La laïcité est — la majorité silencieuse des Tunisiens y croit — la seule et unique alternative démocratique qui propose un exercice du pouvoir politique loin de tout dogme religieux. Ce système qui se fonde sur le principe de l'indépendance et de la non-ingérence de l'Etat dans les affaires religieuses. La laïcité trouve son application la plus spectaculaire pour la première fois en France dans les lois scolaires de Jules Ferry, appliquées à partir du 30 octobre 1886. Contrairement aux autres partis politiques en Tunisie, le mouvement islamiste Ennahdha, organe central vital et noyau assez dur d'un Islam pur quoiqu'il en dise, jouit d'une véritable plateforme d'idées à la base d'un programme politique, économique, social et culturel revendicatif. Malgré l'éloignement de son leader Rached Ghannouchi et son exil en Angleterre qui a duré plus de vingt ans, cela n'a pas empêché les éléments, restés en liberté en Tunisie, d'agir et d'opérer en semi-clandestinité avec une méthodologie efficace et appropriée aux circonstances, en jouant sur le sentiment religieux de la population. Ils étaient aidés en cela par les excès du pouvoir mis en place par le président déchu et les dépassements intolérables et criminels observés à tous les niveaux. Ces agissements ont causé un profond retentissement chez les Tunisiens qui n'ont pas tardé à se replier sur eux-mêmes en s'isolant de la vie politique. Le résultat ne s'est point fait attendre, puisque l'absence de démocratie et de liberté aidant, les Tunisiens se sont rabattus sur la religion. Les chaînes satellitaires du Moyen-Orient, prônant et véhiculant un message rétrograde des valeurs islamiques et opposé au progrès, ont trouvé une oreille attentive auprès de ce public. Et l'on a vu de plus en plus de barbus dans la rue ainsi que des femmes se couvrir la tête sous prétexte qu'exposer ses cheveux au regard des hommes est contraire aux préceptes sacrés de l'Islam. On serait effaré par le nombre d'interdits, temporels et spirituels, institués par des obscurantistes analphabètes qui se sont érigés en docteurs de la loi ou en théologiens et même en juristes. Ce regain de religiosité à profité bien évidemment au mouvement islamiste Ennahdha qui a saisi cette opportunité pour mieux étendre son influence dans pratiquement tous les milieux sociaux du pays. L'on se demande où sont passés les partis politiques existants ? Qu'ont-ils fait pour contrecarrer les desseins et les visées cachés des islamistes ? Ont-ils encore un semblant de crédibilité ou même la capacité de susciter ne serait-ce qu'un soupçon de confiance ? Toujours est-il que dans tous les cas de figure, la société civile est appelée à être extrêmement vigilante. Les sondages d'opinion effectués tout récemment créditent le parti Ennahdha d'un score qui lui permet d'être presque en tête avec le parti de Néjib Chebbi. Sauf que le pourcentage des taux de ceux et celles qui ne se sont pas prononcés risque fort de détromper les pronostics et de créer la surprise le jour venu. A la majorité silencieuse d'agir et d'éloigner le spectre de l'obscurantisme avec l'arrivée au pouvoir d'un parti religieux. La Tunisie a chèrement payé sa révolte pour la démocratie et la liberté que lui avait ravies Ben Ali. Aujourd'hui, elle refuse désespérément de tomber de Charybde en Scylla en optant pour un régime théocratique dans lequel le pouvoir vient directement de Dieu et qu'il est exercé par ceux qui prétendent être investis de l'autorité divine.