Des cas de corruption avérée, il y en a. Cela embrasse l'administration centrale et ses réseaux occultes. Cela englobe aussi les principales institutions de la Deuxième République, gouvernement et Parlement en prime. C'est un secret de polichinelle que d'y souscrire. Seulement, la guerre anticorruption semble hésitante et par à-coups La lutte anticorruption ne vise que certaines personnes, proches de rivaux du chef du gouvernement en bonne partie. En tout cas, elle ne touche jamais ses principaux alliés d'Ennahdha ou d'autres formations et sensibilités acquises au locataire de La Kasbah Visiblement, le chef du gouvernement voudrait s'adjuger, à coups d'arrestations spectaculaires et de limogeages ostentatoires, le statut de M. Propre. Mais ça ne semble pas passer aisément dans l'opinion. Certains jugent sa croisade anticorruption insuffisante, d'autres la considèrent sous le label peu reluisant de la lutte de clans et des règlements de comptes politiques, ciblant principalement des rivaux potentiels. Les récentes évolutions politiques, reconnaissons-le, fragilisent la lutte anticorruption menée d'une manière on ne peut plus ostentatoire par Youssef Chahed. Elles sont marquées du sceau de la guerre de succession, de la course effrénée vers le fauteuil présidentiel à Carthage et des luttes de palais, de clans et de coteries. Il y a désormais deux pôles antagoniques, même s'ils se vouvoient volontiers en anglais et se tirent les uns sur les autres à boulets rouges. D'un côté, Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nidaa Tounes, principal parti de la majorité gouvernementale, qui plus est le fils du président de la République. De l'autre, le chef du gouvernement et ses séides. Avec, entre les deux, une infinie palette de positionnements intermédiaires intéressés dans la plupart des cas. Des cas de corruption avérée, il y en a. Cela embrasse l'administration centrale et ses réseaux occultes. Cela englobe aussi les principales institutions de la Deuxième République, gouvernement et Parlement en prime. C'est un secret de polichinelle que d'y souscrire. Seulement, la guerre anticorruption semble hésitante et par à-coups. Youssef Chahed l'avait annoncée, au deuxième titre de ses priorités, lors de son discours d'investiture il y a deux ans, après la lutte antiterroriste. Seulement, il a fallu attendre près de neuf mois pour que, le 23 mai 2017, le chef du gouvernement procède à des arrestations spectaculaires sous l'égide de la loi d'urgence de 1978, avant que la justice ne prenne le relais. Elles avaient touché des milieux d'affaires notoirement connus dans les zones grises et opaques des réseaux politiques occultes et des interférences affairistes pour le moins douteuses. Puis, rien à signaler sous les tropiques, avant que les limogeages du ministre de l'Energie et de ses principaux collaborateurs, avant-hier, ne révèlent de très forts soupçons de corruption dans les secteurs du pétrole et des énergies. Et, comme en mai 2013, Youssef Chahed a fait une brève apparition avant-hier devant des médias sélectionnés, aux abords du palais du gouvernement, pour réitérer que personne n'est à l'abri de la lutte anticorruption. Soit, se dit-on à part soi. Seulement, il y a cette impression d'inachevé, de non-dit et de sélectivité abusive. La corruption touche de nombreux secteurs gouvernementaux, des ministres, des secrétaires d'Etat, des directeurs généraux. Elle déborde sur nombre de parlementaires, de dirigeants de partis de la coalition gouvernementale, de hauts commis de l'Etat. Toutefois, la lutte anticorruption ne vise que certaines personnes, proches de rivaux du chef du gouvernement en bonne partie. En tout cas, elle ne touche jamais ses principaux alliés d'Ennahdha ou d'autres formations et sensibilités acquises au locataire de la Kasbah. D'où un certain scepticisme que nourrit la mécanique décousue de la guerre anticorruption de Youssef Chahed. Or la guerre, toute guerre, doit obéir à une stratégie claire que traduisent des tactiques enchevêtrées, successives et exhaustives. Autrement, il y a l'enlisement, puis la routine, puis le doute et la déroute. A cause de sa sélectivité dans sa guerre anticorruption, M. Youssef Chahed n'arrive guère à endosser l'armure du combattant à toute épreuve. Comme on lui prête aussi des ambitions en vue de l'élection présidentielle de 2019, il y a fort à craindre que cette guerre décousue et sélective ne nourrisse ses propres ambitions. Toute poursuite des corrupteurs est la bienvenue, à charge toutefois que la lutte anticorruption ait le caractère générique de la loi qui est, par essence, impersonnelle et générale. On ne le redira jamais assez, la liberté du plus fort opprime et la loi protège.