La jeunesse n'est plus synonyme d'incompréhension, elle fait plutôt montre d'aptitude grandissante à s'acclimater aux exigences de la société moderne, à s'intégrer dans tout ce qui relève du projet de développement. Toutefois, il est indispensable, d'abord, de s'imprégner des valeurs favorables à une implication consciente et consentie, dans le projet social, visant à promouvoir la totalité des composantes nécessaires à une vie moderne. Inciter les jeunes à sortir de leur cocon social restreint, notamment celui d'une catégorie d'âge bien précise ayant des préoccupations et des centres d'intérêt bien définis, à voir leur environnement socioéconomique, culturel et civilisationnel sous un angle élargi, n'est pas chose aisée. Pourtant, il y va de leur avenir et de l'avenir tout court. La socialisation des jeunes et l'ancrage d'une citoyenneté active nécessitent la contribution de différentes parties. Le rôle de la société civile constitue une plaque tournante dans ce sens, vu que les ONG bénéficient de deux atouts, l'aspect non-institutionnel et la proximité. Aussi, le Centre d'information, de formation, d'études et de documentation sur les associations (Ifeda) a-t-il organisé, jeudi, une conférence nationale ayant pour thème : «Société civile et socialisation des jeunes : pour une citoyenneté active», en collaboration avec le ministère de la Jeunesse, des Sports et de l'Education physique et l'Organisation tunisienne de l'éducation et de la famille (Otef). La première séance a traité du rapport entre les jeunes et les défis nationaux et universels. A ce propos, il importe d'examiner la conception des jeunes des principes de la citoyenneté et du patriotisme. Le Pr Salem El Mekki, universitaire et président de l'Otef, a parlé de l'effritement du sentiment de patriotisme et du principe de citoyenneté chez la jeunesse tunisienne. Il a pris l'exemple d'une élève brillante pour qui ces notions n'ont plus une grande importance vu que nous vivons dans un contexte stable. La jeunesse tunisienne se trouve, en effet, absorbée par les nouveaux moyens de communication et par les nouvelles exigences de la vie moderne. Ce n'est donc plus l'ancienne génération qui tend la main vers les jeunes, mais ce sont ces derniers qui ont leurs règles de jeu et imposent aux adultes de s'adapter à leur monde. Apprendre à être responsable Le Pr El Mekki indique que, selon la consultation nationale sur la jeunesse, 80% des jeunes sont satisfaits de leur vie. «Or, la satisfaction est un terrain favorable au laxisme. Les jeunes, tout en étant satisfaits de leur situation, devraient opter pour un comportement responsable, évolutif et être désormais avertis des inconvénients de la modernité», souligne l'orateur. Pour lui, il convient de combler le fossé qui dissocie la famille tunisienne afin de garantir un suivi meilleur pour les jeunes générations et les aider à être sélectives dans leurs choix. Par ailleurs, les jeunes sont appelés à gagner, entre autres, le pari économique. «L'objectif, enchaîne l'orateur, consiste pour le prochain quinquennat à augmenter le taux de productivité en optimalisant l'exploitation des moyens déjà existants. Cela dénote de la confiance accordée aux ressources humaines». Ces défis ne peuvent être relevés sans une socialisation des jeunes et l'ancrage, en eux, des principes de citoyenneté et de patriotisme. Le Pr El Mekki définit la patrie en tant que projet commun, fondé sur un objectif précis que nous tâchons, chacun de son côté, à réaliser pour en tirer des résultats. Les ONG de par leur souplesse et leur proximité sont bien placées pour encadrer les jeunes et les orienter vers la concrétisation des choix nationaux. Aussi, est-il indispensable d'user du dialogue fin pour les convaincre de l'utilité de leurs choix. Pour l'échange et le dialogue L'orateur précise que le véritable dialogue suscite la divergence et incite, ainsi, aux débats fructueux. Le Pr Mohamed Najib Boutaleb, directeur de l'Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, a axé son intervention sur le rôle spécifique des associations dans la socialisation des jeunes et dans la garantie d'une éducation juvénile équilibrée. Il faut dire que les mutations de notre société, comme la réduction du noyau familial et le rythme accéléré de la vie, se sont faites au détriment de l'échange et du dialogue. L'émergence des associations est venue compenser ce déficit de communication et d'encadrement. D'un autre côté, le Pr Boutaleb met en exergue l'évolution remarquable que connaît le secteur de la jeunesse. La mondialisation a imposé, en effet, bon nombre de critères, de normes et de comportements qu'il faut prendre en considération, notamment dans la réalisation des défis. L'orateur lance un appel à la rénovation des mécanismes de travail et à la dynamisation des programmes destinés aux jeunes en misant sur l'ancrage des principes de citoyenneté et de la participation dans l'œuvre de développement. L'importance des langues La jeunesse tunisienne dans un contexte mondial placé sous le signe des grandes mutations aussi bien économiques que politiques ; tel est l'angle sur lequel la Pr Riadh Zghal, universitaire et membre de la Chambre des Conseillers, a focalisé son intervention. L'oratrice a détaillé toutes les transformations du monde durant ces dernières années, notamment l'émergence de nouvelles puissances économiques à l'instar de l'Inde, de la Chine, de la Russie et du Brésil. Mutations économiques mais aussi crise économique en 2008 qui a prouvé l'efficacité de la libération inconditionnée du secteur financier en Occident. La Pr Zghal a mis en garde la jeunesse tunisienne des difficultés que connaîtra le monde à cause du boom démographique prévu dans les années à venir et qui portera le nombre de la population mondiale à 9 milliards contre 6 milliards actuellement et l'insuffisance des ressources naturelles pour répondre aux besoins de l'humanité. «La jeunesse tunisienne n'accorde pas aux langues vivantes et à l'aspect civilisationnel l'importance qu'il faut. Pourtant, la mondialisation l'impose plus que jamais. La maîtrise des langues, notamment arabe et anglaise, permet aux jeunes de bénéficier de plus d'opportunités tant à l'échelle arabe qu'à l'échelle internationale. La nouvelle entreprise devrait être cosmopolite, favorable à l'échange civilisationnel», souligne l'orateur. Et d'ajouter que la jeunesse est appelée à être créative. Elle doit miser sur les technologies, à savoir l'informatique, la nanotechnologie, la biotechnologie et la technologie des connaissances.