Le «mercato». Grâce au Mondial russe qui a accaparé, ces dernières semaines, la scène et qui a quelque peu atténué la pression que vivent les clubs en cette phase charnière reliant une fin et un début de saison, qu'il faut préparer avec le maximum d'atouts, les longs débats auxquels nous sommes habitués en matière de «mercato» ne sont pas encore bien lancés. Certes, les agents de joueurs essaient de maintenir ou d'entretenir cette passion qu'ils excitent par des messages plus ou moins crédibles, et ils le sont de moins en moins, mais la «chantier» n'est pas vraiment ouvert. Il le sera après le Mondial et nous parions que les «prix» seront gonflés énormément, au cas où la prestation des nôtres sera bonne. C'est la loi du marché certes, mais il faut savoir raison garder. Reste ce minimum de réalisme et de respect de soi-même, qui ne semblent pas être les qualités les plus partagées par un milieu qui échappe à tout entendement : voilà des clubs qui connaissent des difficultés plus ou moins importantes et qui, à l'exception d'une ou deux équipes, sont dans une situation financière catastrophique et qui se préparent (du moins ils l'annoncent) à entrer en scène pour «faire le marché» et acquérir des joueurs dont la facture viendra gonfler les dettes et les enfoncer dans des passifs qu'ils ne pourront pas régler de si tôt. Mais ainsi est fait le monde du football. Notre monde du football à nous avec des statuts obsolètes, avec des clubs qui naviguent à vue et qui ne savent jamais où aller. Ailleurs, là où le football est rigoureusement contrôlé et obéit à une stricte application des lois en vigueur, cela ne se passe pas de cette manière. – Un club qui reporte le règlement de ses dettes d'une assemblée à une autre et qui ne dispose pas du minimum pour entamer la phase de préparation de la prochaine saison, est-il en état de s'engager dans ce tourbillon de ventes aux enchères avec des dés pipés à l'avance et qui risque de l'emporter vers des rivages encore plus agités ? – Un club qui dépend d'une seule personne, à l'humeur insaisissable, il peut être le plus grand magnat du monde, demeure-t-il viable et peut-il se consacrer sans état d'âme à ce «mercato», sans se soucier de son devenir ? – Un club qui est sous la menace des sanctions qui peuvent intervenir un jour ou l'autre pour non-paiement de dus anciens et qui reste suspendu au bon vouloir des uns et des autres peut-il empoigner son couffin et aller au marché pour faire emplette ? Un monde artificiel Il s'agit d'être sérieux et d'éviter de vivre dans un monde artificiel, fait d'effet d'annonces et d'artifices, qui sont le fait de conseilleurs qui ne sont jamais des payeurs. Nous aurions souhaité par exemple que tous ceux qui bavent à longueur de journée des «idées» et des «suggestions» pour allumer des foyers dans tous les coins et recoins de montrer leur savoir-faire et leur véritable «attachement» à leurs clubs respectifs, en participant effectivement à son renforcement. Tout d'abord, par un minimum de discrétion, un silence non pas complice, mais dicté par le bon sens et le désir d'être constructif. Ensuite, ils seraient bien inspirés, ces «donneurs de leçons» de prendre en charge le recrutement des éléments dont leurs clubs ont besoin sans que cela porte préjudice à sa trésorerie. Ils ne le feront pas pour une raison bien simple : ils souhaitent, tout d'abord, de tout cœur que tout aille de mal en pis pour trouver de quoi dénigrer et de tomber à bras raccourci sur ceux qui ont accepté de monter au feu. Et...ensuite, ils ne débourseront pas un sou si cela peut aider ceux qui sont en place ! Voilà le problème, car des clubs qui croulent sous les dettes, sous les yeux d'une fédération qui semble nullement s'en soucier, et d'une tutelle qui donne l'impression de ne pas être là, ont besoin d'être rappelés à l'ordre. Mais qui ira expliquer à leurs fans, toujours prêts à s'enflammer pour le résultat d'un match, et jamais soucieux de l'avenir, de l'existence même de ce club qu'ils chérissent, que leur club est en danger ? Personne. Parce que cette situation est tout à l'avantage de ceux qui n'osent