Par Ridha BOURKHIS * Il y a encore beaucoup de choses qui ne tournent pas rond dans la politique de notre nouveau gouvernement tunisien dit provisoire ! Sous l'apparente reconnaissance et adoption de la révolution démocratique du peuple, il semble bien qu'il y ait encore des calculs politiques machiavéliques qui viseraient à avorter un jour les valeurs ayant gouverné cette révolution populaire : Premier point : les destouriens-rcdistes ne sortent par la porte que pour revenir par la fenêtre. Leur cheval de bataille, c'est toujours un discours truqué, fallacieusement rhétorique, sur une révolution qu'ils feignent de bénir, mais à laquelle leur esprit, leur formation et leur parcours politiques ne ressemblent point. Ils sont aujourd'hui partout dans nos journaux tunisiens, sur les ondes de nos radios ainsi que sur les plateaux de nos télévisions à expliquer à qui voudrait bien les croire comment ils ont soudain découvert, comme par enchantement, qu'ils se sont toujours démarqués du dictateur Ben Ali, même s'ils se mettaient, sans coup férir, à tous ses ordres, même s'ils ont détourné avec lui la Constitution et falsifié les élections, même s'ils ont constamment donné leur aval, silencieux ou bruyant, à sa politique et à sa chasse policière systématique de la démocratie et de ses militants. Tous, ils rappellent leur nationalisme et leur fidélité à la patrie et n'oublient pas, dans la foulée de leur lyrisme épique, de signifier subtilement leur volonté de redescendre encore, un jour, dans l'arène politique où ils croient pouvoir être encore crédibles et utiles, même si le peuple, du Sud au Nord, ne cesse de leur demander de décamper ! Un ancien ministre, un véritable symbole du régime de Ben Ali, a failli nous faire pleurer, quand vendredi 5 février dernier, vers 14h30 sur une petite radio tunisienne privée, il a pris la parole pour mettre en vedette son parcours de militant destourien où il n'y avait, à notre humble avis, rien de bien lumineux dont il puisse vraiment s'enorgueillir, et pour faire un peu de pub bon marché pour son prochain retour, réfléchi et décidé, à la scène politique. Pourtant, il lui suffit de jeter un coup d'œil sur Facebook pour constater qu'ils sont déjà des milliers à avoir signé un «non» catégorique contre l'homme politique qu'il est ! Pourquoi risquer l'humiliation, quand on a l'occasion de sortir dignement d'une vie politique où on n'est pas aimé, où on est loin d'être indispensable ? Un autre ancien ministre de Ben Ali qui a toujours répondu présent à son ami dictateur, s'est donné la peine d'appeler un journaliste du quotidien tunisien populiste Echourouq et lui a demandé de l'interviewer en lui promettant de lui révéler comme à ses lecteurs beaucoup de choses sur Ben Ali que personne ne savait déjà ! Nous lisions de bout en bout son interview et nous n'y trouvions rien qui vaille ! Rien de mieux qu'une volonté de parler de sa «droiture», de sa «compétence» et de sa «fidélité» à la patrie, et, bien sûr, un message explicite, au second degré, à peine voilé : «Pensez à moi, à moi», pour une éventuelle nouvelle responsabilité politique ! Je serais preneur» ! Deuxième point : les 19 gouverneurs récemment nommés par le nouveau gouvernement dit provisoire et qui ont déjà bien servi le pouvoir du dictateur et du RCD conspués et condamnés par tous, ont déjà causé, par leur nomination pour le moins incongrue, voire choquante, des troubles sociaux et des manifestations violentes à Gafsa comme au Kef, à Tataouine et ailleurs‑: encore des blessés et des morts que le nouveau gouvernement dit provisoire aurait pu épargner à l'histoire de notre pays‑! Troisième point‑: la police tunisienne inspire-t-elle vraiment confiance aujourd'hui‑? Les balles qui ont encore tué des Tunisiens, samedi 5 février dernier, ont été tirées par un policier tunisien‑! Est-ce vraiment un cas isolé ou est-ce les démons de la dictature endémique et tenace qui continuent à habiter dans nos murs et qui tiennent toujours à terroriser nos rêves légitimes de démocratie et de paix? Quatrième point‑: suite aux manifestations tragiques du Kef, le très honni RCD a été interdit d'action dimanche 6 février 2011, par le nouveau ministre de l'Intérieur Monsieur Farhat Rajhi. Bonne décision certes‑! Mais quand va-t-on donc écouter ces milliers de citoyens et procéder enfin, comme ils le demandent avec force et insistance, à la dissolution définitive de ce parti-Etat dont l'existence