Concert inaugural de sa tournée tunisienne, le spectacle de Marcel Khalifa au Festival international de Hammamet marque son retour sur cette scène après 13 années. Un retour qui le ravit, car « Hammamet est intime et apte à l'échange avec le public ». Et ce fut le cas vendredi dernier, avec un artiste qui culmine au sommet d'une carrière de 40 ans, déterminé à entraîner le public dans une bonne ambiance, entre nostalgie et nouveaux horizons musicaux. Ce dernier était, doit-on le souligner, conquis d'avance, venu en nombre, toutes générations confondues, renouer ou se convertir à sa musique qui se consomme mieux en live. Rares sont les artistes, en effet, qui peuvent aspirer à une standing ovation avant même le début du spectacle, comme cela a été le cas vendredi soir. Après une entraînante intro musicale, la première chanson de la soirée a été « Ya hadi a'alees », sur les mères des martyrs, suivie de la composition « Sarkha », dédiée aux martyrs tunisiens. Le ton est ainsi donné. La soirée baignera dans la bonne humeur, mais le propos engagé de Marcel Khalifa restera intact, et fidèle à une actualité du monde arabe qui ne ravit point. Il enchaîne avec « Amar el mrayé », une chanson pour enfants qui a emporté le public à l'époque de l'ensemble El Mayadeen, de la voix complice de Oumaïma Al Khalil et des textes à la Mahmoud Darwish. Avec son habituelle exigence d'écoute, sa spontanéité étudiée et ses rappels à l'ordre bien à lui, il a taquiné le public tout en lui offrant de beaux moments de recueillement, comme celui devant son poème d'amour « Inni astafiki ». L'ambiance s'est ensuite enflammée dès les premières notes de l'incontournable « Montasiba al kamati amchi », et s'est adoucie avec « Ya bouliss el ichara ». Un programme musical qui a été présenté ainsi en alternance, tressé entre musique et chant, moments d'élévation et de jovialité. Une tresse qui se resserre par moments, se défait dans d'autres pour donner l'œuvre harmonieuse d'une soirée placée sous le signe du renouveau. Le répertoire des débuts de l'artiste, devenu un classique, est en effet, entré dans le laboratoire musical de Marcel Khalifa qui l'empêche de lasser ou de se laisser dépasser. Une œuvre à trois mains, où le pianiste virtuose et fils de l'artiste, Rami, et le talentueux percussionniste Aymeric Westrich s'emparent de ces classiques, dont l'âme reste le Oud de Marcel, pour les emmener sur un terrain plus jazz oriental et parfois même rock. Le synthétiseur de Rami Khalifa y est pour beaucoup, donnant une touche sophistiquée et expérimentale aux compositions très élaborées de son père, comme dans « Requiem », dédié aux cités arabes, qui commence, explique l'artiste, par un son funéraire pour finir sur une touche d'espoir. Un titre remarquable dans sa composition, son arrangement et son interprétation, qui renouvelle l'art de Marcel Khalifa tout lui conservant son essence engagée. Un projet qu'il a résumé lors de sa conférence de presse comme suit : « Je ne chante pas pour changer le monde, mais pour éclairer un tant soit peu l'obscurité du monde ». Une bougie dans le noir offerte à un public qui a su en maintenir la flamme. Autre moment fort de la soirée, celui où Marcel Khalifa a interprété une nouvelle chanson en tunisien, écrite par notre poète Adam Fethi et composée sur le « maqam rast », une semaine avant l'arrivée de l'artiste libanais en Tunisie. La chanson, qui célèbre les martyrs, le courage et la persévérance des Tunisiens, était principalement en arabe littéraire mais elle a fait son effet, et Marcel et Adam, qui étaient présents, ont été longtemps applaudis. La soirée s'est achevée sur trois titres de Marcel des origines : « Ommi », « Jawaz safar » et « Ya bahreya »... hela hela !