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Interview de Néji Jalloul : Je n'ai jamais cédé au syndicat !
Publié dans Business News le 11 - 09 - 2015

Le ministre de l'Education nationale, nous a reçus jeudi 10 septembre, pour une interview, à son bureau au ministère. Egal à lui-même, Néji Jalloul, passionné comme d'habitude, nous a parlé de son programme, de ses réformes, de ses différends avec les syndicats et de ses aspirations pour l'avenir de l'éducation et de l'enseignement en Tunisie. Interview.


Estimez-vous satisfaisant l'accord conclu avec le syndicat ? Pensez-vous que cet accord va prémunir les écoles et les lycées contre d'éventuelles grèves à l'avenir ?
Beaucoup de gens sont focalisés sur notre travail avec les syndicats. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas le ministère des syndicats et que notre unique priorité est l'élève. Le travail avec les syndicats fait partie de nos activités.

Le syndicat est un partenaire privilégié avec lequel nous œuvrons pour le bien de l'institution éducative. Nous avons, en effet, conclu un accord, en bonne et due forme, avec le syndicat de l'enseignement secondaire. C'est un accord sur trois ans qui devrait mettre fin à toute revendication d'ordre matériel. Théoriquement, il n'y a plus de problème avec le syndicat de l'enseignement secondaire.

Maintenant, la grève est un droit constitutionnel et mon rôle est de défendre les grévistes. Cela étant, faire la grève pendant les examens ou boycotter la rentrée scolaire devient un problème pour la République et nous maintiendrons une position ferme là-dessus. Nous sommes conscients des problèmes des enseignants et nous nous battrons pour qu'ils soient dignement payés, car il y a un réel problème par rapport à leurs salaires.

Si nous voulons élever le niveau de l'enseignement, nous devons élever le salaire des enseignants. Mais aller jusqu'à menacer de boycotter la rentrée pour un retard de parution dans le JORT, soulève un problème de confiance et ne relève aucunement du droit syndical. Ce genre de menaces ne sert pas le pays et ne fait que semer l'inquiétude et le doute chez les parents, c'est toute la société qui en est bouleversée et je souhaiterais que ce mot disparaisse définitivement du vocabulaire.

On vous reproche d'avoir cédé facilement au syndicat, que répondez-vous à cela ?
Je n'ai jamais cédé au syndicat. Le terme céder est inadapté à la situation, car si je conteste la manière je ne peux qu'être d'accord avec le fond.

Il faut savoir que tous les corps relevant du ministère de l'Education ont bénéficié d'une promotion sauf les professeurs du secondaire, il y a donc une réelle injustice, claire et évidente. La grille des salaires dans la fonction publique fait que les professeurs du secondaire se retrouvent dans une situation injuste de par leur fonction et leur niveau et nous avons soulevé ce problème depuis le premier jour. L'accord que nous avons fait avec le syndicat de l'enseignement secondaire est un accord qui est totalement dans l'intérêt de l'institution. Nous n'avons jamais été contre ces revendications, et nous ne sommes pas en guerre avec les syndicats. Ce que nous leur reprochons c'est la manière, la précipitation et parfois l'irrationalité avec laquelle ils agissent. Nous sommes d'accord avec le principe, mais à cause de la situation économique du pays nous avons les mains liées et il nous faut du temps pour répondre à toutes les revendications.

D'ailleurs, nous nous devons de toute façon, d'arranger la situation des enseignants. Pour ce faire, nous avons un programme ambitieux qui comporte le logement et l'accès aux services de santé et de soin pour les enseignants, c'est tout un paquet. Il y a des enseignants, surtout dans les régions intérieures, qui souffrent réellement.

Il y a un problème de grille de salaires dans l'éducation nationale, vous imaginez, un comptable relevant du ministère de l'Education est moins payé qu'un comptable relevant du ministère des Finances, pourtant ils font le même travail. Cela crée un malaise chez les enseignants et un sentiment d'injustice, justifié et compréhensible.

Justement, certains enseignants dispensent des cours particuliers pour remédier à cela, quelle stratégie allez-vous adopter pour lutter contre les cours particuliers « clandestins » ?
Les cours particuliers répondent à un besoin et comblent clairement des lacunes. Coefficients trop élevés de certaines matières, le bas niveau de l'enseignement dispensé, l'instabilité du corps enseignant, sont autant de causes qui font que les cours particuliers prolifèrent.
Pour combattre les cours particuliers, nous devons éradiquer les lacunes de l'enseignement et nos réformes vont dans ce sens. Petit à petit, il y aura une demande moins pressante et moins importante de ces cours.

