La Chambre syndicale du photovoltaïque conteste une fiscalité en défaveur de la transition énergétique Le gouvernement a décidé de passer la vitesse supérieure dans le processus de transition énergétique, et ce, en fixant un objectif d'une production de 1.000 mégawatts photovoltaïques d'ici 2020. Cette mesure permettra à l'Etat de s'affranchir, relativement, de l'emprise du cours du pétrole tout en assurant une économie d'environ 2 millions de barils de pétrole, selon les professionnels du photovoltaïque Le projet de loi de finances 2019 continue à susciter la polémique. Il s'agit, cette fois-ci, de l'article 23 relatif à la fiscalité des panneaux photovoltaïques. En effet, afin d'atteindre le cap de 1070 mégawatts de production photovoltaïque d'ici 2020, le gouvernement a proposé, dans le cadre du PLF 2019, de baisser les droits de douane sur les panneaux photovoltaïques de 30% à 15%. Il a également proposé de généraliser le taux de TVA de 7% imposable aux panneaux locaux à tous les panneaux pour inclure les panneaux photovoltaïques. Cependant, la commission des finances relevant de l'ARP s'est opposée aux propositions du gouvernement en votant pour la suppression de l'article 23. Pour cause : protéger l'industrie locale des panneaux photovoltaïques. Considérant cette mesure comme un faux pas, notamment avec la volonté affichée du gouvernement d'accélérer le processus de transition énergétique, la Chambre syndicale du photovoltaïque (Ccpv) relevant de l'Utica a contesté la décision de la commission des finances au sein de l'ARP. Elle revendique, dans une première étape, la baisse des taux imposables aux panneaux importés. L'objectif ultime est de lever entièrement les barrières douanières et l'imposition de la TVA. À cet effet, le président de la Cspv, M. Ali Kanzari, a tenu hier, au siège de l'Utica, une conférence de presse, où les membres de la chambre syndicale ont expliqué les éventuelles répercussions négatives sur un secteur désormais morose. Un énorme manque à gagner Pour sortir du cercle vicieux du déficit énergétique dans lequel la Tunisie ne cesse de s'enliser d'année en année, le gouvernement n'a pas d'autre issue que la production des énergies alternatives, notamment solaire, a affirmé le président de la Cspv. En effet, le déficit énergétique s'élève à 4 684 millions de dinars contre 2 700 millions de dinars enregistrés l'année dernière. Il représente ainsi 33% du total du déficit commercial. Les subventions à l'énergie pourraient dépasser les 4.000 millions de dinars d'ici la fin de l'année. Une somme colossale, notamment si l'on prend en considération la somme totale allouée aux subventions à l'énergie qui ne doit pas dépasser les 2.700 millions de dinars, soit 2,5% du PIB. C'est sur fond de crise énergétique que le gouvernement a fixé un cap de 1.070 mégawatts de production photovoltaïque opérationnelle, souhaitant ainsi passer à la vitesse supérieure dans le processus de transition énergétique. La production de 1.000 mégawatts photovoltaïques permettra à l'Etat de s'affranchir de l'emprise du cours du pétrole en assurant une économie d'environ 2 millions de barils de pétrole, soutient M. Kanzari. En sachant que la production photovoltaïque prévue par le gouvernement, dans les deux prochaines années, est répartie comme suit : 500 mégawatts avec le régime des concessions, 130 mégawatts dans le cadre de l'autoproduction, 140 mégawatts dans le cadre du régime des autorisations et 300 mégawatts à réaliser par la Steg. M. Ali Kanzari a expliqué que les droits de douanes ainsi que le taux de TVA imposés aux panneaux importés freinent, sensiblement le processus de transition énergétique en Tunisie, et impactent négativement d'une manière directe la compétitivité de l'industrie tunisienne. Dans le même contexte, M. Ahmed Kammoun, membre de la Cspv, a souligné que la tarification de l'électricité photovoltaïque en Tunisie est la plus élevée au monde. En effet, le prix d'achat en Tunisie avoisine 1,200 dinar par watt-crête, soit entre 0,4 et 0,5 dollar le watt- crête contre un prix d'achat dans le monde aux alentours de 0,25 dollars par watt-crête. Cette tarification élevée impute essentiellement aux droits de douane imposés sur les panneaux photovoltaïques importés, affirme-t-il. «Il est à noter que la production photovoltaïque permet, éventuellement, de produire l'électricité avec un coût très faible, soit à peu près le quart de la production de l'électricité conventionnelle. Cependant, en ajoutant ces fortes impositions, la rentabilité de la production de l'énergie solaire, notamment pour les industriels, passe de 6 à 8 ans. Une durée qui dissuade les industriels de s'orienter vers les énergies photovoltaïques», déplore M. Kammoun. Par contre, une offre de 0,255 dinars par kilowatt avec un retour sur investissement d'une durée de 6 ans, conjuguée à la possibilité de subvention qui s'élève à 200 mille dinars, outre les lignes de crédits mises à la disposition des industriels par les bailleurs de fonds à l'instar de la Berd, la BEI, AFD, etc. s'avère un marché gagnant pour les industriels, si on fait baisser les droits de douane, soutient-on. Faible capacité de production des assembleurs locaux Voter contre l'article 23, est-il en mesure de protéger l'industrie locale des panneaux photovoltaïques ? La réponse est non, selon les membres de la Cspv relevant de l'Utica. En effet, la Tunisie compte quatre producteurs de panneaux photovoltaïques. Ce sont des unités d'assemblage où la matière première, essentiellement les cellules photovoltaïques, est importée avec exonération de droits de douane. M. Mohamed Zeghal, entrepreneur et membre de la Cspv, a souligné la faible capacité de production de ces unités de production de panneaux photovoltaïques. « Tout d'abord, il faut clarifier qu'il ne s'agit pas d'unités de production de panneaux photovoltaïques, mais plutôt d'unités d'assemblage. Le taux d'intégration de ces unités ne dépasse pas le 8%. Peut-on parler d'industrie locale avec un tel taux d'intégration ?», a fait savoir M. Zeghal. De son côté, le président de la Cspv a affirmé que la capacité totale de production de ces unités locales ne dépasse pas les 100 mégawatts par an. Ce qui est très peu par rapport au cap des 1.070 mégawatts fixés par le gouvernement d'ici 2020. M. Ali Kanzari a affirmé que la Tunisie dispose d'un total de 304 installateurs agréés par l'Anme. Un tissu service non négligeable. Par ailleurs, il a expliqué que tous les pays à travers le monde, y compris des pays de la région Mena comme la Jordanie, se sont ouverts à l'importation des panneaux photovoltaïques. «Des pays en Europe comme l'Allemagne, ont levé les barrières douanières pour accélérer leur transition énergétique. Notre pays est parmi les plus ensoleillés au monde, nous ne pouvons pas continuer à nous fermer et imposer des taux très élevés, surtout si l'on sait qu'actuellement, des Asiatiques produisent à très faible coût les panneaux photovoltaïques et que les imposables représentent 60% du coût total de la production photovoltaïque», ajoute-t-il. Il a souligné que les installateurs tunisiens ne sont pas des importateurs, mais plutôt des garants de la qualité.