Hamma Hammami, le candidat du Front populaire dit « naturel » pour la présidentielle et qui est également le porte-parole de cette coalition de onze partis ainsi que de quelque associations et personnalités politiques de la gauche radicale et du nationalisme-arabe, semble, cette année-ci, devoir entrer en concurrence avec l'actuel président de la commission parlementaire des finances, Mongi Rahoui. Sachant que ce dernier appartient au Parti des patriotes démocrates unifié, alors que Hammami est le secrétaire général du Parti des travailleurs. Cette mise en concurrence inattendue entre deux figures de proue de la gauche idéologique a été déclenchée suite à la tenue, il ya trois semaines, du Comité central des « watads » groupant 111 membres. Le communiqué final rendu public par cette instance, qui est la plus haute entre deux congrès, annonçait que ce parti avait décidé de proposer, en qualité de candidat à l'élection présidentielle, au nom du Front populaire, Mongi Rahoui qui, faut-il rappeler, n'est pas le secrétaire général du parti watad, poste qu'occupe Zied Lakhdhar, depuis l'assassinat de Chokri Belaïd. Qui désigne le candidat ? Le candidat du Front populaire à l'élection présidentielle est normalement désigné par l'instance supérieure du Front populaire, laquelle groupe tous les secrétaires généraux des 11 partis formant le Front. Cette élection n'a eu lieu qu'une fois depuis la révolution populaire, ce qui fait qu'on ne peut pas vraiment parler de tradition, mais Hamma Hammami a toujours été là en tant que candidat et en tant que porte-parole, même si les watads se sont pris, depuis quelques mois, à critiquer cet état de fait, parlant de la nécessité d'introduire une certaine alternance à ce niveau. Que va-t-il donc se passer ? Personne n'est en mesure de l'affirmer puisque c'est un cas de figure inédit mais, jusque-là, ce type de décision de même que les grandes positions engageant le Front populaire ont été prises à l'unanimité par l'instance de direction groupant les secrétaires généraux, à partir d'une simple proposition n'ayant souvent pas de contradicteur, même si les débats étaient, par la suite, parfois très chauds. Comment va-t-on donc procéder cette fois-ci ? Il est important de noter que les Watads n'ont pas, à ce stade, l'intention de forcer la main à la direction du FP mais juste de proposer un candidat à la candidature qui entrerait d'office en concurrence avec le ou les autres candidats qui viendraient à être suggérés. Reste à définir ou redéfinir la méthode. Et les Watads ne voudraient pas que l'on oppose un candidat « naturel », qui est Hamma Hammami, à une « proposition inattendue et inhabituelle ». Mieux, les Watads insistent sur l'intérêt de voir la désignation du candidat à l'élection présidentielle être l'occasion d'une « démocratisation réelle du débat » au sein du Front populaire, voire d'une radicale restructuration et réorganisation démocratique qui puisse donner à cette coalition de la vigueur et de la présence effective, comme une véritable force de proposition capable de « peser enfin » au sein de l'opinion et de la société civile et de devenir, à ce titre, un agitateur d'idée en leur sein. Et pourquoi pas procéder à un sondage totalement libre en guise de primaire parmi l'ensemble des adhérent de tous les partis de la coalition, et même pourquoi pas ouvert à tous le citoyens qui le voudraient ? Changer de stratégie Tout cela pour dire que les Watads en appellent à un changement de stratégie de nature à octroyer au FP un nouveau rôle plus dynamique et plus concret, qui sache dépasser le simple positionnement de principe qu'entretient cette coalition depuis sa naissance en 2012 avec ses traditionnels « non », s'appuyant tout de même sur un bon groupe parlementaire qui entretient convenablement le débat mais sans vraiment peser sur la décision. « Un ministrable » potentiel Cette revendication analytique des Watads n'est pas le fruit du hasard, elle et la quintessence d'un débat intellectuel très présent chez eux et que la proposition faite par Youssef Chahed à son arrivée à La Kasbah de hisser Rahoui à un poste ministériel à conforter. Maintenant, qui donc a précédé l'autre l'œuf ou la poule ? C'est-à-dire est-ce que Rahoui est aujourd'hui un « candidat à la candidature » parce qu'il a acquis au yeux du chef du gouvernement une stature de ministrable ou est-ce du fait que son statut de ministrable, malgré son refus, ait octroyé aux Watads l'opportunité et l'ambition de jouer un rôle dynamique dans l'activation de la scène politique nationale ? Quoi qu'il en soit, le dénouement reviendra à l'instance de direction du Front populaire ainsi, bien entendu, qu'au comité central du Ppdu.