que de cette liste émergeront les joueurs définitivement choisis et qui comprendra 23 (avec trois gardiens de but) et qui devra être remise au plus tard le 4 juin. Autant dire que la date fatidique approche à grand pas et qu'il est bel et bien temps de régler l'horloge sur Moscou. Depuis la qualification, et surtout une fois le «stage» effectué au Qatar, on n'a pas trop soulevé le cas de cette équipe nationale de manière rationnelle et pratique. Certes, les envolées lyriques qui ont été, il est vrai, atténuées par ce stage qui a quelque peu atténué l'engouement des uns et des autres, il nous semble qu'il est devenu urgent de se soucier de cette sélection dont les joueurs se sont éparpillés un peu partout... Ces joueurs connaissent des chances diverses et les fans de l'équipe, revenus en masse après la dernière phase de qualification, commencent à «construire leur onze». Le plus curieux, c'est que ce ne sont plus les noms des joueurs retenus par le sélectionneur qui reviennent dans cette composition. Depuis le retour à la compétition, d'autres prétendants sont venus se rappeler au bon souvenir de ceux qui espèrent que l'équipe de Tunisie sera la plus compétitive possible. De nouveaux prétendants Les retournements spectaculaires que vit la compétition nationale, les nouveaux visages qui ont ressurgi et occupé la scène, le retour d'éléments à l'indéniable talent qui ont retrouvé leur stature de joueurs sur lesquels on peut compter, les échos plus ou moins favorables qui nous parviennent du Golfe ou d'Europe où évolue une partie de l'effectif présélectionné, les contacts que l'on a qualifiés de positifs avec des joueurs qui ont accepté de porter la casaque nationale, figurant parmi les meilleurs dans leurs clubs respectifs, tous ces arguments plaident en faveur d'une reconsidération des tendances et des prévisions. Il n'en demeure pas moins qu'au préalable, il faudrait savoir ce qui se passe dans la tête du sélectionneur. A-t-il déjà en mémoire l'équipe rentrante à un ou deux éléments près ? Dans ce cas, il sera difficile de le faire changer d'avis. Si le sélectionneur demeure ouvert à toute possibilité de faire bénéficier l'équipe des meilleurs atouts, d'où qu'ils viennent et où ils se trouvent, c'est une importante avancée sur la voie de la raison et une extraordinaire possibilité d'agir pour mettre à la disposition de l'équipe de Tunisie une intéressante alternative. Du talent à revendre En effet, une fois une bonne partie de la sélection partie sous d'autres cieux pour monnayer ses talents, nous avons enregistré, aux côtés des nombreux jeunes lancés dans le bain, le retour de quelques éléments qui avaient pleinement rayonné sur le football national et qui ont été des joueurs qui comptaient. Pour bien des raisons, la plus importante à notre sens est d'avoir ignoré, brimé, et négligé ces talents, au point de leur enlever le goût de se battre. Remis en condition, responsabilisés, ils ont repris tout leur allant au point d'apparaître depuis des semaines en pleine possession de leurs moyens. Des joueurs cadres qui ont remarquablement pris à bras-le-corps leurs responsabilités pour tirer vers le haut, les jeunes lancés. A voir comment ils dirigent leurs camarades, de quelle manière ils animent le flanc de l'attaque, ordonnent le repli ou reconstituent les lignes, on ne saurait négliger des éléments encore capables de servir et de se rendre utiles. En cette phase finale de la Coupe du monde, on a plus que besoin de joueurs expérimentés qui ont démontré qu'ils savaient comment entraîner dans leur sillage leurs camarades en payant d'exemple. Il s'agit tout simplement de se poser naïvement une question qui compte : l'absence de joueurs considérés comme cadres serait-elle une bonne chose pour les «Aigles de Carthage» ? L'atout de l'expérience En prenant en charge l'Equipe de France, Didier Deschamps a décrété tout de go : «Avoir une expérience au niveau international, c'est avoir 50 sélections !». De combien pourraient se prévaloir la majorité de ceux qui ont été jusque-là retenus ? Un club ou une équipe nationale a besoin en plus d'un personnel d'encadrement, d'un «aboyeur» sur le terrain, d'un «orateur» dans les vestiaires toujours prêt à remobiliser les troupes en cas de laxisme ou de problèmes et même d'un «ambianceur» pour oublier le stress et la pression des veilles de matchs. Toutes les grandes équipes en possèdent aux côtés des leaders techniques par ligne, capables d'entraîner à leur suite leurs camarades. C'est par l'exemplarité sur le terrain que ces joueurs expérimentés paient de leur personne, convaincus qu'il relève de leurs responsabilités de mobiliser les troupes et de faire appliquer ou de rappeler les consignes de l'entraîneur tout en se tenant prêts à faire bénéficier leurs camarades de leur savoir-faire. C'est dire que l'absence de leaders n'est jamais bénéfique sportivement parlant. S'il est de notoriété publique de dire qu'il faut accepter de laisser grandir ces jeunes, il faudrait d'abord leur en donner le moyen, ensuite payer d'exemple. Cette génération a la chance d'avoir à sa disposition des camarades opérant à un niveau très respectable et d'autres qui ont roulé leur bosse et qui sont nantis d'une expérience non négligeable, à même d'être positivement exploitée. Des craintes quand même Il est difficile de croire que le sélectionneur n'a pas entrevu cette alternative. Il a certainement constaté, comme tout observateur averti, qu'un certain nombre de joueurs est capable de tirer vers le haut la sélection nationale s'il faisait appel à ces compétences unanimement reconnues. Ce qui est à craindre, c'est le risque de voir se reconstruire des «clans» qui pourraient faire sauter tout l'édifice que le sélectionneur essaie de mettre en place. En cette période critique, à quelques semaines de la date fatidique, le sélectionneur a d'abord besoin d'une évolution et non pas d'une révolution qui risquerait de mettre à mal tout ce qui a été fait jusque-là. Le risque existe, mais il faudrait avoir le courage de faire rapidement et résolument face à cette alternative, en responsabilisant et en accordant confiance, car ce Mondial est à nos portes. Il a ensuite besoin de l'autorité et d'un charisme à toute épreuve pour prendre les bonnes décisions et imposer la discipline qui générerait la solidarité, à la faveur d'une osmose à créer entre des éléments appelés à travailler la main dans la main.