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Deviens ce que tu es !
La Presse Lettres, Arts et Pensée : Théâtre - Crayonné au théâtre
Publié dans La Presse de Tunisie le 05 - 11 - 2010

«Homme, deviens ce que tu es !». Cette injonction des pythiques de Pindare (2, 72), que cite Nietzsche sans cesse dans Le Gai savoir, dans Ecce Homo et dans pratiquement toute son œuvre, cherche désespérément à nous inciter à croire que le passé n'est pas derrière, mais qu'il est bien au contraire devant nous. En ce sens, l'être ne devrait pas se penser selon une vision temporelle linéaire, mais circulaire. Pour devenir, il faut savoir être ce qu'on a toujours été. Pour le savoir, il faudra partir en quête de cette identité éternelle, de ce qu'on a été de toute éternité. La vie n'est que cette aventure de recherche de soi-même. Etre acteur de théâtre, c'est chercher à le devenir ; or, on ne le devient que si l'on est déjà acteur. Sans ça, on peut courir les classes et les écoles, suivre tous les cours de formations du monde, on ne sera jamais cet acteur, encore moins ce grand acteur. Faut-il donc le dire‑? Etre acteur est une vocation. C'est par conséquent une histoire de voix. Et de voie, de chemin de croix, de sacerdoce, d'itinéraire sacrificiel. La formation sans la vocation est pure perte, peine perdue. Mais qu'est la vocation sans la formation ? Elle est toujours manquement à l'être‑; elle rate à tout coup son être : bref, elle ne se révèle pas ; elle reste à l'état virtuel. Elle existe en puissance et ne pourra jamais se réaliser, devenir au sens propre réalité.
La déclaration
Deviens ce que tu es : ce qu'on découvre en vivant (ou même en suivant des cours de formation d'acteur), ce ne sera au fond que ce qu'on a pu construire et créer au cours de sa propre existence : l'identité (être acteur) est une projection dans l'avenir, un projet (rêve d'acteur). Mais ce projet est une réalisation de l'être passé, prévu, programmé dès la naissance ou peut-être même avant. Disons que l'identité conjuguée au futur, ne se découvrant que dans l'avenir, et par l'avenir, est une redécouverte in fine de notre être profond et authentique, une révélation de ce qu'on a toujours été sans jamais pouvoir le savoir. S'il faut dire ça en langage sartrien, on dira que seule l'existence met au jour l'essence. Ce qu'on rêve d'être est notre être profond : c'est notre être rêvé. Pour connaître sa propre «nature», il n'est pas d'autre voie que celle qui passe par l'épreuve des jours et du temps. Seuls les jours et nos œuvres libéreront notre être réel et profond qui n'a rien à voir avec la persona (en grec, masque) : «Connais-toi toi-même et tu connaîtras les cieux et les dieux», dit l'inscription sur le fronton de Delphes reprise par Socrate. Il n'y a pas, en effet, d'autres voies. Il faut écouter la voix de Delphes. Toute bonne éducation initie l'apprenant à se mettre sur la voie de cette écoute de soi, de découverte de ses propres capacités.
Il n'est pas de bonne pédagogie qui ne soit prospection de ses propres facultés. Une école qui n'enseigne pas les moyens et les méthodes par lesquels l'être profond se dévoile et s'éclore est bonne à jeter dans les ornières. L'être se déclare‑? L'être, comme Electre, dit Jean Giraudoux dans Electre se déclare. Toujours. Ce sont là des principes généraux de tout projet de formation. Ces principes sont-ils valables pour la formation artistique et théâtrale ? Ils le sont sans doute.
La vocation
Ces principes et valeurs sont valables et valides car qu'est-ce former théâtralement quelqu'un sinon le conduire à emprunter les voies susceptibles de lui révéler son être authentique, de l'éveiller à sa vocation, de le pousser à reconnaître et à entendre enfin sa propre voix par lui jusque-là non entendue ?
Prenons cette question de la formation d'acteur qu'on pose et repose tout le temps, à chaque nouvelle ère ou décennie ! Il est évident que la meilleure formation est certainement celle qui réussit à doter le futur comédien des moyens intellectuels, éthiques et techniques capables de le rendre, de le restituer à lui-même. Au fond, il ne s'agit pas moins d'essayer de lui faire perdre sa personnalité d'emprunt, de l'aider à se débarrasser de tout ce qui, en lui, est inauthentique. Si l'art est le domaine de l'authentique, alors la formation d'acteur est certainement un art authentique de l'authentique : l'authenticité est son idéal, la vérité de l'être son ciel. Elle est la fin et le moyen, la raison d'être de son être.