Pour commencer et comme solution intermédiaire, nous allons interdire les cours particuliers dispensés en dehors de l'enceinte de l'établissement scolaire. Nous voulons recréer une relation de confiance parent-élève-enseignant parce que des cours particuliers dispensés dans des maisons y nuisent fortement.

Nous allons organiser des cours de rattrapage dans l'enceinte scolaire à travers des commissions d'enseignants qui jugent que tel ou tel élève a besoin de ces cours et pour quelle matière. Exceptionnellement cette année nous allons permettre aux enseignants de dispenser des cours particuliers pour les élèves du BAC au sein même de l'établissement ce qui nous permettra de les contrôler sur le plan pédagogique, sanitaire, humain et financier.

C'est, en effet, une manne d'argent dont l'école a fortement besoin, une partie va donc être remise dans les caisses de l'école. Il s'agit d'une solution intermédiaire pour créer une solution dans la douceur. A partir de cette année, les enseignants des établissements publics et des institutions privées n'auront plus le droit de dispenser des cours en dehors de l'enceinte scolaire.

Qu'en pense le syndicat ?
Cette décision est appuyée par le syndicat qui souffre d'un problème d'image. Les cours particuliers clandestins ont fortement nuit à l'image de l'enseignement et sur ce point, nous sommes en parfait accord avec le syndicat.
Il y aura des sanctions pour les enseignants qui donneront des cours en dehors de l'établissement scolaire et en cas de récidive ça peut aller jusqu'à la révocation. Cela va sans dire qu'il faut relever le niveau de l'enseignement si on veut éradiquer toute forme d'enseignement parallèle. Il faut élever les salaires, un enseignant du primaire est payé 700 dinars, ceci est clairement insuffisant pour entretenir une famille et est indigne d'une personne qui forme l'élite de demain. Nous ferons donc en sorte que les cours particuliers ne soient plus un besoin ni pour l'élève, ni pour l'enseignant.

Une grande partie des parents veulent désormais inscrire leurs enfants dans les écoles privées, que pensez-vous faire face à cet exode ?
Il est faux de dire qu'il y a un exode vers l'enseignement privé, il faut savoir qu'il ne constitue que 4 % de l'enseignement primaire en Tunisie et 18 % de l'enseignement secondaire en précisant que le cas de l'enseignement secondaire est souvent un repêchage et non un choix.

Je ne suis pas contre l'enseignement privé, ce qui m'importe c'est que le niveau soit excellent dans les deux filières. Quant au fait de dire que le niveau dans les écoles privées est meilleur, ceci est complètement faux. Les parents qui choisissent d'inscrire leurs enfants dans des institutions privées ne le font pas pour le niveau mais plutôt pour le temps scolaire, en gros c'est une sorte de garderie, vu que les élèves y passent la journée et bénéficient de différents services dont la cantine. D'ailleurs, nous aspirons à introduire les cantines dans les 6000 établissements publics. Nous souhaitons adopter un régime à l'européenne et nous avons commencé à travailler sur la communication dans ce sens. « Va travailler, on s'occupe de ton enfant » sera notre slogan, car oui, les parents nous confient leurs enfants et nous devons tout faire pour être à la hauteur de leur confiance.

A l'avenir, les établissements prendront en charge l'élève de 8 heures du matin jusqu'à 18 heures, nous lui fournirons le repas de midi, des activités culturelles, artistiques et sportives et c'est le clou de notre programme de réforme.

Si le problème du temps scolaire est résolu dans les établissements publics, il n'y aura plus aucun engouement pour le privé. Nous allons tenter l'expérience sur des établissements pilotes, cette année 36 écoles et 2 collèges testeront ce programme. A la lumière des résultats, nous allons généraliser l'expérience sur tous les établissements par la suite.

Bien évidemment, ceci nécessitera un effort national considérable, il faudra construire les salles, recruter les enseignants, doubler voire tripler l'infrastructure. L'école tunisienne était à l'abandon durant 25 ans et nous avons hérité de beaucoup de problèmes, qui sont surmontables. Nous avons commencé par améliorer l'infrastructure des écoles avec un programme sur un an, qui a permis en deux mois d'améliorer 3000 établissements.

Nous sommes aussi, et je tiens à le mentionner, agréablement surpris par l'engouement des citoyens tunisiens pour ce programme, nous recevons tout le temps des visites de personnes voulant participer à la restauration des écoles. Nous avons réussi à sensibiliser les gens sur cette cause et nous en sommes particulièrement fiers.

Vos réformes semblent nécessiter des ressources considérables, comment comptez-vous assurer leur financement ?
En Tunisie, le problème majeur n'a jamais été la disponibilité des ressources, mais leur gestion.

