Le ministère du Tourisme table sur l'arrivée de 9 millions de touristes en 2019 et vise un record de recettes de 5 milliards de dinars. Il est vrai que la naissance officielle du secteur touristique remonte aux années 1960, mais la Tunisie est, bel et bien, une destination touristique centenaire avec un parcours fort intéressant de plus de 130 ans d'histoire. De par sa position géographique et son passé, la Tunisie était une terre d'accueil pour les visiteurs de tout bord. A la fin du 19e siècle, le tourisme était au stade de la prospection où il se cherchait encore et se limitait à la saison hivernale et à l'élite qui venait pratiquer la chasse et profiter de la douceur du climat. Mais à partir des années 1920, on commence à observer les prémices du tourisme de villégiature sous sa forme balnéaire. L'intérêt porté au tourisme se confirme en 1952 avec la construction du premier hôtel dans le pays (à Hammamet). Huit ans plus tard, on construisit la première école hôtelière dédiée à la formation des métiers du tourisme pour réussir à recevoir, en 1972, plus de 750 mille touristes européens. Réalisations et performances Pendant des décennies, le secteur touristique a réussi à se développer petit à petit pour s'imposer par la suite comme un des principaux piliers de l'économie nationale. Aujourd'hui, il représente 7% du PIB, 6.5% du total des exportations, 5% des IDE, 23% du taux de couverture du déficit de la balance commerciale et 12% de l'emploi national. Selon les chiffres annoncés par l'Office national du tourisme tunisien (Ontt), lors d'un récent déjeuner-débat organisé par l'association AlumnIHEC Carthage et portant sur le thème «Tourisme tunisien : Quelle vision pour un avenir meilleur?», en 2018, la Tunisie a accueilli 8,3 millions de touristes de différentes nationalités, générant environ 4 millions de dinars de recettes. 868 établissements dont 566 hôtels classés ont été mis en exploitation totalisant ainsi une capacité de 237.618 lits, auxquels s'ajoutent une centaine d'hôtel de charmes, maisons d'hôtes et gîtes ruraux, plus de 380 restaurants touristiques et près de 900 agences de voyages dont la plupart sont réparties sur sept grandes régions touristiques. «Si la Tunisie est parvenue à réaliser ces performances, c'est parce qu'elle dispose d'un atout unique qui permet au territoire tunisien de se prêter à différents usages ; du balnéaire au bien-être, en passant par le saharien, le culturel, le golfique, le gastronomique, mais aussi le médical, l'écologique…», indique Feriel Ghadhoumi Mahrezi, représentante de l'Ontt. Quels défis d'ici 2050 ? Face à cette évolution positive, on doit anticiper les tendances futures. Ainsi, les études internationales montrent-elles que, d'ici 2050, la population mondiale passerait de 7,5 à 10 milliards d'habitants sur terre, dont 2 milliards de séniors et 5 milliards de solos avec des revenus en baisse et une utilisation croissante des réseaux sociaux et des plateformes collaboratives. Selon les mêmes études, 16 milliards de passagers quotidiens sont attendus. Pour ce qui est du court terme, en 2019, le ministère table sur l'arrivée de 9 millions de touristes et vise un record de recettes de 5 milliards de dinars. D'ici 2020, on envisage l'arrivée de 10 millions de touristes, tout en faisant face aux défis majeurs qui s'imposent et qui se présentent en quatre groupes, à savoir la digitalisation, la diversification, l'innovation ainsi que l'investissement et la durabilité. Pour la digitalisation, selon le baromètre Opodo qui mesure l'évolution des départs touristiques ainsi que leurs comportements dans la réservation de leurs séjours, 8 touristes sur 10 préparent leur séjour en ligne, 1 touriste sur trois achète son séjour derrière son écran et 46% des 20-29 ans affirment être incapables de s'orienter en vacances sans leur smartphone. «La réalité fait qu'on évolue, aujourd'hui, dans un monde hyper-connecté où tout est possible suite à un clic. Les réseaux sociaux utilisés Le mode de consommation change et l'homme ne peut plus se séparer de son smartphone, notamment avec l'apparition de nouveaux supports tels que les réseaux sociaux, les plateformes de réservation et d'avis de voyages qui ont changé les usages pour en devenir la norme (Facebook, Booking.com, Tripadvisor, influenceurs digitaux…). Pour ce faire, on doit s'adapter en développant un brand content approprié aux supports numériques, y compris les réseaux sociaux, et privilégiant les techniques du story telling et du placement des produits », explique Ghadhoumi. Dans ce cadre, elle ajoute que le ministère du Tourisme vient d'élaborer une stratégie sur les réseaux sociaux, en choisissant d'être présent sur 5 réseaux sélectionnés sur la base de préférence de nos marchés et du taux de l'utilisation. Aujourd'hui, la marque du tourisme tunisien «Discover Tunisia» est présente sur Facebook (réseau le plus utilisé avec 2.234 milliards d'utilisateurs actifs par mois et qui est très prisé en Europe en particulier en Grande-Bretagne et en Allemagne), sur Instagram (1 milliard d'utilisateurs actifs par mois), sur Youtube (réseau le plus utilisé en termes de téléchargement des vidéos, des films…avec 1,9 milliard d'utilisateurs actifs par mois), sur Twitter (150 millions d'utilisateurs actifs par mois) et sur Pinterest (250 millions d'utilisateurs actifs par mois). Du mono au pluri Le deuxième défi qui s'impose est celui de la diversification, aussi bien de l'offre que de la demande. Pour ce qui est de l'offre, on se focalise sur la diversification des produits et des modes d'hébergement car l'hôtellerie classique n'est plus, désormais, d'actualité et le choix de s'adapter aux mutations du tourisme international devient un impératif certain. Une adaptation de plus en plus urgente face à une concurrence acharnée. Pour ce qui est de la demande, on a choisi de sortir des sentiers battus et d'aller vers les nouveaux marchés prometteurs qui constituent une cible à fort pouvoir d'achat, intéressée par des produits à forte valeur ajoutée. Donc, le pays cible la Chine, les pays du Moyen-Orient, l'Afrique subsaharienne… Sortir des sentiers battus Innover dans l'investissement, c'est sortir des sentiers battus et considérer le changement comme une opportunité, surtout que la Tunisie dispose d'une diversité naturelle qui fait de chaque territoire une destination à part entière. Le département du tourisme encourage dans ce sens les investissements dans les régions intérieures qui regorgent d'atouts naturels et culturels et qui sont susceptibles de constituer une offre touristique diversifiée. En plus de cela, on encourage les marques et les enseignes internationales à s'installer en Tunisie. «Aujourd'hui, on a des chaînes hôtelières de renommée comme Mövenpick, Four Seasons, Novotel, La Cigale… qui sont implantées un peu partout sur le territoire et on espère dans un futur proche voir d'autres enseignes internationales venir s'installer chez-nous», souligne Ghadhoumi. Pour l'enjeu de la durabilité, on ne peut pas parler du tourisme, aujourd'hui, sans parler des énergies, sans parler de l'eau et donc sans parler du développement. A cet effet, les objectifs du développement du tourisme tunisien s'alignent sur les objectifs du développement durable, énoncés par les Nations unies car les touristes sont aujourd'hui sensibles à la question de l'environnement. Le touriste, c'est quelqu'un qui cherche du sens de par sa consommation touristique et qui ne veut en aucun cas nier aux populations locales. Donc, en tant qu'administration et en collaboration avec tous les acteurs, on œuvre ensemble pour un tourisme responsable et respectueux des hommes et des territoires.