ne peut que menacer de saboter notre marche nationale vers la démocratie? Ecoutons aussi nos éminents juristes dont beaucoup appellent à cette dissolution nécessaire. Cinquième point‑: l'Assemblée nationale et le Conseil des dits «moustacharines» (le Sénat à la Ben Ali‑!) qui ne représentaient, de l'avis de tous ceux qui n'ont pas la mémoire courte, que les choix, les intérêts et les caprices de Ben Ali et de son gang, sont toujours là qui narguent, par leur présence indésirable, nos concitoyens et nos martyrs‑! Quand va-t-on les dissoudre pour matérialiser la rupture avec les institutions perverties du régime de Ben Ali? Qu'attend-on pour le faire? Sixième point‑: les griefs, plutôt bien allégés, voire ironiques, formulés par le nouveau ministre de la Justice contre Ben Ali, son épouse et leurs familles n'ont pas été sans beaucoup surprendre avocats, magistrats et peuple‑: tous interdits devant des chefs d'accusation qui ne signifient point une volonté réelle de juger sérieusement un ancien président qui a pillé, avec les siens, tout un pays, qui a fait tuer des citoyens tunisiens, qui a commis ce qui n'a qu'un seul nom : la Haute trahison par rapport au peuple et par rapport à l'Etat‑! Septième point‑: les mercenaires de la plume et des médias retournent, à leur façon, leurs vestes et s'improvisent à la hâte démocrates hostiles à Ben Ali, ce dictateur dont ils léchaient les mains et les pieds. Leur objectif est mois compliqué que leurs esprits : feindre de vanter le peuple, flatter sa volonté miraculeuse, pour mieux le rouler et aider ses ennemis à mieux voler sa révolution et ses rêves‑! Tous de la même farine‑! Opportunistes jusqu'à la moëlle‑! Nous pouvons toujours relire leurs propagandes de quat'sous en faveur de leur «héros visionnaire» Ben Ali; nous pouvons encore retrouver leurs signatures de la risible pétition où ils sollicitaient leur «guide» et leur «modèle» de reconduire encore (et encore!) sa candidature aux élections présidentielles de 2014, c'est-à-dire de falsifier et de refalsifier, en toute tranquillité, la Constitution et les élections ! Leurs déclarations dans les journaux et leur apparition peu glorieuse sur les plateaux de nos télévisions sont une honte historique, une insulte à ce peuple! Qu'ils se taisent enfin pour que cesse un peu la pollution qui nous a longtemps empêché de respirer normalement. Dernier point‑: finissons par le nouveau ministre des Affaires étrangères, monsieur Ahmed Ounaïes, nommé à ce poste le 27 janvier dernier, et que nous n'avons bien découvert que dimanche 6 février 2011, au soir, sur le plateau de la télévision maghrébine privée «Nesma». Mais quelle découverte alors ! Quel choc‑! Quelle déception ! Quelle attitude fâcheuse et révoltante par rapport à la révolution d'un peuple tunisien grâce à qui ce ministre, très angoissant, a pu décrocher, au moment même où il n'en rêvait même pas, le portefeuille du prestigieux ministère des Affaires étrangères ! Assis devant notre écran à écouter les longues interventions, ennuyeuses et oiseuses et les impertinentes leçons de morale de ce nouveau ministre plutôt agressif et peu respectueux des journalistes qui lui posaient des questions précises auxquelles il évitait de répondre, en nous noyant dans une logomachie interminable, nous ne savions pas s'il fallait nous esclaffer ou pleurer ! Dommage ! Notre nouveau ministre a manqué le coche ! Non ! Nous n'allons pas regretter à cette occasion notre ancien ministre des Affaires étrangères, M. Kamel Morjane, dont M. Ahmed Ounaïes vient de prendre la place. Car, oui, M. Morjane dont nous saluons la démission, vendredi 27 janvier 2011, à peine trois petites heures avant la proclamation du nouveau gouvernement dit provisoire (dans sa deuxième version) représente, logiquement, l'un des symboles du régime du président en fuite. Non ! Nous ne regrettons nul destourien et nul Rcdiste, même ceux-là qu'on croit intègres. Car il est grand temps de tourner la page de ce parti-là et de ses «militants» qui n'ont que trop occupé notre paysage politique et bouché nos horizons‑! Rien ne sert plus de continuer à rafistoler du «neuf» avec du vieux ! Mais nous pensons par ailleurs, comme beaucoup (allez voir sur Facebook), que notre pays mérite tout de même un ministre plus représentatif de son peuple et de sa révolution que M. Ahmed Ounaïes ! Pardon, M. le ministre ! * (Maître de conférences de l'enseignement supérieur-Hammam-Sousse)