Un séminaire stratégique s'est tenu sur le thème «quel avenir pour les retraités?». Cet événement organisé par l'Institut tunisien des études stratégiques et la fondation Konrad Adenauer Stiftung a donné la parole aux acteurs principaux du régime tunisien des retraites afin d'engager une réflexion sur la crise des caisses et émettre des recommandations pour une sortie de crise. En Tunisie, où l'âge de départ à la retraite est fixé à 60 ans, le nombre de personnes ayant 60 ans et plus est passé de 9% de la population en 2004 à presque 13% en 2018. Il est prévu que ce nombre s'élève à 18% en 2030. L'espérance de vie en Tunisie est de 74 ans pour les hommes et de 78 ans pour les femmes, selon les données de l'OMS de 2016, alors qu'elle était de 72 ans pour les Tunisiens et 76 ans pour les Tunisiennes en 2008. On assiste donc à une augmentation de la durée de vie espérée, ce qui explique l'augmentation du taux des personnes âgées et par conséquent des retraités dans la population. Transition démographique Suite au planning familial mis en place dans les années 1960, la Tunisie fut considérée dès les années 1990 comme un des rares pays africains à avoir achevé sa transition démographique. Cette fin se conclut par l'émergence en Tunisie à partir des années 1990 d'un taux de fécondité relativement bas, puisque le nombre moyen d'enfants par femme est passé de 6 dans les années 1950 à environ 2 aujourd'hui. La fin de la transition démographique du pays implique cependant l'émergence de nouveaux défis, tels que l'augmentation rapide des retraités au sein de la population, le vieillissement général de la population, l'augmentation des dépenses de santé et des versements de retraites à destination de la nouvelle population de personnes âgées et d'une difficulté accrue à renouveler la population active. Cette augmentation du nombre de personnes âgées et des dépenses qui leurs sont liées, couplée à une population active qui peine à se renouveler et à entretenir le bon fonctionnement de l'économie du pays, engendre alors des coûts supplémentaires qui ne peuvent plus être équilibrés par la création de richesse de la population active. Cette situation a alors pour conséquence une paupérisation des retraités et des personnes âgées qui n'ont pas les moyens de subvenir à leur besoins (financiers, médicaux, …). Ces données mettent l'Etat tunisien devant deux problématiques majeures : comment subvenir aux besoins de ces nouveaux retraités? Et comment transformer cette population en force productive et en atout pour l'économie tunisienne ? Explosion des dépenses La Tunisie est dotée d'un système de sécurité sociale qui n'a cessé d'évoluer au fil des décennies. En 1953 a été créé le premier régime de sécurité sociale instituant un régime de retraite. Aujourd'hui, ce système est géré par deux caisses placées sous la tutelle du ministère des affaires sociales qui sont la Caisse Nationale de sécurité sociale (Cnss) pour le secteur privé et la Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale (Cnrps) pour le public. La Cnss gère neuf régimes de pension dont le régime des salariés non agricoles (Rsna), le régime des salariés agricoles (RSA) et le régime des salariés agricoles amélioré (Rsaa). Les deux caisses, qui étaient excédentaires jusqu'à la fin des années 1990, ont commencé à enregistrer un déficit à partir de 2005 pour la Cnrps, et de 2006 pour la Cnss. Entre 2006 et 2016, le déficit de la Cnss a été multiplié par sept, passant de 68 millions de dinars à 470 millions de dinars. Quant au déficit de la Cnrps, il a été multiplié par quatorze pour la même période, passant de 38 millions de dinars à 529 millions de dinars. L'Etat tunisien a ainsi dû débourser 500 millions de dinars en 2017 pour combler le déficit et garantir le paiement des pensions des deux caisses. Les derniers retards de paiements des pensions des retraites et le gel de leurs augmentations attestent des difficultés rencontrées par ces institutions aujourd'hui. Il y a lieu de souligner que le nombre des pensionnés a augmenté à un rythme supérieur à celui des actifs. De ce fait, le ratio moyen actifs/ retraités a baissé pour passer au niveau de la Cnrps de 7 actifs pour 1 retraité en 1991 à 2,5 actifs pour 1 retraité actuellement, augmentant ainsi les dépenses de retraite à un rythme supérieur à celui des recettes.