Avant d'élaborer la feuille de route d'un sport, d'une sélection, il faudrait au préalable savoir à qui s'adresser, s'entourer d'hommes capables de mettre à exécution les plans échafaudés et, surtout, respecter les engagements. A tous les niveaux... L'équipe nationale... C'est un vaste chantier qu'on a essayé d'ouvrir depuis des décennies, et une fois l'élan imprimé par la génération qui a fourni la cuvée de 1978 élimé, terminé, usé jusqu'à la corde. Malgré toutes les tentatives, ce chantier n'a jamais démarré de manière effective. Pour s'en convaincre, il suffirait de revenir aux archives des différents médias et aux «programmes d'action» qui ont précédé les différentes assemblées générales : promesses de consacrer à la formation des moyens accrus, au moins suffisants, pour reconstituer la base et imprimer au football une dynamique vertueuse, répondant aux aspirations d'un public des plus versatiles mais d'une fidélité maladive, et de ceux qui veillent sur ce secteur. Ces promesses non tenues sont devenues, au fil des années, des slogans de campagne lancées à tour de bras, aussi bien par ceux qui tiennent les rênes du football au niveau national que par les présidents des clubs. Et comme l'équipe nationale est le reflet des clubs qui lui fournissent les éléments dont elle a besoin, les conséquences de ce laisser-aller sont énormes. En effet, ce sport ne tient plus que grâce à l'apport d'un ou deux clubs qui soutiennent le rythme et qui réussissent tant bien que mal à tirer vers le haut un sport qui continue à vivre au jour le jour. Dans ces conditions, comment établir des projections d'avenir et de quelle manière agir pour faire de ce sport populaire un des piliers du sport national ? Qu'on le veuille ou non et qu'on essaie d'écarter d'un revers de main les arguments des uns et des autres, la situation qui prévaut actuellement est un pur produit de générations spontanées qui ont réussi tant bien que mal à fournir de temps à autre une brochette de joueurs d'un niveau acceptable. Comment poser les bases d'un football capable de travailler dans des conditions minimums et de produire des éléments de qualité et s'émanciper, lorsque l'écrasante majorité des équipes naviguent à vue, souffrent le martyre, plongées jusqu'au cou dans des dettes sans fin, et où les grèves et les mouvements de protestation sont les exercices les plus en vogue ? Comment exiger des techniciens veillant sur cette formation des efforts, alors qu'ils sont mal payés ou pas payés du tout, souvent livrés à eux-mêmes, avec des équipements insuffisants, mal en point et des installations vétustes ? Comment former des joueurs de qualité alors que nos terrains sont dans un état lamentable et constituent un danger public au point que des sections seniors «professionnelles» sont des SDF errant d'un terrain à un autre ? Comment trouver une solution acceptable pour intégrer les éléments formés à l'étranger ou qui essaient de se faire une place en dehors du territoire national en s'expatriant, et se comporter pour que leur apport ne soit pas un leurre à même de fausser bien des données ? La cinquième roue de la charrette L'équipe nationale ne cesse de subir les contrecoups des maladresses et des choix douteux qui plombent l'ambiance pas toujours favorable et qui, par la force des choses, aboutit à la formation de clans et de partis pris. Les cartes sont malheureusement étalées et le linge sale déballé, une fois un ou deux joueurs mis à l'écart. Ce décor planté, que reste-t-il à commenter et comment dans ces conditions peu enviables mettre en place des feuilles de route susceptibles de préparer une relance ou un décollage ? Le football est un sport difficile, exigeant et demande de gros efforts tant sur le plan financier que sur le plan technique avec en face, des pays qui en ont fait un moyen de s'imposer dans le concert des nations. Ce n'est plus un jeu mais un véritable travail et tous ceux qui sont à son service exigent des résultats. Le football tunisien dispose d'énormes moyens avec des centaines de techniciens de valeur qui sont capables de le servir à tous les niveaux. Pour peu qu'on leur fasse confiance et qu'ils n'aient jamais l'impression d'être la cinquième roue de la charrette. On ne choisit pas par exemple un sélectionneur national tunisien parce qu'il revient moins cher qu'un étranger (qui ne lui arrive pas à la cheville sur le plan de l'expérience et des connaissances), mais par conviction. Ceux qui veillent sur ce sport n'ignorent sans doute pas qu'il suffit d'investir au niveau de la formation pour que les choses changent de manière radicale. D'autres pays ont compris que le meilleur investissement s'effectue au niveau des jeunes et que l'ouverture des frontières ne peut être consentie que pour ceux qui sont réellement capables de devenir des locomotives pour les équipes qui les recrutent. Des dispositions ont été prises en ce sens, mais il faudrait que ces décisions soient appliquées strictement. Indépendamment de cet aspect, la formation et l'encadrement des jeunes et de l'élite sont une affaire technique qui doit revenir aux techniciens. Et n'est pas technicien qui veut. L'empirisme qui, malheureusement est encore de rigueur, bloque bien des situations et détruit toute prise d'initiative. Ce qui le prouve est illustré par les décisions fantasques que l'on prend de temps à autre et qui surprennent plus d'un. Si le football français est devenu un des plus prolifiques pourvoyeurs de jeunes talents pour les compétitions les plus huppées, il le doit à la qualité de ses formateurs, au niveau de ses centres de formation et surtout à la programmation et aux choix des objectifs soigneusement élaborés par une direction technique véritable, agissante et incontournable. C'est dire qu'avant d'élaborer la feuille de route d'un sport, d'une sélection, il faudrait au préalable savoir à qui s'adresser, s'entourer d'hommes capables de mettre à exécution les plans échafaudés et surtout respecter ses engagements. A tous les niveaux. Pour le moment, nous avons l'impression qu'à peine les archives d'une AG rangées, on se lance en campagne pour la suivante. Il faudrait que ça change en apprenant à demander des comptes à ceux qui ne sont mus, obsédés que par les fauteuils et à écarter ceux qui n'ont pas tenu leurs promesses. Quant à la sélection, il suffit qu'on lui fournisse de bons joueurs pour qu'elle renaisse de ses cendres, qu'on mette à sa tête des hommes prêts à servir leur pays et non pas des aventuriers qui vendent des chimères à ceux qui sont toujours prêts à les écouter.