• Figure incontournable du groupe Taht Essour, Mustapha Khraïef aura incarné toute la démesure du milieu artistique des années 1940 et 1950 A l'initiative de la section de l'Union des écrivains tunisiens, bureau d'Hammam-Lif, et conjointement avec la Délégation régionale de la culture et de la sauvegarde du patrimoine de Ben Arous, la bibliothèque publique d'Hammam-Lif a été le théâtre d'une importante conférence autour du parcours de Mustapha Khraïef dont la Tunisie célèbre cette année le centenaire de la naissance. La conférence, qui s'est déroulée vendredi dernier, a réuni une pléthore de brillants intellectuels de la région, visiblement désireux de suivre les pas du grand poète disparu et d'aller à la découverte de l'homme qu'il a été et de l'empreinte qu'il a laissée. Le Dr Ahmed Touili, modérateur de la conférence, a ouvert la séance en insistant sur le rôle qu'a joué Mustapha Khraïef dans les belles lettres arabes en tant que locomotive et élément moteur en raison de son influence, de son dynamisme et de son talent dans les milieux littéraires tunisiens. Lui succédant, le critique et écrivain Bouzaïane Saâdi a parlé de la modernité dans l'œuvre du poète, jamais démentie par le militantisme et le patriotisme qui ont transcendé pratiquement les sentiments les plus nobles chez l'homme. «On a souvent pensé que sa vie de bohème fréquentant le milieu artistique, presque en marge du conformisme ambiant de l'époque et d'une certaine respectabilité ou moralité, n'était pas compatible avec son engagement politique, qu'il allait manquer de zèle et d'ardeur», soulignait B. Saâdi qui a, par ailleurs, insisté sur son action en faveur du combat de l'Algérie pour son indépendance, sur sa profonde tristesse, suite à la création de l'Etat d'Israël et sur sa farouche volonté de voir naître un Maghreb arabe fort et uni. Le Pr Abderrahmane Kablouti a évoqué, lui, la carrière de journaliste de M. Khraïef. De même que le Pr Ali Dib qui a eu à rappeler le rôle qu'a joué le poète en tant que producteur d'émissions radiophoniques. Le dernier à prendre la parole, avant les débats, a été le professeur et écrivain Jalel El Mokh qui a parlé de la cité beylicale d'Hammam-Lif en tant qu'étape importante dans la vie du poète. Il s'y est réfugié et y a vécu de 1941 à 1945. Comme beaucoup de Tunisiens, il s'est établi avec sa famille dans cette banlieue de Tunis, à cause précisément de son statut de «ville ouverte» qui l'épargnait des retombées meurtrières de la guerre que se livraient les Alliés et les forces de l'Axe. Jalel El Mokh a également parlé de l'amitié qui lui a été témoignée par le souverain husseïnite de l'époque, Moncef Pacha Bey, qui lui faisait l'honneur de le recevoir, sans le cérémonial de la cour, dans l'intimité de son palais d'Hammam-Lif. En marge de la conférence, une exposition de peinture très originale de l'artiste Abdelaziz Dridi s'est tenue dans l'immense salle de la bibliothèque. Membre de l'Union des artistes-peintres tunisiens, Dridi a eu l'ingénieuse idée d'illustrer ses 24 tableaux de petits formats (42 cm x 25 cm) de poèmes de Mustapha Khraïef, extraits de son œuvre maîtresse Chawq wa dhawq, recueil publié en 1965. Se servant de collage de photographies du poète, de dessins, il a détourné ces éléments dans un but de recherche poussée dans l'art de la provocation. En fait, l'exposition n'est pas si étrangère au parcours du poète.