A deux semaines d'un scrutin crucial, qu'on disait attendu «par l'ensemble des Tunisiens», un scrutin présenté comme celui qui permettrait de transformer leur quotidien, qui instaurerait une démocratie de proximité, une grande majorité de ceux que l'on croise restent indécis. Pour beaucoup, l'indécision n'est pas simplement dans le choix de la liste pour laquelle on va voter. Aujourd'hui, beaucoup hésitent encore à voter Comme lors des élections législatives et la présidentielle, les jeunes sont les plus touchés par le phénomène de désertion de la vie politique. A Hammamet, Aicha, 23 ans, est totalement déçue par la tournure que prend la campagne électorale. Après avoir mûrement réfléchi, elle assure qu'elle ne votera pas le 6 mai prochain. «Aucune liste n'a réussi à me convaincre, affirme-t-elle. Et le discours politique servi sous-estime l'intelligence des électeurs». Etudiante dans une grande école d'ingénieurs, Aicha trouve que c'est la loi électorale et les règles contraignantes imposées qui rendent ces élections peu intéressantes. Pour elles, les partis ont beaucoup plus cherché à remplir les conditions légales d'une liste plutôt qu'à chercher des candidats pour leurs compétences ou leurs convictions. «Moi-même, j'ai été approchée pour rejoindre des listes, explique-t-elle. Ils n'ont même pas cherché à savoir quelles étaient mes convictions ou si je partageais la même vision qu'eux». Au Bardo, Sahar, 28 ans, employée d'une agence de communication, hésite elle aussi. «En tant que jeune Tunisienne, j'hésite, et je remarque qu'il n'y a pas eu un effort suffisant de séduction en termes de communication, ni de la part des listes candidates, ni de la part de l'Isie dans la campagne de sensibilisation, ce qui me laisse sur ma faim». Pire, certains jeunes doutent même à l'avance de la transparence et de la crédibilité du processus électoral. «Je n'ai confiance ni en l'Isie, ni en les politiques», nous répond avec agacement Oussema, 25 ans, à la recherche d'un emploi. Selon lui, la participation de plusieurs ministres dans la campagne électorale, les décisions «improvisées» de l'Isie, la non-adoption du Code des collectivités locales sont autant de signes que les choses ne sont pas très transparentes. A l'Ariana, Rim, 28 ans, employée dans un établissement financier, est quant à elle déterminée à aller voter le 6 mai, malgré «la médiocrité de l'offre électorale». Séduite par la communication d'une des listes candidates, Rim est conquise. «Cette liste a su communiquer, elle a fait le buzz et sort un peu du topo classique», explique-t-elle. Bien évidemment, il n'y a pas que cela, la vision d'une «bonne ville» colle parfaitement aux propositions de la liste en question. Mais dans ce pessimisme pesant, on retrouve Fahd, seulement 19 ans, mais tellement impatient de voter. «Je suis fils unique d'une famille qui s'intéresse beaucoup à la politique depuis 2011, sans forcément adhérer à un parti, dès mon jeune âge j'ai donc baigné dans cette ambiance très politique et j'étais frustré de ne pas pouvoir exprimer ma voix», indique-t-il. Pour qui va-t-il voter ? Il ne le dit pas, il le garde précieusement, mais, paradoxalement, malgré son jeune âge, il pense que ce serait trahir le sang des martyrs que de ne pas glisser un bulletin dans l'urne.