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Les années se suivent et, malheureusement, se ressemblent
On nous écrit — FICTION TELEVISUELLE
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 03 - 2018

Les spectateurs tunisiens n'en savent rien, les politiques semblent l'ignorer et la Haica ne mesure pas pleinement le désastre dans lequel verse le secteur télévisuel en Tunisie. La décision de la télévision nationale de ne pas produire de feuilletons a fait couler beaucoup d'encre ; et toutes télévisions confondues, il n'y aura, apparemment, cette année de place sur nos petits écrans que pour un seul feuilleton. Il ne reste de la fiction tunisienne que la pointe d'un iceberg dont le corps est désormais complètement noyé.
Revenons sur les productions fictionnelles des dernières années. En dehors des considérations qualitatives, nous pouvons constater que les productions suivantes sont déficitaires : «Il Risk» Hannibal TV 2015, «L'ambulance» Ettassia 2015, «Hkeyet Tounssia» El Hiwar Ettounsi 2015, «Al Akaber» Hannibal TV 2016, «Flashback S01» El Hiwar Ettounsi 2016, «Flashback S02» Ettassia 2017(*).
Le point commun à une grande partie de ces productions, le «bartering», un terme barbare pour désigner une pratique commerciale. Cette pratique, née pour (et avec) les «soap operas», est sauvagement pratiquée en ce moment en Tunisie. Il s'agit d'un concept apparu aux Etats-Unis dans les années 1930, grâce à cette pratique, l'industrie finançait des émissions radio ou télé contre de l'espace publicitaire (d'où le terme soap opera).
Cette approche peut fonctionner beaucoup plus facilement quand il s'agit d'émissions thématiques concernant le monde de l'automobile, de la décoration, du tourisme ou de la mode. Mais, quand il s'agit de fiction, les choses se compliquent. Avec la pratique du «bartering», la chaîne ne choisit pas ce qu'elle programme, elle attend qu'on lui propose un «produit» audiovisuel contre l'espace publicitaire... Je choisis sciemment de désigner «l'œuvre» comme «produit», car dans cette opération de troc, la quantité finit, qu'on le veuille ou pas, par l'emporter sur la qualité. Cette transaction est symptomatique de l'un des maux qui affligent toutes les chaînes télévisuelles en Tunisie, l'absence d'une ligne éditoriale claire. Qu'on accepte de diffuser une série, pour le simple fait qu'un producteur nous propose un troc, est une preuve évidente de l'inexistence de choix éditoriaux raisonnés et logiques. Dans ce chaos, tout est interchangeable, les séries et les diffuseurs. En réalité, le diffuseur prend des risques bien calculés, trop bien calculés même, car la plupart du temps, il ne dépense rien, ou bien peu. Le fardeau du coût de la production, et du risque, est entièrement à la charge du producteur. On peut certes rétorquer que le diffuseur a des charges, qu'il tient en vie une chaîne, qu'il supporte tous les frais pour faire exister cet espace de diffusion. J'en suis bien conscient, quelque part, c'est vrai ; mais il est tout aussi vrai que le diffuseur, en acceptant un «bartering», fait un choix par défaut. La chaîne existe et la diffusion doit être assurée, avec ou sans l'objet du troc, avec ou sans la série.
Dans la réalité des faits, le diffuseur, comme on le dit si bien dans un dicton tunisien, s'engage pour les bénéfices et se désengage de toute perte. Le poids des risques pèse entièrement sur les épaules du producteur. Figure incontournable du mécanisme de développement et de fabrication de l'œuvre, le producteur engage l'équipe artistique et technique pour donner effectivement naissance au projet. L'investissement est conséquent, les coûts dépassent souvent le (les) million de dinars (quand il s'agit de récits historiques, ou d'un nombre conséquent d'épisodes). L'équipe technique et artistique est appelée à soutenir cet effort, ces «complices» forcés de la production doivent accepter de voir différer le payement des cachets à plus tard... après encaissement des revenus publicitaires. Un plus tard qui s'éternise parfois jusqu'à devenir un jamais. La liste de production citée au début de ce texte n'est pas exhaustive de toutes les catastrophes engendrées par ce système de troc. Dans cet enchaînement de désastres, les diffuseurs font porter le chapeau aux producteurs, ces derniers à leur tour en coiffent techniciens et artistes. Les ardoises sont désormais nombreuses. Dernièrement, un fournisseur, engagé par malchance sur plusieurs des productions sus-citées, a multiplié les déficits jusqu'à la faillite. Plusieurs artistes n'osent dire leurs détresses, l'attente qui devait durer quelques mois se transforme en années, les dettes s'accumulent, l'amertume gagne du terrain... la faillite guette. Du point de vue de la production, la créativité et les créateurs deviennent une variable parmi tant d'autres, probablement la principale variable de réajustement financier.
Celui des artistes est un corps de métier délicat, ses membres ne peuvent exister en dehors de l'exercice de la pratique artistique. Cette fragilité fait de ce corps le maillon le plus faible de la machine productive. La peur de disparaître des écrans, de ne plus exister professionnellement et artistiquement les rend vulnérables aux pressions, parfois même aux chantages. Pourtant, ils représentent un véritable capital, certainement le capital principal de toute œuvre, l'investissement substantiel sans lequel rien ne peut exister. Un capital qui devient, aux mains des producteurs et diffuseurs, la principale variable de réajustements des risques financiers. Le capital-artistique est transformé en capital-risque, l'artiste devient, bien malgré lui, sujet-investisseur dans une opération déficitaire.
Voilà ce que cache la pointe de l'iceberg dont nous parlions au début de ce texte, le naufrage de l'ensemble du système de la production fictionnelle en Tunisie. Les artistes, actrices et acteurs, scénaristes, réalisateurs et techniciens créateurs, qui forment le corps de la fiction tunisienne, sont, à l'image de l'iceberg, complètement noyés.
A qui la faute ? Dans ce perfide jeu du «bartering», aussi bien le diffuseur que le producteur peuvent se cacher derrière des clauses de contrat, des variables de pourcentages, des dépenses raisonnablement ou virtuellement soutenues... La Haica peut soutenir le fait qu'elle a fait tout son possible pour élaborer des projets, essayer de réglementer... Le politique peut soutenir que les télévisions ne sont plus sous sa tutelle directe depuis qu'il n'y a plus de ministère de l'Information... Autant d'arguments qui peuvent dissoudre les fautes entre ces différentes composantes de l'échiquier, pourtant, la réalité est autre, les fautes ne se partagent pas, à chacun d'assumer pleinement ses propres fautes, mais aussi celles d'autrui. Les politiques et les télévisions ont longuement fait obstacle au travail de la Haica, les télévisions n'investissent guère à long terme, ne développent aucun projet éditorial et font porter leurs manquements aux producteurs... qui en plombent à leur tour les créatifs, artistes et techniciens. Faire supporter le poids de propres manquements et erreurs à l'art et aux artistes, c'est choisir de les alourdir d'un fardeau qui n'est pas le leur, c'est choisir sciemment de les envoyer par le fond... et jusqu'à preuve du contraire, les humains ne peuvent survivre que hors de l'eau. Il est urgent qu'une réelle régulation du secteur télévisuel puisse avoir lieu, il est nécessaire de baliser les parcours de production et de diffusion, il est fondamental de remettre au premier plan le contenu et sa forme et non pas les spéculations financières.
(*) Cette liste n'est pas exhaustive, d'autres œuvres peuvent certainement s'ajouter au catalogue des catastrophes financières.


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