«Pour que notre peuple ait confiance dans l'avenir et dans ses destinées, il faut lui montrer des hommes capables d'endurer pour lui toutes les souffrances» C'est avec beaucoup d'émotion que j'écris ces quelques lignes pour rappeler à certaines personnes, qui semblent avoir mélangé les pinceaux, l'histoire de Si Mahmoud El Materi, cet homme exceptionnel qui a sacrifié sa vie à notre nation. Ce n'est pas parce que le jeune petit-fils de son frère s'est égaré par la folie de ses courtisans qu'on oublie le passé glorieux de Si Mahmoud. - Le 2 mars 1934, Si Mahmoud fut le premier président du Néo-Destour à Ksar Hellal. - Le 3 septembre 1934, il fut exilé puis emprisonné à Borj Le Bœuf dans des conditions particulièrement difficiles, laissant son épouse et ses enfants dans le désarroi et dans le besoin. - En 1938, en désaccord avec Bourguiba, il démissionne de la présidence du Néo-Destour. - Le 8 avril 1938, il sauve le peuple d'un bain de sang car la répression coloniale devait être sanglante. - En mai 1952, il est de nouveau déporté à Kébili pour ses prises de position courageuses. - En 1957, en désaccord avec Bourguiba, il démissionne du gouvernement et se consacrera désormais à la médecine en restant un pionnier dans l'organisation sanitaire. Je me rappelle encore, jeune élève, passionné par l'indépendance de mon pays, j'écoutais Si Mahmoud en pleine Assemblée nationale, demander le vote secret et non à main levée : c'était l'avant-garde de la démocratie. Puis, j'ai connu Si Mahmoud dans les dernières années de sa vie en épousant sa fille. J'ai vu comment cet homme était un grand humaniste. Dans son cabinet de Bab Ménara, il soignait gratuitement les malades nécessiteux et était toujours prêt à pardonner à tous ceux qui lui ont fait du mal. Je voudrais également reprendre cette phrase historique qu'il a lui-même écrite le 2 juin 1931 dans le journal La voix de la Tunisie et qui, aujourd'hui, est tellement d'actualité : «Pour que notre peuple ait confiance dans l'avenir et dans ses destinées, il faut lui montrer des hommes capables d'endurer pour lui toutes les souffrances». C'est en grand croyant qu'il est mort le 13 décembre 1972, les circonstances ont fait que j'étais seul avec lui et ses dernières paroles furent‑: «Hasbouna Allah wa naâma el wakil». Et quand j'entends aujourd'hui certains qui ont profité de tous les régimes et qui veulent maintenant se racheter une bonne conduite en faisant un grand nombre d'amalgames, je leur réponds‑: «Messieurs, l'édifice de l'Etat national se bâtit sur les épaules des hommes comme Si Mahmoud et les générations de jeunes qui ont fait cette glorieuse révolution redevront au Dr Mahmoud El Materi un acquis majeur‑: la libération de la nation».