Un gouvernement, des autorités monétaires ne sauraient être de simples caisses de résonance des injonctions du FMI ou de toute autre partie. Il en va en fait de la paix sociale et des équilibres stratégiques internes des partenaires sociaux. Les balayer d'un revers de la main signifie courir les risques de la conflagration sociale Des informations concordantes ont fait valoir que le FMI avait exigé une hausse du taux directeur de la Banque centrale de 300 points de base en une seule livrée. Les tranches de prêt dont nous bénéficions sont désormais déclinées par trimestre. On passe à la loupe le degré d'obéissance aux injonctions du FMI avant de consentir toute nouvelle tranche. Celles-ci portent sur le gel des augmentations salariales, la compression de la masse salariale, le glissement du dinar, la privatisation d'entreprises publiques, la levée progressive de la compensation de denrées alimentaires et de produits énergétiques, l'essence en prime, et bien d'autres choses encore La nouvelle est tombée comme un couperet la veille de l'Aïd : «Après discussion et délibération, le conseil (d'administration de la Banque centrale de Tunisie) a décidé de relever le taux d'intérêt directeur de la Banque centrale de 100 points de base, passant de 5,75% à 6,75% par an». Ledit taux avait déjà été augmenté, il y a 3 mois, en mars dernier, de 0,75 point, passant de 5 à 5,75%. Et puis après, silence total. Les autorités n'ont guère communiqué à ce propos, encore moins quelques patentés économistes de renom. On subit. Et on se tait. En fait, les hauts responsables tunisiens balaient d'un revers de la main toute critique du traitement de choc que le Fonds monétaire international (FMI) ou toute autre instance financière internationale ou régionale nous font subir. «Nous sommes allés vers eux, ils ne viennent pas chez nous de leur propre chef», ressassent-ils. Soit. Mais il n'en demeure pas moins que nous nous retrouvons en face d'eux le couteau sous la gorge en quelque sorte. Il est vrai que les incuries internes y sont pour beaucoup, y compris et surtout le surinvestissement politique en vigueur sous nos cieux depuis quelques années. L'état délabré de notre économie, l'absence de réformes économiques et sociales d'envergure, nos finances déficitaires sous tous rapports n'en finissent pas de nous fragiliser. Voire d'hypothéquer sérieusement notre marge de manœuvre. C'est-à-dire notre souveraineté. Et puis la mise en œuvre de toutes ces mesures imbriquées et compressées a un prix économique et social particulièrement coûteux. Sur le registre économique, le rehaussement du taux directeur de 175 points en moins de trois mois a de quoi intriguer. Cela grève particulièrement les investissements et les créations d'emplois qui, avec les exportations, constituent le parent pauvre de notre économie. Et cela affecte également la compétitivité de nos produits nationaux, les charges d'exploitation et les coûts de production devenant du coup de plus en plus élevés. Les petites et moyennes entreprises en pâtissent, particulièrement de la hausse subite et vertigineuse du coût des crédits. Cela se traduit inévitablement aussi par un autre palier scabreux du glissement du dinar tunisien à la baisse. Bientôt, un euro coûtera 3,2 dinars. Et il en découlera un creusement accru du déficit des balances commerciale et des paiements. Le FMI, lui, n'en a cure. Des informations concordantes ont fait valoir qu'il avait exigé une hausse du taux directeur de la Banque centrale de 300 points de base en une seule livrée. Les tranches de prêt dont nous bénéficions sont désormais déclinées par trimestre. On passe à la loupe le degré d'obéissance aux injonctions du FMI avant de consentir toute nouvelle tranche. Celles-ci portent sur le gel des augmentations salariales, la compression de la masse salariale, le glissement du dinar, la privatisation d'entreprises publiques, la levée progressive de la compensation de denrées alimentaires et de produits énergétiques, l'essence en prime, et bien d'autres choses encore. Pour le FMI, l'essentiel est d'imposer son tempo à notre économie moyennant des mesures draconiennes auxquelles nos autorités se plient comme autant de roseaux en pleine tempête. «On n'a pas le choix», nous dit-on l'air désolé. L'argument cache-misère ne tient pourtant plus la route à la lumière des dernières évolutions économiques internationales. Les Etats-Unis d'Amérique, première économie capitaliste au monde, reviennent aux vieilles recettes du protectionnisme. Le président américain Donald Trump avait relevé il y a peu les taxes sur l'acier et l'aluminium importés d'Europe et du Canada notamment. Il a carrément torpillé la dernière réunion du G7 au Canada, le G7 étant devenu, à ses yeux, l'héritier d'un système commercial jugé pénalisant pour son pays. Dans un tweet émis depuis son avion Air Force One, alors qu'il avait boycotté les séances finales du G7, il a qualifié Justin Trudeau, Premier ministre canadien, de «faible, lâche, malhonnête» ! Outre-Atlantique, le Brexit anglais fait des émules. Les euro-sceptiques gouvernent désormais en Italie. Alliés de l'extrême droite, ils préconisent tout bonnement l'abandon de l'euro. Et leur mouvance commence à faire tache d'huile en Europe. Chez nous, c'est le suivisme qui prévaut. L'Europe s'apprête à nous imposer le traité Aleca (Accord de libre-échange complet et approfondi) d'une manière univoque, à sens unique et, bien évidemment, à nos dépens. Les quatre libertés ayant présidé à la création de l'UE n'y sont guère respectées. Nos diplomates invoquent là aussi l'argument cache-misère. «On n'a pas le choix», nous redit-on l'air désolé. Il y a quelques semaines, la Jordanie avait décidé de suspendre l'accord de libre-échange avec la Turquie, conclu en 2010, en vue de soutenir les industries locales et le secteur agricole afin de renforcer leur compétitivité. Les autorités jordaniennes ont estimé que l'accord en question n'a pas atteint les résultats fixés car la balance commerciale a fortement augmenté en faveur de la Turquie. Chez nous, on maintient l'accord de libre-échange conclu avec la Turquie, à nos dépens, chiffres à l'appui. Des produits et marchandises frelatés et douteux provenant de Chine inondent nos marchés, cassent la compétitivité de nos produits, qui plus est dans les circuits de l'économie parallèle. «On n'a pas le choix», nous re-redit-on l'air désolé. Un gouvernement, des autorités monétaires ne sauraient être de simples caisses de résonance des injonctions du FMI ou de toute autre partie. Il en va en fait de la paix sociale et des équilibres stratégiques internes des partenaires sociaux. Les balayer d'un revers de la main signifie courir les risques de la conflagration sociale. Et c'est sur ce registre précis qu'il est besoin de déplorer la navrante absence de l'approche globale fondée sur l'économie politique et ses inévitables équilibres et enjeux sous nos cieux. Les techniciens bricolent tout au plus. Les bâtisseurs, eux, voient grand dans l'immensité du possible.