point faire de vagues ou parce qu'on ne possède pas assez de courage pour prendre le taureau par les cornes et imposer les règlements d'une loi à écrire et à faire respecter. Et on vient nous parler de «mercato» pour acheter quoi et avec quel argent ? Certes, certaines équipes feront quand même leurs emplettes auprès des clubs qui ont besoin de liquidités pour survivre. Quitte que ces clubs, en cédant leurs meilleurs éléments, aillent se rafraîchir les idées en division inférieure pour se ressourcer et pleurer leur peine. Certes, il y aura toujours des dirigeants qui s'engageront encore plus loin, qu'ils ne devraient le faire pour espérer être plus forts et disputer les premiers rôles, mais ce sera au prix de nouvelles dettes et de complications futures pour l'équipe. On l'attend, mais... Ce «mercato» en fin de compte sera en petits caractères, minuscule, même si tout le monde l'attend et personne ne sait ce qu'il en fera ou ce qu'on en fera. La passion dépasse de loin les moyens. Les ambitions enflamment les cerveaux déjà fortement embués par des conditions administratives, financières et humaines particulièrement défavorables. Alors, si ces conditions extrêmement importantes ne sont pas assurées, à quoi sert-il ? Tout d'abord, et avant d'entamer ce «marché», il faudrait se poser bien des questions. La principale et surtout celle qui devrait dominer le reste de toute l'opération que les clubs engageront avec plus ou moins de ferveur est relative au pouvoir d'achat des uns et des autres. Lorsque l'on entend, à quelques semaines d'intervalle, un président de club pleurer misère, et menacer de démissionner parce qu'il est à court de fluidité, et que sans... vergogne il se positionne pour nous expliquer qu'il se propose de renforcer son effectif à l'issue de ce «mercato», nous ne pouvons que nous poser des questions. Des comportements suicidaires Par quels moyens honorera-t-il ses futurs engagements financiers? D'où amènera-t-il l'argent et comment pourra-t-il s'en tirer pour finir la saison si au bout d'un trimestre il s'était retrouvé avec des caisses vides, des joueurs en grève et une situation de trésorerie qui met à mal la crédibilité du club ? Cette tendance, malheureusement encouragée par ceux qui sont censés veiller à la viabilité des clubs, est surprenante. Elle dénote un manque de discernement qui finira, par perdre, le club et qui risque à plus ou moins longue échéance de le mettre en danger. Tous les observateurs avertis ont relevé ce comportement ...suicidaire, mais nous constatons à l'ouverture de ces périodes de transfert, cette fièvre qui s'empare de presque toutes les parties prenantes. Les garde-fous étant peu respectés ou pas du tout, c'est une véritable foire d'empoigne qui , à son terme, nous offrira un décor cauchemardesque : des joueurs achetés au prix fort ne seront pas ou presque pas utilisés, des dirigeants qui ploient sous le poids des dettes, des clubs exsangues devant lesquels les portes se ferment et bien sûr des supporters, qui n'ont rien compris parce que subjugués par les promesses, demandent maladroitement des comptes. C'est qu'au lieu d'agir dans l'intérêt de leurs clubs et de punir les dirigeants de leurs incapacités, ils sortent dans la rue ou en enflammant les tribunes, offrent un visage qui n'a absolument rein à voir avec le sport. Le monde du football change ! Pour terminer et à titre d'information, voici ce qui se prépare dans des pays qui sont autrement plus outillés que nous : «Alors que le mercato estival ouvre ce vendredi, une procédure en cours à la Commission européenne menace l'existence même du système actuel des transferts. Le patron de l'Uefa lui-même a récemment ouvert la porte à une réforme qui changerait le visage du football professionnel. Le marché estival des transferts, en France, est devenu, en effet, la pierre angulaire du football européen. Au cours des trois prochains mois, les clubs du Big 5 vont dépenser des sommes astronomiques pour se constituer l'effectif le plus compétitif possible, tenant en haleine les médias et les amateurs de ballon rond du monde entier». Mais...chut ! On dort.