Nous avons en Tunisie des écoles primaires qui fonctionnent avec moins de 50 élèves. Nous avons 60 écoles qui fonctionnent avec moins de 10 élèves. Ce matin même nous avons fermé une école à Zaghouan avec 7 élèves ; nous avons une école primaire qui fonctionne avec 4 élèves et 4 enseignants ; une autre avec 1 élève et 3 enseignants, pour vous dire que le gaspillage est une plaie.

Nous fermons des écoles, certes, mais nous devons garantir le transport. Nous allons travailler cette année sur la cartographie des écoles. On va regrouper les écoles et assurer le transport ou l'internat. Cela nous fera économiser beaucoup d'argent.

Il faut savoir que la formation d'un élève du primaire coute plus cher que celle d'un étudiant en médecine, d'où le caractère irrationnel de la gestion. Il y a des chiffres aberrants que nous voulons corriger.

Pour vous donner un exemple, la norme internationale de jours enseignés est de 190 à 245 pour les pays scandinaves. En Tunisie nous sommes à 169 jours enseignés. Nous avons le plus grand nombre de jours de vacances ainsi que les vacances les plus longues.

Nous allons, à partir de cette année, amorcer un nouveau calendrier scolaire. Nous avons un régime scolaire qui engendre une déperdition énorme. Aujourd'hui, à travers le monde, seuls nos élèves n'ont pas rejoint les bancs des écoles.

L'absentéisme des enseignants coûte à la communauté cent millions de dinars. Nous avons lutté contre les longs congés maladie en effectuant le rapprochement de couples. Nous avons atteint un taux de 90 % de rapprochement de couples pour les enseignants du primaire et 60% pour les enseignants du secondaire et nous avons déjà actuellement moins de demandes pour les congés longs.

Quelles seront les nouveautés et les réformes que vous comptez engager cette année ?
Pour commencer, nous allons instaurer le port obligatoire du tablier pour les filles et les garçons et ce, pour des raisons d'équité, pour le sentiment d'appartenance et pour la sécurité des lycées et des élèves. Cette mesure est transitoire, nous ferons en sorte par la suite d'imposer l'uniforme dans les établissements scolaires comme dans les pays anglo-saxons. Ce n'est pas une question d'argent, nous ne sommes pas plus pauvres que certains pays qui on suivi ce modèle comme l'Egypte.

Nous allons rétablir la discipline et le respect de l'institution scolaire et des enseignants. Un élève qui n'est pas habitué à respecter le rang est un citoyen qui ne le respectera pas dans sa vie quotidienne. Nous voulons aussi rétablir la fonction éducative de l'école et pas seulement son rôle lié à l'enseignement.

Nos élèves passent trop d'examens, nous allons réétudier le calendrier scolaire et le système d'évaluation. Nous avons un réel problème d'heures creuses. Les emplois du temps sont taillés sur mesure sur la disponibilité des enseignants alors qu'il faudrait qu'ils soient adaptés à l'élève.

Les heures creuses sont l'une des causes principales de problèmes tels que la drogue et la délinquance, ce sont des anomalies tunisiennes. Pour renforcer le contrôle et lutter contre l'absentéisme des élèves, nous allons instaurer un système qui fera que les parents soient tenus au courant par SMS quand leur enfant sera absent de son cours.

Notre enseignement est populiste et nous devons retourner à une forme d'enseignement élitiste. Les 25 et 20 % ou autre rachat ont détérioré l'enseignement en Tunisie.

Nous allons réinstaurer les concours de la 6ème et de la 9ème. Il faut savoir que nos élèves en ce moment ne sont réellement évalués qu'à l'examen du baccalauréat. Nous allons diversifier les filières et instaurer au niveau de la 9ème année un guide d'orientation. Nous voulons créer des filières, notamment artistiques, car cela permet de fructifier les dons des élèves et de leur ouvrir d'autres opportunités que celles imposées, souvent, par leurs parents.

Tous ces changements vont être durs, car tous les parents veulent que leurs enfants réussissent, mais nous voulons qu'ils réussissent pour qu'ils puissent trouver un travail et non rester au chômage. Il ne faut pas avoir peur du changement, qu'il soit progressif ou fatalement brusque, il est nécessaire pour améliorer les choses.

Et pour la suite, votre successeur, suivra-t-il nécessairement vos pas ?
Nous nous donnons 3 ans pour mettre en place ces réformes et tous nos efforts conjoints vont donner leurs fruits, il faut savoir que la réforme de l'enseignement ne se fera pas du jour au lendemain. Toutes ces réformes ne sont pas celles de Néji Jalloul et devront être poursuivies à l'avenir. C'est pour cela que nous avons engagé un dialogue national très large pour que ces réformes ne soient pas ponctuelles et qu'elles soient le résultat d'un consensus national.


Entretien conduit par Ikhlas Latif et Myriam Ben Zineb


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