La décision de l'arabisation des enseignes commerciales rappelle les inquiétudes émises par plusieurs observateurs lors de l'adoption à l'ARP de la loi sur le Code des collectivités locales (CCL) concernant le principe de la libre administration des affaires locales… La décision prise dernièrement par la mairie de la ville de Tunis que préside Souad Abderrahim concernant l'arabisation des enseignes commerciales n'a fait qu'enfler le débat autour de l'utilité de cette initiative et surtout son timing au moment où les nouveaux conseils municipaux issus des dernières élections n'arrivent pas encore à satisfaire les moindres besoins des citoyens et faire face aux multiples défis de la gouvernance locale en rapport notamment avec la propreté de la ville, la lutte contre le phénomène des étals anarchiques, la préservation et la revalorisation du patrimoine culturel, archéologique et historique, la création d'espaces verts et tant d'autres questions prioritaires. Une décision clivante mais bien assumée par le conseil municipal qui évoque l'article 39 de la Constitution qui dispose que l'Etat veille à la consolidation de la langue arabe, sa promotion et sa généralisation. Souad Abderrahim explique que la décision a été unanimement adoptée par les membres dudit conseil sans objection aucune. Et quid de certains principes constitutionnels que le nouveau Code des collectivités locales (CCL) doit impérativement concrétiser, dont principalement la démocratie participative et la gouvernance ouverte qui sont étroitement liées au pouvoir local? On ne sait quoi répondre, mais cela rappelle bien les inquiétudes émises par plusieurs observateurs avant l'adoption à l'ARP de la loi sur le CCL concernant le principe de la libre administration des affaires locales. Il est vrai que la décision de l'arabisation n'est pas un fait nouveau et elle remonte à l'année 1996, date à laquelle l'ancien président déchu a riposté contre les campagnes menées contre lui à partir de la France en tentant de mettre en quarantaine la langue de Molière et en décidant d'arabiser l'administration à partir de l'an 2000. La contre-attaque de Ben Ali n'a pas épargné à cette époque les commerçants qui furent appelés à se conformer à la nouvelle réglementation. Plus de 18 ans après, la même décision renaît des cendres dans un autre contexte politique marqué, il faut le signaler, par la liberté d'expression mais aussi les clivages politiques et la volonté des parti(e)s s'activant à renforcer l'identité arabo-musulmane dans un pays dont l'histoire est viscéralement liée à Carthage et à la reine Didon, un pays longtemps attaché à l'ouverture aux autres cultures. Tunis, capitale touristique par excellence Mais au-delà de ces considérations, la traduction des enseignes, qui pose un réel problème, a exposé la décision de la municipalité de Tunis à la risée de certains observateurs, mais surtout des internautes qui ont retrouvé à cette occasion le sens de l'humour qui caractérise les Tunisiens même dans les moments d'épreuve et d'adversité. Par ailleurs, Kamel Idir, membre du Conseil municipal de Tunis qu'on a contacté à cette occasion, s'est excusé de ne pas pouvoir donner son avis en raison de son absence lors de la prise de cette décision. « Je ne sais pas s'il y a eu un réel débat autour de la question ou pas », a-t-il ajouté. Il a toutefois insisté sur l'importance d'utiliser et l'arabe et le français pour les enseignes commerciales et de prendre en compte aussi la nationalité des touristes qui visitent notre pays et dont le nombre a atteint l'année dernière 8 millions. Car Tunis demeure une capitale touristique par excellence. A cet effet, Kamel Idir a fait savoir que la plupart des enseignes qui existent actuellement sont déjà écrites dans les deux langues suite à la décision antérieure prise dans les années 90. Il a conclu que la décision de la municipalité de Tunis ne va pas changer grand-chose et que la Tunisie est un pays arabe ouvert, d'où la nécessité d'utiliser les deux langues pour les enseignes commerciales. Les arguments évoqués par la présidente de la municipalité sur les ondes d'une radio privée ne sont guère convaincants, mais tant d'autres facteurs et immixtions, que d'aucuns n'ignorent, s'entrecroisent pour aboutir à la prise de telles décisions, commentent les détracteurs de la maire de la ville de Tunis qui, de son côté, s'étonne de la polémique créée à cet effet. En attendant, les traducteurs risquent de laisser des plumes dans cet exercice auquel ils ne sont pas habitués.