Cependant, les écoles ne sont après tout qu'une voie entre plusieurs autres chemins de connaissance possibles pour réussir à se connaître, pour découvrir son être profond, pour savoir ce que nous sommes, saisir notre nature, identifier notre identité et déterminer notre nature : pour accéder à notre vocation. Au risque de se répéter, soulignons de nouveau que cette vocation n'est pas devant ; elle est plutôt derrière nous. Elle est en nous, comme en puissance, comme virtuellement. Elle n'attend que sa révélation. Elle est là, prête à se découvrir, se dévoiler et surgir au grand jour, en pleine lumière. Les meilleures techniques d'enseignement théâtral sont celles qui ne transmettent pas uniquement des connaissances mais qui apprennent à l'apprenti comédien des éléments de méthodologie par lesquels il réussit à se dépasser et à se surpasser continuellement, à dépasser perpétuellement ses propres limites, bref à se transcender. Plus qu'un savoir, la formation d'acteur est un savoir-faire mais porté par et vers une éthique du dépassement continuel. C'est une pratique qui a pour morale une morale du dépassement : il ne s'agit pas moins que d'éprouver ses propres limites et de les déporter toujours plus loin. C'est pour ça qu'on ne forme que celui qui est disposé consciemment ou non à se former. C'est pour cela aussi qu'on ne peut pas former un acteur qui n'a pas la vocation. Cette vocation, répétons-le, peut fort bien être méconnue de la part même de l'apprenti-acteur.
Elle finira bien un jour par s'exprimer. Impossible que cette vocation ne puisse se déclarer quelque jour de quelque façon. C'est comme un gène : tout l'individu est virtuellement ce gène. C'est comme une graine : toute la future plante est dans cette graine. De cette existence en puissance, viendra un jour où elle viendra à quelque existence en acte, une existence non plus virtuelle mais effective et actuelle.
Les chemins des écoles
Ceux qui prétendent qu'on ne forme pas vraiment un acteur et surtout pas un bon et grand acteur, encore moins un acteur de génie, ont bien raison par certains côtés.
En effet, s'il existait vraiment des recettes, on les aurait apprises et appliquées et l'on se serait tiré d'affaire depuis une éternité. La terre entière serait peuplée de génies dans le jeu d'acteur. Si l'on n'est point voué, si l'on n'est pas doué, ce sera peine perdue : aucune formation au monde ne pourrait créer ce qui ne peut être créé ni faire être ce qui ne peut être. La vocation, le don sont absolument indispensables. Ce sont des conditions nécessaires, peut-être pas suffisantes mais nécessaires. La formation (écoles et instituts, académies et compagnies) aide à être, mais ne fait pas être ce qui ne peut être. Aucune technique d'enseignement ne saurait réussir cette tâche impossible de faire naître un grand acteur. D'autant plus qu'il n'y a pas un seul modèle de formation, mais plusieurs. La formation est devenue de nos jours très diversifiée et très variée. Il y a autant de méthodes de formation d'acteurs qu'il y a de théâtres. Chaque technique et chaque style de formation restent par conséquent tributaires de la vision théâtrale dont ils procèdent. Certes, il peut arriver qu'un modèle (ou style) de formation domine à une époque donnée, mais il n'y a jamais un seul modèle canonique, généralisable et valable pour tous les genres de théâtre imaginables. Et puis les modèles d'enseignement et les modes de formation évoluent et changent avec le temps. Rien n'est immuable. Tout est écrit sur le sable. Et pour cause : le théâtre, cet art de l'éphémère, ne cesse de changer et de se métamorphoser.
La relativité des régimes et des styles de la formation d'acteur est donc indéniable et irrécusable. Après tout, comment prétendre pouvoir apprendre à tous des techniques et des styles de jeu généralisables et valables pour tous quand chaque acteur est unique en son genre : n'est-il pas un corps, une voix et un cœur spécifiques, à nuls autres pareils ? N'est-il pas une île ? Comment apprendre aux îles ? Chaque acteur est une espèce à part. Exception, c'est en apprenant à être cet être d'exception qu'il peut rêver être cet acteur de génie s'il est bien sûr écrit quelque part, dans le ciel ou dans la mer, sur les nuages ou sur le sable, qu'il est un acteur de génie. Certes, il mettra ce qu'il faudra pour le savoir, mais il le saura et le sera sûrement un jour ou l'autre. Il deviendra ce qu'il est. Qu'est l'impossible‑? Manquer sa vocation. Même si l'on ne va pas à l'école, la vie, ô Lamine Nahdi !se chargera de vous faire être ce que votre vocation ne cesse de vous convoquer à être: devenir ce que ce que vous êtes.


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