Le ministère de l'Education a publié, le 15 mars dernier, un communiqué dans lequel il rappelle certaines dispositions du décret gouvernemental réglementant l'organisation des cours particuliers. Les autorités n'ont cessé, depuis des années, de faire des annonces selon lesquelles ce phénomène va être éradiqué. La dernière formule-choc nous vient de l'actuel ministre qui s'est engagé à « déclarer la guerre » à ces cours. Mais jusqu'à l'heure actuelle rien n'a été fait. Lors de son bras de fer « historique » avec les syndicats de l'enseignement, l'ancien ministre Néji Jalloul n'a pas réussi à mettre fin aux cours particuliers qui continuent de façon anarchique. Mais il ne faut pas se leurrer. Il ne faut pas prendre ce que disent les officiels pour argent comptant. Nous sommes habitués à ce genre de déclarations faites sous la contrainte ou à la faveur d'une conjoncture particulière. Abus et dépassements Il est vrai que les parents se plaignent du poids de cette charge qui grève leurs budgets et leur occasionne de nombreux problèmes dans leur vie de tous les jours. S'ils ont recours à ces cours de soutien c'est pour des raisons objectives parmi lesquelles la baisse flagrante du niveau des cours dispensés dans les établissements publics, les absences insupportables et répétées d'un grand nombre d'enseignants et les incitations de certains de ces enseignants aux élèves pour s'inscrire à ces cours. Il est vrai, aussi, que certains parents veillent à ce que leurs enfants aient un niveau d'excellence et, par conséquent, n'hésitent pas à payer la note. La persistance de ce phénomène n'est, donc, pas due à une partie plutôt qu'à une autre. Cela arrange tout le monde. Ce qui pose problème, ce sont, surtout, les abus qui en découlent. Les tarifs pratiqués, notamment, pour les matières principales ou les conditions dans lesquelles se déroulent les séances des cours. Bien sûr, les derniers événements concernant les agressions contre des élèves à Sfax par leur instituteur ont été le signal qui a déclenché ce mouvement de rejet et de désapprobation. C'est pourquoi il ne faudrait pas s'attendre à des mesures spectaculaires visant à remettre de l'ordre dans ce secteur d'enseignement parallèle. Il faudrait, non pas des lois, mais une stratégie intégrale pour parvenir à obtenir de vrais résultats. Le décret gouvernement de 2015 n'a pas fait bouger les lignes. C'est comme s'il n'existait pas. Tout se passe en dehors des cadres fixés par ce texte de loi que personne ne respecte ou applique. Certes, au début, il y a eu une période d'observation de la part des uns et des autres pour voir ce qu'il serait possible de faire. Puis tout le monde a continué à organiser des cours comme si de rien n'était. Quand on regarde les termes et les articles du décret gouvernemental n° 2015-1619 du 30 octobre 2015, fixant les conditions d'organisation des leçons de soutien et des cours particuliers au sein des établissements éducatifs publics, force est de constater qu'il a, en théorie, recouvert tous les aspects de la question. Une opportunité pour les diplômés chômeurs Dans la réalité, personne n'en a cure. Qui, d'ailleurs, se soucie des objectifs fixés dans l'article premier (assurer la réalisation des objectifs éducatifs de ces leçons et aider l'élève à renforcer ses capacités cognitives, consolider ses acquis et améliorer sa formation) ? N'est-ce pas l'argent qui constitue le motif essentiel de ces cours ? En outre les articles 6 et 7 insistent sur le fait que « les cours particuliers sont organisés au profit des élèves qui le souhaitent, en dehors de leur emploi du temps et en dehors des horaires hebdomadaires des enseignants et dans l'établissement éducatif public. Il est strictement interdit aux enseignants exerçant dans les différents établissements éducatifs publics relevant du ministère de l'Education d'exercer l'activité d'organisation de cours particuliers en dehors de l'espace des établissements éducatifs publics ». Quant à l'aspect monétaire, il est, également, concerné par l'article 10 du même décret puisqu'il stipule que « sont fixés par arrêté conjoint du ministre de l'Education et le ministre des Finances, les montants exigés à payer par les parents, l'autorité chargée de leur réception et les modalités de leur répartition sur les différents intervenants ». De tels cours ont été déjà réalisés dans les années 2000 au profit des élèves. Les montants étaient symboliques (12 dinars/mois). Mais l'expérience a fait chou blanc pour des raisons que chacun peut comprendre : c'était plus alléchant en dehors de l'enceinte des établissements scolaires et on n'avait pas à partager les gains. Un texte de loi précédent tenait compte de la bourse au cas où une famille aurait plus d'un enfant pour suivre des cours de soutien. Une réduction était, alors, accordée. Ce n'est plus le cas dans le présent décret. De plus, le ministère vient dans son communiqué de rappeler les sanctions contre toute infraction qui peuvent aller jusqu'à la révocation. Or, le simple citoyen s'interroge. Est-ce que le ministère dispose des moyens matériels (équipements, humains et financiers) pour mettre en œuvre ce décret ? Ce n'est pas du tout évident. Rien que pour les ressources en personnel de contrôle financier et administratif il ne dispose pas des effectifs nécessaires pour s'acquitter de la tâche dans ses propres institutions ou dans celles privées. Les inspecteurs pédagogiques ne suffisent pas pour encadrer les enseignants de l'étatique puisque certains restent plusieurs années sans bénéficier d'une visite pédagogique. Et, forcément, il faudra tenir compte de la réaction des syndicats qui ne devraient pas rester les bras croisés puisqu'ils ne voient pas d'un mauvais œil l'existence de ces cours et trouvent que c'est un moyen pour les enseignants de joindre les deux bouts en raison de leurs ressources pécuniaires limitées. Car tout le monde sait que ce sont, toujours, les syndicats qui ont fait capoter n'importe quel projet visant à réorganiser le secteur. Il faudrait, également, innover. En effet, les nombreux diplômés « enchômagés » (mouattaline) peuvent être encouragés à s'investir dans ce domaine par la constitution de sociétés remplissant cette tâche. Ils peuvent se regrouper selon les différentes disciplines et dispenser des cours d'appoint payants aux élèves dans des centres de formation reconnus (ils pourront louer des locaux affectés à cet effet en attendant, un jour, la réalisation de vrais centres qui leur seront propres), officiellement, tout en se pliant aux exigences pédagogiques et réglementaires. Ce qui serait une autre opportunité pour cette catégorie de chômeurs. Dans quelle mesure le ministère réussira-t-il à relever ce défi ? Bien qu'on en doute, on peut se permettre quelques petits espoirs à condition qu'il y ait une volonté sincère de la part des parties concernées.