La grande militante centriste Maya Jeribi nous a quittés, hier, à l'âge de 58 ans, après un long combat contre la maladie. Icône féminine de la démocratie, de la tolérance et de l'Etat civil, elle s'est illustrée, au lendemain de la révolution par son combat acharné contre les dérives anarchistes et les visées théocratiques qui menaçaient le modèle tunisien,sa convivialité et son islam modéré. Figure de proue du parti de gauche fondé par Néjib Chebbi, le Rassemblement socialiste Progressiste (RSP), elle accompagna volontiers ses diverses étapes allant du RSP au PDP puis au Parti Républicain, sans le moindre état d'âme, dans la lancée de son combat pour la démocratie pluraliste mené pendant de longues années sous Bourguiba puis contre Ben Ali, au journal Er-raï qu'animait Hassib Ben Ammar, Radhia Hadded, Béji Caïd Essebsi, Mounir Béji..., puis dans l'équipe d'Al Mawqaf, hebdomadaire qui, bien que partisan, s'était transformé en dénonciateur de toutes les injustices, de tous les manquements au respect des droits de l'Homme, de tous les actes anti-démocratiques ou anti-sociaux de l'ancien régime, y compris ceux visant les islamistes dont des milliers occupaient alors les prisons. Les premières armes C'est à la faculté des Sciences de Sfax qu'elle prit goût au militantisme au sein de l'Uget, alors en crise profonde depuis l'été 1971. Son combat pour les droits des étudiants la conduisit vite vers la Ligue tunisienne des droits de l'Homme puis vers l'équipe du journal Er-raï, très active, à l'époque, à divers niveaux, au sein de la LTDH. En 1983, tout en poursuivant son combat pour les droits de l'Homme, elle suivit sa sensibilité de gauche modérée et prit part à la fondation du Rassemblement socialiste progressiste (RSP) qu'a dirigé Néjib Chebbi, directeur d'Al-Mawqaf. En 2006, lors d'un congrès présenté comme «charnière», destiné à rassurer des franges plus modérées de la gauche et du centre, Maya Jeribi accéda à la tête du PDP, devenant ainsi la première femme tunisienne à présider un parti. La révolution inattendue La révolution populaire tout à fait inattendue des 17 décembre 2010-14 janvier 2011 va vite reconnaître en Maya Jeribi cette militante de toujours, présente dans tous les combats, même si le régime de Ben Ali empêchait sans cesse son parti et son journal de jouer convenablement leur rôle et de prendre place sur la scène publique. Mais un événement va accélérer quelque peu la notoriété du parti de Maya Jeribi, cinq ans avant le déclenchement de l'insurrection populaire, c'est ledit «mouvement du 15 octobre 2005» structuré autour de la grève de la faim organisée par Néjib Chebbi et diverses franges de l'opposition radicale dont, pour la première fois, des islamistes d'Ennahdha, visant à protester contre «les mensonges du SMSI», sommet mondial sur la société de l'information, organisé en grande pompe par Ben Ali. Cet événement sera la preuve d'un engagement militant majeur unitaire qui permettra de créer un lien solide avec les jeunes acteurs de la révolution. La révolution va l'adopter à 100% La révolution va ainsi adopter Maya Jeribi à 100%, plus spécialement lorsqu'elle mènera son combat contre l'islamisme radical pro-jihadiste qui s'avérera être un vaste complot international. On se souviendra longtemps de ses plaidoyers incisifs sur les bancs de l'Assemblée constituante, encerclée qu'elle était par mille discours intraitables dénaturant le statut de la femme dans notre société, niant tout rôle au citoyen dans la détermination des options futures de l'organisation sociale et politique, voulant un système figé, théocratique reniant les arts et l'imagination, interdisant l'image et la photo, traquant les innovateurs, les porteurs d'idées et les réformateurs... Grande militante contre la dictature, Maya Jeribi est élue, après la révolution, en tant que députée à l'Assemblée nationale constituante (ANC). Son rôle militant de premier ordre dans le combat historique de redressement de la Constitution, suite au sit-in du Bardo, pour en faire une Constitution de souveraineté populaire est marqué à jamais. De même que son combat, mot pour mot, pour que la femme prenne toute sa place de citoyenne égale de l'homme en droits et en devoirs. Ayant dû quitter la scène politique pour mener un ultime combat contre la maladie, elle restera incontestablement dans les mémoires, l'icône féminine des apports de la révolution.